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le tuteur, des immeubles de son pupille. Cette vente est nalle, absolument nulle; cependant le mineur peut la ratifier, non seulement expressément, mais même tacitement. (L. 10, D., De rebus eorum, etc.)

« En un mot, nous ne connaissons point de nullité, fondée sur l'intérêt privé, qui ne puisse être réparée par la ratification expresse ou tacite. Le vice le plus absolu des conventions, le défaut ou la non-existence du consentement, peut néanmoins être réparé par la ratification, soit expresse, soit tacite.

« Cependant M. Merlin, dans les conclusions qu'il donna (1) le 27 août 1812, sur l'affaire des demoiselles Crespin ́ ́contre les sieur et dame Fillon (2), soutint qu'un contrat qui n'existe pas aux yeux de la loi n'est pas susceptible de ratification ou de confirmation; mais il paraît que ce n'est ici qu'une dispute de mots à laquelle il faut prendre garde.

Il s'agissait d'un contrat notarié passé en 1807, par lequel la veuve Crespin avait vendu son bien aux sieur et dame Fillon pour 2,100 fr. de rente viagère, etc.; l'acte était signé de toutes les parties, à l'exception de la dame Fillon, qui avait déclaré ne savoir signer. Le contrat fat exécuté pendant la vie de la dame Crespin. Après sa mort, ses filles soutinrent qu'il était nul comme acte notarié, à défaut de date, attendu que, dans la minute, la date du jour et du mois, les mots 19 juin, étaient surchargés, surcharge qui les annule, suivant les art. 16 et 68 de la loi sur le notariat : donc l'acte, n'étant point daté, était nul comme acte notarié. Elles soutenaient qu'il était nul comme acte sous seing privé, parce qu'il n'était pas signé de toutes les parties.

M. Merlin adopta d'abord le moyen de nullité fondé sur la surcharge de la date..... Il adopta encore le second moyen de nullité, fondé sur le défaut de signature de la

(1) Elles sont imprimées dans le Nouveau Répertoire, 4o édition, vo Ratification.

(2) V. ce Journal, tome 1er de 1813, pag. 5.

dame Fillon, et posa en principe que, ce contrat étant nul à l'égard de la dame Fillon, qui n'était point engagée, faute de signature, il était également nul à l'égard de la veuve Crespin, qui avait voulu avoir le mari et la femme pour obligés. Partant de là, il soutint qu'an contrat qui n'existe pas aux yeux de la loi n'est pas susceptible de la confirmation et de la ratification qui font l'objet de l'art. 1338, parce que cet article ne parle que des obligations contre lesquelles la loi admet l'action en nullité ou en rescision.

« Il citait sur ce point les deux rapports faits au tribunat par M. Jaubert, qui dit que l'art. 1314 (aujourd'hui 1338) ne s'applique qu'au cas où la convention peut produire une action, qui néanmoins est susceptible d'être repoussée par une exception, c'est-à-dire 1o au cas de l'incapacité, 2o an défaut de consentement lorsqu'il provient de la violence, de l'erreur et du dol, M. Jaubert dit encore : « Une idée « vraie et simple, c'est qu'on ne peut confirmer et ratifier « que ce qui a réellement existé, quoique manquant de « force par quelque 'vice, et qu'il résulte de là qu'on ne, « peut en aucune manière confirmer de prétendues conventions « dont la loi n'a jamais reconnu l'existence. »

« Cette proposition nous paraît manifestement erronée. Qu'entend-on par une convention qui n'existe pas aux yeux de la loi? celle sans doute dont la nullité est telle qu'elle n'a besoin d'être proposée ni par voie d'action ni par voie d'exception; en un mot, une convention qui n'existe pas.. Par exemple, Caïus, se disant agir pour moi, vend ma maison pour 30,000 f. sans mandat, sans ordre de ma part: il est évident que cette convention est nulle, elle n'existe pas aux yeux de la loi. Si le prétendu acquéreur agit contre moi pour me contraindre à recevoir le prix et à lui livrer ma maison, je n'ai pas besoin de me présenter pour opposer la nullité du contrat. Si je laisse défaut, le juge ne pourra pas me condamner sur la représentation du contrat, parce que la loi n'en reconnaît pas l'existence.

Cependant il est certain que ce contrat peut être ratifié; il peut l'être expressément ou tacitement (art. 1998. du C. civ.). Cette ratification a même un effet rétroactif à mon égard, mandato æquiparatur; elle se reporte aut temps du contrat ratifié. Ce n'est qu'au préjudice des tiers que la ratification n'a pas d'effet rétroactif.

« Que signifie donc cette proposition « qu'on ne peut, en «ancune manière, confirmer de prétendues conventions « dont la loi n'a jamais connu l'existence? Si l'on. vent dire par là que les conditions prescrites par l'art. 1338 pour la confirmation expresse ne sont pas applicables à la confirmation des contrats de la nature de ceux dont nous venons de parler, cela est très vrai : nous l'avons dit, et nous avons prouvé, n. 502, que telle est la jurisprudence de la Cour de cassation.

« Après cela qu'on dise tant qu'on voudra que les contrats qui n'existaient pas aux yeux de la loi ne sont pas susceptibles de la confirmation et de la ratification qui sont l'objet de l'art. 1338: qu'importe cela, puisqu'ils sont réellement susceptibles d'être ratifiés, puisqu'ils peuvent l'être même tacitement, suivant l'art. 1998, c'està-dire par l'exécution volontaire?

« Finissons par observer qu'il nous paraît que M. Merlin ne s'est pas exprimé avec son éxactitude ordinaire quand il a fait entendre que, pour qu'un contrat fût ratifié par l'exécution volontaire, il fallait prouver que la partie obligée avait, en l'exécutant, connaissance du vice qui pouvait le faire annuler: autrement, dit-il, et à défaut de cette preuve, elle est censée ne l'exécuter que parce qu'elle en ignore le vice.

« Cette proposition nous paraît contraire à l'art. 1538, qui porte expressément qu'à défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement.

« Si l'exécution volontaire suffit, celui au profit de qui le contrat est ratifié par l'exécution n'a donc rien autre chose à prouver. Il n'est pas tenu de prouver que le rati

fiant connaissait le vice du contrat quand il l'a volontairement exécuté: c'est au contraire à ce dernier de prouver qu'il ne le connaissait pas, s'il croit pouvoir le faire. La proposition contraire tendrait à fomenter des contestations que le Code a voulu prévenir. ».

Au surplus, les appelans soutenaient que, lors même que ces raisons ne suffiraient pas pour établir que, dans l'espèce, l'exécution volontaire de l'acte d'échange en a couvert le vice, il existait dans la cause des commencemens de preuve par écrit qui, aidés des présomptions graves, précises et concordantes qui se rencontraient, suffiraient pour établir la preuve de cet acte; qu'ainsi, sous ce rapport, il n'en aurait pas moins été obligatoire, et n'en aurait pas moins dû ressortir tout son effet.

En effet, disaient-ils, l'échange est un contrat consensuel, qui tire sa perfection du seul consentement des parties, si d'ailleurs la preuve en est faite par l'un des modes autorisés par la loi : le principe à cet égard est bien constant. On a toujours distingué les conventions d'avec les actes qui peuvent les renfermer. Les conventions existent indépendamment des actes; elles existent même nécessairement avant les actes, qui ne sont faits que pour en rendre la preuve plus facile et plus durable (1). Peu importent donc les vices qui peuvent se rencontrer dans la forme des actes; ou peut toujours demander l'exécution des conventions qu'ils renferment lorsqu'on peut se procurer d'autres preuves de leur existence, si aliis probationibus rei gestæ veritas comprobari potest. (L. 17, G., de pactis.)

Or, d'après les art. 1347 et 1355 du C. civ., conformes aux anciens principes, l'on peut, avec des présomptions graves, écises et concordantes, aidées de commencemens de preuve écrite, faire la preuve de toutes espèces de contrats, c'est-à-dire de ceux même dont l'objet excède 150 f.

(1) L. 4, D., de pignoribus; L. 13, C. de pactis; Répertoire de jurisprudence, v Double écrit ; M. Toullier, tome 8, no 133; Exposé des motifs du titre De la sente, par M. Portalis, etc.

Ici, ajoutaient les appelans, le commencement de preuve par écrit se puise dans le contrat de mariage de la sœur puînée d'Elisabeth Cayrey, dans lequel cette dernière a consenti à ce que sa sœur soit payée de ses droits légitimaires par le père commun, conformément aux conventions du contrat d'échange. Quant aux présomptions graelles résultent de toutes les circonstances dè la cause. • Du 17 décembre 1821, ARRÊT de la Cour royale de Pau, M. de Charritte président, M. de Lagrèze rapporteur, par lequel:

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« LA COUR, - Attendu que la nullité de l'acte d'échange du 29 fruct. an 10, résultant de ce que cet acte n'a été signifié que par un des témoins instrumentaires, n'étant pas fondée sur des motifs d'ordre public, les parties dans l'intérêt desquelles elle est admise pouvaient y renoncer; que cette renonciation doit nécessairement être présumée si les parties ont volontairement exécuté ce contrat ; que telle est la disposition formelle de l'art. 1338 du C. civ.; -Que vainement on a prétendu que cet article ne s'applique que lorsque la nullité provient du défaut de capacité ou de consentement, et non d'un vice de forme; que, dans ce dernier cas, l'acte, n'existant pas aux yeux de la loi, ne peut être ratifié; - Que cette distinction est contraire au texte de la loi; que ce texte ne présente aucune ambiguité, qu'il dispose d'une manière générale et absolue; qu'il n'est donc pas permis de l'interpréter et de créer une distinction qu'il n'a faite; pas Que cette distinction est également contraire à l'esprit de la loi; qu'en effet, puisque, d'après la disposition formelle de l'art. 1340 du C. civ., les vices de forme d'ane donation sont couverts par l'exécution volontaire des héritiers du donateur, bien que," dans ce cas, il s'agisse d'un contrat pour la perfection duquel des solennités sont requises, à plus forte raison le législateur a voulu que l'exécation volontaire couvrît des nullités de forme quand il s'agit de contrats qui existent indépendamment de toute formalité, par le seul consente

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