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que provoque souvent la résistance d'un débiteur qui, pour gagner du temps, s'oppose aux poursuites exercées contre Jaien verta d'an titre exécutoire. Mais il n'est point d'erreur plus évidente que celle-là; et, pour s'en convaincre, il suffit de remonter aux antécédens. L'art. 3 de la loi du brum. an 7, rédigé en d'autres termes que l'art. 2123 du Code civil, ne laissait pas d'équivoque. Il portait : « L'hy« pothèque existe pour une créance résultant d'une condam« nation judiciaire. » Cela est clair, et il résulte de cette locution que l'hypothèque est produite par le jugement, lorsque la condamnation qu'il prononce constitue la créance, you la rend exécutoire. Ainsi une obligation privée qui n'est pas exécutoire par elle-même, et qui ne peut le devenir que par l'autorité de la justice, produira hypothèque par l'effet du jugement qui aura condamné le débiteur à payer.

Mais, si ce jugement de condamnation avait rencontré, de la part du débiteur, un obstacle dans son exécution, que ce débitear se fat opposé au commandement et à la saisie, et qu'il eût fallu recourir à la justice pour faire lever cette opposition (ce qui arrive souvent), aurait-on prétendu faire résulter une seconde hypothèque du jugement qui serait intervenu pour rendre au premier son exécution et à la justice son cours ordinaire? On n'eût pas élevé une pareille prétention, d'abord parce que c'eût été une hypothèque surabondante, et ensuite parce que la condamnation que le second jugement aurait prononcée, ne constituant pas lá créance, n'aurait rien ajouté à la première condamnation.

Si c'eût été à l'occasion d'un titre authentique donnant privilége ou hypothèque spéciale sur un immeuble, que la résistance à l'exécution fût survenue, et qu'an jugement eût été nécessaire pour la continuation des poursuites, y auraitil plus de raison de prétendre que le jugement, purement relatif à l'exécution, aurait conféré une hypothèque géné→ rale sur tous les immeubles du débiteur, indépendamment de l'hypothèque spéciale consentie sur le seul immeuble affecté par le contrat? Certes, les termes de l'art. 5 de la loi

du 11 brum, an 7 auraient repoussé une telle prétention par. cette raison décisive, que le jagement qui ordonne la continuation des poursuites ne constitue pas une créance, qu'il ne condamne pas à payer, et que son unique objet est de faire cesser la résistance à l'exécution.

Le Code civil, en conservant l'hypothèque judiciaire a-t-il entendu donner plus de latitude à cette espèce d'hypothèque, et la faire indistinctement résulter de tous les jugemens que pourrait nécessiter l'obligation ? Impossible d'admettre une pareille supposition. L'esprit da Code, à cet égard, est le même que celui de la loi du brum. C'est aussi ce qui a fait dire à l'auteur du Nouveau Répertoire a que tous jugemens n'engendrent pas hypothèque, et que, pour produire cet effet, il faut que le jugement imposé à l'une dés parties une obligation envers l'antre, ou qu'il ajoute quelque chose à l'obligation préexistante; qu'ainsi, par exemple, on doit mettre au rang des jugemens produisant obligation et hypothèque judiciaire les reconnaissances et vérifications faites, devant les tribunaux, des signatures apposées à des actes obligatoires sous seing privé, parce qu'indépendamment de l'art, 2123 du Code civil, cet acte est appelé jugement par l'art. 194 du Code de procédure ét que d'un autre côté il ajouté quelque chose à l'obligation, puisqu'il en atteste la vérité, qui, auparavant, était incertaine par le défaut d'authenticité. » C'est donc parce qu'il ajouté quelque chose à l'obligation que ce jugement produit hypothèque.

Deux textes de loi viennent compléter la preuve à cet égard : l'un est celui même de l'art. 2123 du C. civ., qu'il s'agit de bien entendre; l'autre l'art. 2131 du même Code.

En premier lieu, l'art. 2125 exprime que l'hypothèque judiciaire résulte des jugemens, soit contradictoires, soit par défaut, définitifs ou provisoires, en faveur de celui qui les a obtenus. Il ajoute : « Elle résulte aussi des reconnaissances ou vérifications faites en jugement des signatures apposées à un acte obligatoire sous seing privé. »

Si le législateur eût voulu que tous jugemens quelconques produisissent l'hypothèque judiciaire, la deuxième partie de l'article était inutile. Il était évident que le jugement renda sur la vérification ou reconnaissance d'écriture y était compris. Mais comme la loi ne doit rien dire d'inutile, que toutes ces expressions ont nécessairement une signification, il faut bien trouver une raison de tout ce qu'elle disposé. Or, l'art. 2123 n'est pas équivoque. Il contient l'indication des deux causes de l'hypothèque résultante des jugemens et, par conséquent, deux parties distinctes. Cette division est signalée par ces termes; Elle résulte aussi, etc.

La première partie de l'art. 2123 est consacrée aux obligations qui naissent des jugemens, que les jugemens imposent aussi l'on y remarque qu'elle dit : L'hypothèque judiciaire résulte des jugemens, en faveur de ceux qui les ont obtenus, et non, comme naturellement elle l'aurait dit, en faveur des créanciers ou porteurs de titres obligatoires. La deuxième partie de l'article s'applique aux jugemens qui interviennent sur une obligation préexistante, et elle n'exprime qu'un cas, celui de la reconnaissance on vérification en jugement des signatures apposées à un acte obligatoire. Ainsi, tout le mécanisme de la loi est celui-ci : Ou le juges ment produit obligation, on il reconnaît une obligation privée. Dans l'un et l'autre cas, l'hypothèque résulte des jugemens. Hors de là, point d'hypothèque.

Aussi a-t-il fallu une explication à la partie de l'art, 2125 relative aux reconnaissances et vérifications de signatures. Il arrivait que le porteur d'une obligation privée, aussitôt qu'elle lui était souscrite, poursuivait la reconnaissance de la signature, pour lui faire produire hypothèque. C'était visiblement une infraction aux conventions entre particuliers, car le créancier s'était reposé sur la foi de son débiteur. Le débiteur n'avait voulu engager que sa signature, et non son bien. Cependant le premier se trouvait, par l'hy-1 pothèque judiciaire, avoir une sûreté qu'il n'avait pas exigée, et le deuxième voyait, malgré lui, ses biens grevés

On a senti que la loi n'avait pu entendre donner ou imposer ce supplément de sûreté que quand, l'obligation n'étant pas payée à l'échéance, le débiteur avait manqué à la foi promise, et que le créancier était trompé dans sa confiance.

La loi du 3 sept. 1807 a apporté à la seconde partie de l'art. 2123 la modification qui y était omise. Elle a suspendu l'effet du jugement et l'hypothèque qui y était attachée. « Lorsqu'il aura, porte l'art. 1o de cette loi, étề << rendu un jugement sur une demande en reconnaissance a d'obligation sous seing privé, formée avant l'échéance << ou l'exigibilité de ladite obligation, il ne pourra être pris « aucune inscription hypothécaire en vertu de ce juge« ment, qu'à défaut de paiement de l'obligation, après « son échéance ou son exigibilité, à moins qu'il n'y ait eu << stipulation contraire. »

Il résulte donc de l'art. 2123 que l'hypothèque judiciaire n'est produite par tous les jugemens qu'autant que l'obligation provient de leurs dispositions, ou qu'ils interviennent sur une obligation conventionnelle préexistante, qui ne peut être certaine et exécutoire que par leur autorité. Et il résulte de la loi du 5 sept. 1807 que, même en ce dernier cas, la loi n'agit que pour suppléer à la stipulation des parties, mais sans vouloir la contrarier car, quand Pobligation est échue ou exigible et non payée, les parties sont hors de la convention.

En deuxième lieu, l'art. 2131du Code civil prévoit le cas où l'hypothèque spéciale consentie par la convention de vient insuffisante, soit par la perte de l'immeuble affecté soit par sa dégradation. Pour ce cas, l'article autorise le créancier à poursuivre ou son remboursement, ou un supplément d'hypothèque. Dans cette disposition se trouve le même esprit que dans l'art. 2123, expliqué par la loi du 3 sept. 1807: respect de la convention, et sûreté donnée par la justice dans le cas que la convention n'a pas prévu...... Elle fournit en même temps la preuve que tout jugement ne produit pas une hypothèque judiciaire et générale, Car,

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pour le cas prévu par l'art. 2131, le jugement n'opère qu'un supplément d'hypothèque, en sorte que, si le débiteur fournit ce supplément, le créancier ne pourra point prétendre, en vertu da jugement, une hypothèque générale, et l'autre, au contraire, si, par le refas du débiteur, il est contraint à poursuivre son remboursement. Et pourquoi cette différence ? C'est que le remboursement est audelà de la convention; c'est qu'il est une condamnatiou directe, résultant du jugement. C'est encore ce qui fait dire à M. Merlin « qu'il n'y a que l'hypothèque conventionnelle qui soit susceptible de cette extension dans les cas déterminés par les art. 2130 et 2131, et que cette disposition est fondée sur ce que l'hypothèque conventionnelle est une espèce de cautionnement, et que celui qui l'a fournie une première fois est censé avoir consenti à la renouveler ou à l'étendre, si le premier cautionnement devenait insuffisant. » Lors donc que la loi n'a autorisé l'extension. par jugement de l'hypothèque conventionnelle que dans un cas, et qu'elle ne donne à ce jugement de vertu que pour un supplément d'hypothèque, comment peut-on jamais penser que l'hypothèque conventionnelle, et surtout un privilége, puisse s'étendre, en aucun cas, à l'hypothèque judiciaire et générale ?

Cet effet, suivant les héritiers Legras, serait produit par an jugement qui, sur la résistance du débiteur de payer à" l'échéance de l'obligation, et son opposition à la contrainte exercée contre lui en vertu du titre exécutoire, ordonne que les poursuites commencées seront continuées. Mais ce jugement ne crée pas une créancé. Il n'intervient pas non plus pour connaître et rendre exécutoire une créance préexistante. Il n'ajoute rien à l'obligation: au contraire," il déclare que la créance, étant authentique, a été susceptible d'exécution parée sans le secours de l'autorité publique. Si un tel jugement produisait hypothèque générale, les art. 2130 et 2131 auraient été sans objet; leur prévoyance devenait inutile; ou bien, au lieu d'un supplé

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