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trompez pas, cette scé ératesse est profonde en accusant la Fayette d'être l'ennemi de la cour, on veut lui ramener la confiance, et faire croire au peuple qu'il a été trompé sur son compte; majs les faits parlent, et la Fayette lui même n'a pas osé les démentir. En deux mots, si la lettre est de Bouillé, nos ennemis s'entendent; si elle n'est pas de lui, qu'on ne demande pas qui l'a dictée. Lecture en ayant été faite, l'assemblée a passé à l'ordre du jour.

. Nouvelles des départemens sur la fuite de Louis XVI.

On apprend chaque jour que tout étoit disposé pour favoriser la fuite de Louis. Bouillé, qui, lors de l'arrestation du ci devant roi, occupoit déjà les hauteurs de Charpentry, à une demi-lieus de Varennes, avec Royal-Allemand, avoit eu soin do dégarnir toute la frontière du Nord, et de n'y laisser que des régimens étrang rs. Longwy, Villersla-Montague, Sarre Louis, Thionville, Charlemont, Maubeuge et Givet étoient presque sans munitions. Le régiment de Castella, suisse, bordoit la Meuse, et étoit muni d'un charriot de poudre et de plomb qui lui a été enlevé; on n'attendoit que le signal pour manoeuvrer. Enfin, les officiers de l'armée, qui depuis long temps s'étoient montrés ennemis de la constitution, croyant que le moment étoit venu de se déclarer hautement, mettoient tout en usage pour séduire les régimens parmi lesquels ils n'ont pu trouver un seul traitre Désespérés de l'arrestation de Louis, et de l'horreur qu'inspiroient aux soldats leurs propositions la plus grande partie a pris la fuite. Tous les officiers du premier régiment d'infanterie, ci-devant Colonel-Général, en garnison à Dunkerque, ont passé à Furnes, dans la Flandre autrichienne

après avoir enlevé les drapeaux du régiment; mais la garde nationale a donné aux soldats un des siens, et les places vacantes ont sur le champ été remplies par les officiers inférieurs et soldats qui en ont été jugés dignes par leurs camarades. Huit officiers de Viennois, le major à leur tête, ont pareillement pris la fuite, après avoir fait l'impossible pour entraîner les soldats avec eux; et pour dernière ressource, ils ont laissé une lettre finissant par ces mots : « Vos officiers, vos vrais » amis, vous attendent à Furnes, où l'empereur » a fait donner des ordres pour recevoir tous les

régimens qui s'y réuniront pour la défense de leur » price. Vive le roi! Les officiers de Royal Allemand ont en partie déserté, et plusieurs ont été faits prisonniers. Judi on en amena quatre dans une voiture aux prisons de l'abbaye, escortée par cent cinquante hommes. Les soldats Suisses de Castella ont tranché la tête à leur co'onel, M. de Castella, lo:qu'ils ont été instruits de l'objet de leur marche.

Ainsi s'effectue, comme nous l'avons prédit, ls licenciment des officiers contre-révolutionnaires, malgré les précautions des comités militaires qui avoient tant à cœur de conserver ces membres corrompus dans le corps de l'armée. Quel contraste fappant n'offrent pas en ce moment la conduite des officiers et celle des soldats! D'un côté, on ne voit que lacheté, perfidie, trahison; do l'autre, franchise, courage et patriotisme. A ia nouvelle de la désertion de Louis, tous les soldats se sont réunis aux citoyens; tous ont juré flélité inviolable à la nation. A Givet, ce sont les soldats de Foix et d'Alsace qui donnent la masse de leur linge et chaussures, montant à 12,000 livres, pour réparer les fortifications de cette place, presque démantelée: tous sur le champ se mettent à l'ouvrage, et jurent de travailler sans relâche ju qu'à ce que la place soit en état de défense. A Angers, c'est le régiment de Cravatte,

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infanterie, qui vole au Champ-de-Mars, où s'étoit réunie la garde nationale, et jure de verser tout son sang pour le maintien de la constitution. Enfin, dans toutes les villes de garnison, les soldats ont prêté le même serment. Il falloit un événement comme celui du 21 juin, pour fermer la bouche à tous leurs détracteurs. «Voici le moment ( disoit Biron, en apprenant la mort de Henri III), où les gens de bien se feront connoître ». On eût pa le dire avec plus juste raison lors de la déser tion du premier fonctionnaire public. En vain a-t on cherché à corrompre les soldats au nom du roi le traitre, en se parjurant, s'est trop éloigné d'eux, pour qu'ils daignent s'en approcher jamais.

Le frère aîné de Louis XVI est arrivé le 25 juin à Bruxelles. On y attend incessamment M. d'Artois.

MESSIEURS,

Paris, le 1 juillet 1791.

J'ai lu dans votre journal la discussion que vous faites, No. 102, sur la conduite que doit tenir l'assemblée nationale envers la personne du ci-devant ro. Sans doute qu'il est déchu de la royauté ; sans doute qu'il a commis un crime; sans doute que ce crime est de la nature des crimes d'état ; sans doute qu'il doit être jugé ; et jugé par le tribunal d'Orléans. Cependant nous voyons à regret que ros représentans tiennent une marche toute différente de celle que vous leur indiquiez, que leur presorivoient la raison et la justico: non-seulement elle ne l'envoie pas à Orléans, non seulement elle ne le juge pas elle même, mais elle enveloppe d'un voile ténébreux toutes les circonstances de vo délit national. A quoi bon cette dissimulation?

Pourquoi prendre des chemins de détour? Le comité des recherches regorge de pièces de convic tion; les procédures doivent être publiques; et cependant nous n'avons connoissance que des pièces qui parviennent directement à l'assemblée nationale, et qu'on ne peut pas soustraire à notre connoissance. Sentinelle du peuple! sonnez done l'alarme sur ce pressant danger; sommez le comité des recherches, au nom de la patrie, de publier tout ce qui est relatif à l'évasion du cidevant roi ; qu'il le fasse, autrement il devient le souverain arbitre de la destinée de cet illustre coupable; et vous savez si l'on punit ceux qui ont des milious pour se racheter! D'après tout ce que nous avons vu, je crois qu'il n'y a d'incorruptible que le peuple; je crois que les juges du ci-devant roi ne doivent être que les organes du peuple ; et comment voulez-vous que le peuple prononce, s'il n'a une pleine connoissance de tous les faits? Je vous prie, que dis-je! je vous requiers de rendre ma lettre publique Je suis, etc.

Causes et dangers de l'indifférence du peuple sur es nouvelles elections.

Nous touchons enfia au moment tant désiré du renouvellement de la législature; dans trois mois, au plus tard, de nouveaux représentans vont régir In France, et leur marche ne sera plus entravée par le concours d'un roi. On attend cette époque avec une sainte impatience; tout le monde convient que c'est de la composition de la législature prochaine que dépend le salut de la république; et par le contradiction la plus étonra te, LOUS voyons per-tout les sections, les assemblées primaires désertes, et le champ de bataille abandonné, dans cette circonstance dé isive, aux ennemis de l'état et de la liberté.

Quelle peut être la cruse de cette quiétude ineroyable ? Le défaut de patriotisme. Non; le mou

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vement actuel prouve assez le contraire; c'est l'assemblée nationale elle-même, ce sont ses décrets qui dégoûtent le peuple à ce point. Tel citoyen vertueux, in truit, mais qui ne puie que 53 'ivres dimpositios se dit : « Pourquoi me présenterois-ja dans nos assemblées ? Ce n'est pas de la probité, ce ne sont pas des talens qu'on y cherche, c'est de l'or; c'est uae proprieté; .je n'en ai pas, je no serai pas choi i, et mon scrutin sera inutile, même forcé, puisque je serei obligé d'y placer exclusivement le nom de l'homme qui viendra m'exhiber son diplòme du marc d'argent ». Ce premier renonce done à sa section, tant parce qu'il ne peut être élu, que parce que son suflage n'est pas libre. Comment ui en faire un crime?

Un second, qui n'est imposé qu'à 9 livres, fait un autre raisonnement: on s'assemble, dit-il, pour faire des électeurs, je, ne puis être électeur; ce n'est donc pas pour moi que je travaillerois; eh bien! que ceux à s'assemblent pour qui la constitution a réservé ses priviléges!

Une troisième cause du défaut d'activité des citoyens, c'est l'état de nullité dans lequel l'assemblée nationale a plongé les quatre cinquièmes də la nation: il falloit ne pas déroger à la déclaration des droits; il falloit ne pas déciéter le sorvage politique des plus chers enfans de la patrie, et l'on eût vu les assemblées élémentaires peuplées, actives, stimulées; on les eût vu éionner nos voisins par le dénombrement des citoyens. Mais, nous dira t-on, ce n'est pas là-dessus que tombe le reproche que l'on fait aux sections; on ne se plaint pas de ce que les non-actifs ne s'y rendent point; ils en sont exclus par la constitution; on se plaint de ce que les citoyens actifs eux mêmes témoignent tant d'indifférence sur cette opération importante. Nous avons prévu l'objection, et nous y répondons: si vous ne vous plaiguez pas de l'absence des citoyens non-actifs, vous avez tort, et vous vous rendez coupables de la plus criminelle

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