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ce navire appartenait encore à l'armateur, ou s'il avait été par lui vendu, ni dans quels lieux, ni dans quel état il pouvait être; Que la loi du 15 av. lui imposait à cet égard une obligation absolue qu'elle ne pouvait éluder, sur le motif d'aucune circonstance extrinsèque au fait du délit ; Que cependant cette Cour a même refusé de statuer sur ce fait, et, sous le prétexte que le navire l'Irène avait été vendu à la Havane, elle a renvoyé le sieur Dacoudray-Bourgault des poursuites, en quoi elle a formellement violé ladite loi du 15 av. 1818; Par ces motifs, CASSE et ANNULE l'arrêt rendu par ladite Cour, le 24 mars dernier ; et pour être procédé à un nouvel arrêt, conformément à la loi, ainsi qu'il appartiendra, sur l'appel do jugement renda en première instance, le 1er fév. précédent, parle tribunal correctionnel, renvoie devant la Cour royale d'Angers, chambre des appels de police correctionnelle. »

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COUR DE CASSATION.

N'appartient-il qu'au tribunal criminel ordinaire, et non à la juridiction militaire, de connaître du fait de provocation à la désertion par un individu non militaire ? (Rés. aff.)

ADELIS.

Ainsi jugé sur le pourvoi du nommé Adelis, par ARRÊT du 21 Mars 1823, section criminelle, M. Barris président, M. Rataud rapporteur, M. Marchangy avocat-général, conçu en ces termes :

« LA COUR, - Vu l'art. 77 de la loi du 27 vent. an 8, d'après lequel les jugemens des tribunaux militaires peu ́vent être attaqués par la voie de cassation, pour cause 'd'incompétence ou d'excès de pouvoir, proposée par un "citoyen non militaire, ni assimilé aux militaires par les lois, à raison de ses fonctions; Vu l'art. 1er de la loi du 22 mess. an 4, portant : « Nul délit n'est militaire s'il n'a été

commis par un individu qui fait partie de l'armée. Tout autre individu ne peut jamais être traduit, comme prévenu, devant les juges délégués par la loi militaire; » et l'art. 9 de la loi du 15 brum. an 5, portant : « Nul ne sera traduit au conseil de guerre, que les militaires, les individus attachés à l'armée et à sa suite, les embaucheurs, les espions et les habitans du pays ennemi occupé par les armées françaises, pour les délits dont la counaissance est attribuée au conseil de guerre ; » Attenda que le demandeur en cassation n'était justiciable du conseil de guerre, ni à raison de sa qualité, ni à raison de la nature du fait pour lequel il a été condamné; qu'ainsi son pourvoi est recevable; Attendu que, si la loi du 4 niv., an 4 avait soumis à la juridiction militaire les provocations à la désertion, cette disposition, quant à l'attribution de la compétence, a été abrogée par l'art. 1er de ladite loi du 22 mess. et par l'art. 9 de celle du 13 brum. an 3, qui, en soumettant à la juridiction militaire les embaucheurs et les espions, n'y a plus soumis, comme l'avait fait ladite loi du 4 niv., ceux qui, sans être embaucheurs, auraient provoqué à la désertion; - Que, néanmoins, le 2o conseil de guerre permanant de la 14e division militaire, séant, à Cherbourg, devant lequel le nommé Julien-Mathurin Adelis, boucher de profession, avait été traduit, comme accusé, 1° de crime d'embauchage, 2o de fait de provoca tion à la désertion, après avoir déclaré ledit Adelis non. coupable du fait d'embauchage, au lieu de le renvoyer de vant les juges ordinaires pour être jugé sur le fait de provocation à la désertion, s'est permis de connaître de ce fait, et a prononcé contre tui la peine de neuf années de détention, par application de l'art. 4 de la loi du 4 niv. an 4; - En quoi ledit conseil de guerre a violé les règles. de compétence, et commis un excès de pouvoir; - Par ce motif, Casse et ANNULE le jugement rendu par le 2o conseil de guerre permanent de la 14a division militaire, séant à Cherbourg, le 15 fév. dernier, portant condamnation,

contre le demandeur, à la peine de neuf années de détention, comme coupable de provocation à la désertion. »

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COUR DE CASSATION.

Une servitude discontinue peut-elle, sous le Code civ., ètre l'objet d'une action possessoire, alors même que la possession invoquée aurait eu lieu sous l'empire d'un statut local qui déclarait ces sortes de servitude prescriptibles? (Rés. nég.) (1)

OBERT, C. CHANCEL.

Plusieurs petits canaux, appelés peyras, servans à l'arrosement des terres, dérivent du grand canal de Briançon. Il a été fait un règlement, le 22 juill. 1757, homologué par le parlement de Grenoble, dans lequel le sieur Lacombe, Violin et Chancel, sont compris comme part-prenans dans la peyra Raymond-Voiron.

Voici la position des lieux : Le sieur Lacombe, riverain de la droite de cette peyra, après en avoir dérivé les eaux, les conduit par un fossé qui se trouve à la crête de son fond, d'où il les répand sur ses terres. —— Le sieur Violin, propriétaire inférieur au sieur Obert, et son voisin du même côté de la peyra, après y avoir pris les eaux, les conduit par un fossé établi à la cime de ses terres, d'où il les étend sur ses fonds. A l'égard du sieur Chancel, ses terres se trouvant placées derrières celles du sieur Violin, qui les séparent de la peyra, il ne peut prendre les eaux que par le fossé de Violin ou par celui du sieur Obert.

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Il est constant que le sieur Chancel a dérivé les eaux pendant certain temps par l'un et l'autre de ces fossés; mais, en 1816, le sieur Obert a fermé son fossé, ce qui a empêché le sieur Chancel de profiter davantage des eaux de la peyra.

(1) V. ce Journal, toms 3 de 1820, pag. 273.

C'est à raison de cette entreprise que le sieur Chancel a formé une action en complainte, tant contre le'sieur Obert que contre le sieur Violin. Il a soutenu qu'aux termes du règlement du 22 juil. 1757, il avait le droit de prendre dans la peyra les eaux nécessaires pour l'arrosement de ses fonds; et il a demandé à être maintenu dans la possession annale où il était de fait dériver ces eaux, soit par le fossé Obert, soit par le fossé de Violin, attendu qu'il n'avait pas d'autre moyen de pourvoir à l'arrosement des diverses parties de sa propriété.

Il paraît que le sieur Violin n'a pas contesté cette réclamation. Quant au sieur Obert, il a prétendu qu'il n'avait permis au sieur Chancel de faire dériver les eaux par son fossé, que par une pure tolérance, qui, quelle que fût sa durée, ne pouvait donner lieu, de sa part`, à une action en complainte, puisqu'il s'agissait d'une servitude discontinue, et dès lors non prescriptible.

Un jugement de la justice de paix, du 5 juin 1817, a accueilli cette exception du sieur Obert, et déclaré l'ac tion en complainte du sieur Chancel non recevable.

Mais, sur l'appel, jugement du tribunal civil de Briançon, du 28 juil. 1819, qui infirme: - Attendu qu'il est de principe certain qu'en Dauphiné, les servitudes discontinues pouvaient s'acquérir sans titre et par l'effet d'une possession immémoriale, et qu'en envisageant même la servitude réclamée par Chancel sous ce point de vue, elle a pu et dû donner lieu à la complainte possessoire; que conséquemment Chancel est recevable dans son action; qu'il résulte, en effet, clairement des enquêtes respectives, que Chancel a joui paisiblement, publiquement et de jour, depuis plus d'un an, du droit de faire passer l'eau par le canal en tête de la proprité d'Obert pour l'arrosement des siennes.

Pourvoi en cassation, de la part du sieur Obert, pour violation de l'art. 23 du C. de proc., des art. 691 et 2229

du C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 30 vent. an 12. Da 2 Juillet 1823, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. le comte Desèze, pair de France, premier président, M. Cassaigne rapporteur, MM. Dejean et Piet avocats, par lequel: .

« LA COUR,

Sur les conclusions conformes de M.
Vu l'art. 23 du C. de

Joubert, avocat-général;

vent, au 12;

proc.,

les art. 691 et 2229 du C. civ., et l'art. 7 de la loi du 30 Attendu que la possession ne donne lieu à l'action possessoire qu'autant qu'elle est capable de faire acquérir la proprieté par la prescription; que les servitudes discontinues ne peuvent s'acquérir par la prescription, ui par conséquent leur possession donner lieu à la complainte ; qu'on ne peut juger le contraire sous preteste qu'elles se trouvaient acquises avant le Code par la prescription, d'après l'usage local, et qu'on ne peut attaquer celles déjà acquises, avant cette loi, par la possession, dans les pays où elles pouvaient s'acquérir de cette manière, parce que cette prescription, étant incertaine et en contestation, ne peut donner lieu qu'à l'action petitoire, et que le juge de paix, n'étant compétent que pour adjuger le possessoire, ne peut la vérifier et constater pour en faire l'application au possessoire, sans excéder sa compétence en préjugeant le pétitoire; - Que, dans le fait, le jugement attaqué déclare qu'il s'agit, dans l'espèce, d'une servitude discontinue, et néanmoins il décide que la possession de cette servitude donne lieu à la complainte, sous prétexte que la servitude se trouvait acquise avant le Code, d'après l'ancien usage du Dauphiné, qui d'ailleurs se trouve aboli par l'art. 7 de la loi du 30-vent. an 1 2, sauf à l'égard des prescriptions acquises réservées par le Code; qu'en cela le jugement renferme un excès de pouvoir, et viole formellement les lois ci-dessus citées ; CASSE, etc.

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