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aristocratie; c'est là, c'est là ce qui doit exciter votre première plainte; ils sont hommes, ils sont vos égaux, ils devroient être vos frères, et vous ne vous plaignez pas de ce qu'on les opprime ! Sentez vous aujourd'hui l'absurdité de cette loi? Un homme qu'on avoit la démence de croire utile à la constitution, fuit dans le pays étranger; l'empire se trouve momentanément dans une sublime anarchie; des brigands méditent le massacre des bons citoyens; on ne se propose rien moins que le sac de Paris. Quelques aristocrates en habit bleu seroient impuissans pour nous en défendre; et ce peuple, compté pour rien, ce peuple, avili par la constitution, se joint à ses oppressurs pour défendre une patrie ingrate. La plupart des sections de Paris poussent plus loin encore que l'assemblé a nationale, cet esprit d'aristocratie: elle n'avoit porté aucun décret qui obligeât les citoyens à s'enrôler, et les sections excluent de leur sein tous ceux qui ne se sont pas fait inscrire, comme s'il falloit un habit bleu de roi pour être bon soldat.

L'infàme décret qui défend aux législatures à venir de rien changer à la constitution, n'a pas moins paralysé l'audace du peuple et des assemblées primaires : la constitution d'un pays est la base de sa prospérité ou de son malheur; les déorets réglementaires, les loix civiles ne sont que des modes particuliers dictés pour le plus ou moins grand intérêt des individus ; et, si désormais les représentans de la nation française ne peuvent plus s'occuper du bien général, qu'importe à un citoyen qui n'aime que sa patrie, que l'on règle son pécule de telle manière, plutôt que de telle autre? Indifférent sur son sort, tout entier à la république, vous voudriez qu'il s'intéressat à la nomination de ceux qui ne pourront plus rien pour la république ? C'est exiger de lui l'impossi ble, c'est le supposer un froid et barbare égoïste, et jamais le sentiment de l'égoïsme n'a trouvé place dans le cœur d'un républicain. L'intérêt que

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les représentés prennent au choix des représen tans, ne peut être qu'en proportion du pouvoir de ces derniers ; l'assemblée dite constituante le leur a tout ôté; elle a dono aussi ôté la vie à la représentation; elle a détruit le germe salutaire de l'émulation nationale : mais le décou ragement est l'avant coureur de la défaite; la li berté est si précieuse, l'ame des Français est si bien faite pour la chérir, leurs bras si bien armés pour la défendre, que ce seroit insulter, à la nation même, que de supposer, avec les patriotes instantanément découragés, qu'il y eût à désespérer de la chose publique, et qu'un sénat mobile et délégué eût pu porter une sérieuse atteinte aux droits du souverain.

Patriotes qui désertez les assemblées primaires, reprenez vigueur, roidissez vous contre ces obstacles, sacrifiez un instant votre juste indignation, et vous remporterez la victoire. Quei! vous abandonnez vos sections parce que des députés ont dit qua vous ne pouviez pas être élus; parce qu'une voix tyrannique a osé prononcer que vous seriez soumis à sa loi: l'on ne sait en vérité qui mérite le plus de pitié ou de vous, où de cette assemblée qui s'est crue maitresse et souveraine d'une grande nation.

Sans doute ils sont injustes et vexatoires, ces décrets dont vous vous plaignez; sans doute ils couvriroient de honte un peuple régénéré qui les souffriroit longtemps dans le livre de ses loix; mais apprenez que c'est de vous, de votre tiédeur, ou de votre activité que dépend leur prompte ou lente radiation : d'ailleurs, une nouvelle révolution s'opère, espérez tout des circonstances présentes, et sachez en profiter; composez la nouvelle législature de fidèles sujets de l'état, et ils vous obéiront dès que vous aurez signifié votre vœu. Mais comment voulez-vous la composer, si vous n'assistez point aux assemblées primaires, si vous vous No. 103.

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endormez au bord du précipice, si vous cédez le gouvernail à des pilotes ennemis ? Allez, volez à vos assemblées, ne désemparez pas d'un moment; croyez que parmi les citoyens qui paient 54 livres d'imposition, il en est qui ont senti, qui sentent toute l'injustice des décrets déjà réprouvés par l'opinion publique, et sur tout attachez vous à faire choix de ces hommes qui n'idolâtrent que la liberté.

Ce n'est point assez que d'aller dans les assem-` blées remettre indolemment son scrutin, il faut y étudier les hommes, approfondir leurs discours, pénétrer leurs intentions, disséquer leur conduite présente et passée. On ne sauroit trop vous le rẻpéter, citoyens! soyez en garde contre ces intrus qui ne vont à la section que depuis six mois ; ils jouent le patriotisme pour capter des suffrages; contre tous les ci-devant nobles; parmi ceux-là même d'entre eux qui ont pris les marques extérieures de la révolution, iln'en est pas un entre 50 qui ne la déteste au fond de son cœur (1); contre tous les riches: les richesses gåtent le coeur; l'ame "du riche est toujours froissée, et le représentant d'un peuple libre doit avoir le cœur et l'ame purs comme la liberté; contre quiconque a ob tenu ou sollicité la moindre place du pouvoir

(1) Une chose bien digne de remarque, c'est que, dans tous les temps, dans toutes les révolutions, sous tous les ministres, dans toutes les réformes, changemens les familles dites de la noblesse ont toujours eu des membres dans l'un et l'autre parti. Telle étoit leur politique afin qu'à tout événement les membres lancés dans le parti victorieux pussent relever ceux qui étoient enve-loppés dans la disgrace; et c'est ce que nous voyons encore aujourd'hui. Tel fait sonner bien haut son patriotisme, dont le frère, le cousin, le gendre, le père même est à la tête des contre-révolutionnaires : cette

observation n'est pas sans mérire pour ceux qui venlè s juger sainement les choses et les hommes.

exécutif: celui qui a pu servir un maltre est indigne du choix de ses concitoyens; contre quiconque a manifesté des sentimens de royalisme: quand on a pu mettre dans la même balance un homme et 25 millions d'hommes, on ne doit servir qu'un homme; contre les modérés, les amis de la paix: ceux qui ont voulu la paix dans la révolution, ont voulu l'esclavage; contre les gens de lettres en général, car en général ils ne pensent pas comme ils écrivent, témoin ce certain abbé qu'on avoit cité comme un prédicant de la philosophie; contre les prêtres, même ceux qui ost juré; combien d'entre eux n'ont pas rétracté leur serment? contre tous les intendans et agens des ci-devant nobles; ces gens n'ont jamais été, ne seront jamais que de bas valets; contre les anciens parlementaires, ils n'ont jamais caressé le peuple que pour le dominer; contre les anciens avocats, Chapelier l'étoit. Depuis la suppression des parlemens, voyez, examinez leur conduite: ils avoient été patriotes jusqu'à cet instant, ils l'ont été jusqu'à l'époque où il s'est agi de l'établisse. ment du nouvel ordre judiciaire; mais dès que l'assemblée nationale eut porté une sacrilege atteinte au domaine de la chicane, vous les avez vus s'opposer avec obstination aux établissemens les plus favorables, vous les avez vus faire ajourner la question des jurés au civil; et hors de l'assemblée nationale, nous les voyons encore faire une coalition criminelle, et se promettre, au préjudice de la loi, de ne point prêter leur ministère pardevant les nouveaux tribunaux, comme s'il étoit audessous de leur dignité de plaider en présence des juges nommés par le peuple, installés par la constitution. Enfin, rappelez-vous bien que les avocats formoient un corps aristocratique avant la révolution; qu'ils servoient sous le despotisme du parlement; qu'ils en exerçoient un autre envers leurs parties; et que quiconque a servi ou com

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mande est rarement digne de représenter un peuple qui ne commande ni ne sert.

Nous avons désigné ceux qu'il ne falloit pas nommer, et notre exclusion ne s'étend pas trop loin; il reste assez d'autres états, d'autres professions, pour fournir à la législature des gens de probite, des hommes profonds, des orateurs même, si l'on pense qu'il soit bon d'en avoir. Cultivateurs, honnêtes négocians, écrivains de la révolution, amis éprouvés du peuple, défenseurs publics et constans de ses droits dans les sociétés patriotiques, voilà des pépinières des législateurs! Allez, allez chercher le mérite jusque dans le fond de sa retraite à l'instar des Romains, prenez vos hommes d'état dans une ferme, dans un atelier dans un comptoir; cinq cents d'entre eux brigueront l'honneur de demander les premiers la réintégration du peuple dans ses droits souverains la révision de la constitution, sa comparaison aveo la déclaration des droits; et le premier acte de cette assemblée, vraiment nationale, sera de déclarer nul et injurieux le décret qui a voulu porter atteinte au pouvoir de la nation, en liant ses représentans à des décisions influencées par une main corruptrice; il sera voué à l'infamie ce décret insolent ou stupide; la révision se fera: alors, seulement alors, les mauvaises loix seront corrigées et rayées à jamais du code des Français.

Nous reviendrons au numéro prochain sur le décret qui suspend les élections.

ASSEMBLÉE NATIONALE

Suite de la séance du lundi 20 et du décret sur le droit du commerce de l'Inde.

XIII. « L'entrepôt accordé aux marchandises sujettes aux droits d'entrée, sera de cinq années pour les toiles ayées ou à carreaux, ainsi que pour les guinées bleues;

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