Page images
PDF
EPUB

pas été présentés en masse, tu n'as pu juger de l'ensemble de la constitution. Mais comment veuxtu que l'on t'ait présenté en masse des décrets qui se rendoient successivement, et tous les jours? Ilya dans cette réponse, ou la plus grande imbécillité, ou la plus haute scélératesse: le répon dant a été un imbécille, s'il n'a pas entendu y donner de sens; il a été un scélérat, s'il a prétendu que les décrets n'ont dû être présentés et sanctionnés qu'en masse ; car, dans cette hypothèse nous serions encore gouvernés par l'ancien régime, aucunes des nouvelles loix ne seroient mises à exécution, le roi seroit aussi despote qu'il l'étoit avant la formation de cette assemblée nationale. dont le nom seul le fait rugir. Il n'a protesté que contre le peu de liberté dout il paroissoit jouir; et dans son acte de protestation il dit formellement qu'il étoit en captivité. Citoyens trop confians, Vous avez été trahis une fois, ne souffrez pas que vos mandataires vous exposent à l'être une seconde. Pour remonter sur le trône, le fourbe Bourbon vous dira assez qu'il se repent de sa fuite, qu'il se croit en liberté; mais au premier moment vous le verriez encore disparoître, ou plutôt, si la horde des mécontens pouvoit pénétrer jusqu'à lui, vous le verriez au milieu de ces brigands, et de nouveau protester solennellement contre tous les actes émanes de lui pendant sa captivité. L'assemblée nationale a voulu que, si un roi sortoit hors des frontières, il pût y rentrer dans la quinzaine; elle n'a pas cru que cette seule retraite fût un crime suffisant pour mériter la déchéance; mais, encore un coup, la retraite de Louis XVÍ n'est pas le seul crime qu'on doive lui imputer; ce n'est pas uniquement sur sa retraite qu'il faut le juger, c'est sur son écrit séditieux, intitulé Mémoire ; c'est-là où il a vomi tout le venin doğt son cœur est rempli; c'est là qu'on le voit à découvert ; c'est là un acte plus fort qu'un armement dans toutes les règles; c'est là enfin ce qui nous No. 103.

D

dit que Louis n'étoit qu'un ennemi des Français et de la constitution. Qu'elle ose donc, cette assemblée nationale, faire régner Lotre ennemi sur nous; le peuple l'en défie.

Le principal reproche qui est contenu dans son mémoire, se rapporte aux difficultés dans bes moyens d'administration et d'exécution. Encore une imposture. Ses reproches sont la destruction de la royauté, c'est à dire du despotisme; l'anar'chie actuelle, c'est à dire, la marche naturelle et active de la liberté, l'obligation qu'on lui a imposée de renvoyer les satellites qui assiégeoient la ville de Paris, la coalition des gardes françaises avec les citoyens, les sublimes journées des 5 et 6 octobre, sa translation au château des Tuileries, les incommodités que sa majesté éprouve dans ce vaste et superbe palais, l'éloignement de ses fidèles gardes du corps, le zèle de la garde nationale parisienne auprès de sa personne, sa captivité dans ses propres états, la rage de n'avoir pas triomphé à la séance royale du 23 juin 1789, la formation des états généraux en assemblée nationale, le refus du veto absolu, le refus du veto sur les articles purement constitutionnels, l'exiguité d'une liste de 25 millions, le retranchement de quelques domaines, la séparation que l'on a faite de sa personne d'avec la personne collective de l'état, le défaut de participation à la confection des loix, la nomination des juges accordée au peuple, les retranchemens sur les fonctions de commissaires du roi, qu'il voudroit être amovibles à sa volonté; la privation du droit de faire grace et de commuer les peines, la formation des départemens, des districts, des municipalités, l'existence permanente des corps électoraux, le choix des officiers, dont il n'a que le tiers ou le quart, la formation des loix militaires qui se sont faites sans sa participation, les clubs, les sociétés populaires qu'il abhorre, et sur lesquels il revient à chaque ligne, l'institution d'un comité diploma

tique, la révision des traités réservée au corps législatif, le droit de paix et de guerre accordé à la nation sous l'initiative royale, la suppression des impôts les plus désastreux, le soin des gratifications remis à l'assemblée nationale, l'impossibilité de changer l'ordre constitutionnel de l'administration du royaume, les dispositions du code pénal envers les ministres prévaricateurs, une forme de gouvernement qu'il appelle vicieuse en elle-même et par ses causes, l'établissement du comité des recherches, la liberté de la presse, les mille journaux et pamphlets calomniateurs et incendiaires qui se répandent journellement. (Parlet-il de la Gazette de Paris ou de 1 Ami du Roi)? La haine des patriotes, qu'à chaque page il qualifie de factieux, l'indignation de voir un peuple libre qui ne s'occupe plus de ses maîtres, qui ne crie pas vive le roi, vive le roi, la conduite de l'assemblée nationale envers sa majesté (l'assemblée nationale n'étoit pas encore rampante), le triomphe populaire décerné aux députés patriotes dans le jardin même des Tuileries, le décret qui le nomme chef de la fédération, comme si l'on eût pu en nommer un autre ; les insultes faites à Guignard, à la Tour-du-Pin, ses ministres fidèles, l'opposition au départ de ses tantes, leur arrestation à Arnai le-Duc, le mépris qu'on y a fait de ses ordres pour leur laisser continuer leur route, la scène des poignards, qu'il ose rappeler, et où il avoue lui-même que c'étoit sa main royale qui avoit armé les preux chevaliers, la scène de SaintCloud, du 18 avril, la dénonciation que le club des Cordeliers avoit faite de sa personne auguste, l'éloignement auquel il a été obligé de consentir de sa Chapelle, et de la plupart de ses grands officiers, l'approbation qu'il a faite de la lettre mensongère de son ministre aux puissances de l'Europe, etc. etc. Voilà l'analyse de son mémoire, c'est à dire, la critique la plus amère de toute la marche de la révolution, l'esprit de rebellion le

D a

mieux caractérisé, le mieux peint, le mieux soutenu, et non des reproches qui n'ont rapport qu'aux difficultés dans les moyens d'administration et d'exécution, Prisonnier dans Paris, tu n'avois pas cru que l'opinion publique des provinces fût la même que dans la capitale, et, personnellement, tu voulois aller t'en informer; et pour prendre ces informations tu fuyois de nuit, en poste, et tu voulois forcer les généreux citoyens qui t'ont arrêté à Varennes, et tu écrivis, après ton arestation, à Mandel, colonel du régiment de Royal Allemand, qu'il vint avec ses gens te délivrer des gardes nationales; et, pour prix de ce service, tu lui promettois de le faire commandant de tes gardes du corps; et tu fis distribuer de l'or pour corrompre les soldats de ce régiment, C'est ainsi que tu voulois consulter l'opinion d'un peuple à qui il ne manquoit plus que ton crime pour être libre. Tu n'eus pas plutôt reconnu la volonté générale, que tu n'as plus hésité. Tu n'as point hésité? toi, qui as voulu corrompre le prooureur syndic de la commune de Varennes; tu n'as point hésité, lorsque tu t'es vu entouré de milliers de gardes nationales; tu n'as point hésité, quand il a fallu céder à la force; tu n'as point hésité? toi, qui appelois Royal Allemand à ton secours. Va, s'il restoit à l'assemblée nationale quelque peu de dignité, il ne seroit plus question que du choix de ton supplice.

Ajouterons-nous un dernier trait? I ignoroit que les ordres qu'il avoit donnés à Bouillé fussent Connus; et dès qu'il apprit que cette nouvelle perfide étoit rendue publique, il manda chez lui les trois commissaires qui s'y étoient transportés la veille, afin sans doute que l'on put croire à sa bonne foi, afin sur tout de disculper cet exécrable bourreau, ce Bouillé, dont on n'entend pas prononcere nom sans frémir d'une juste indignation.

On voit, dans toutes les réponses de l'impos

teur, qu'il n'a cherché qu'à donner le change sur la véritable destination de sa retraite, qu'à insinuer qu'il n'avoit point eu le dessein de passer les frontières; mais tous les faits, toutes les présomptions s'accordent à prouver le contraire. La protestation, la critique des nouvelles loix, la fuite de nuit, la marche précipitée, les ordres donnés à Bouillé, à Mandel, l'arrivée du frère dans les Pays-Bas, le passe port pour se rendre à Francfort, l'arestation à peu de distance du Luxembourg, le déguisement, les noms empruntés; si tout cela Le forme pas un corps de preuves complet, nous défions que jamais un punisse on coupable.

Mais qu'est-il besoin de s'obstiner à prouver ce qui est plus clair que le jour, sur-tout quand cette preuve est inutile? Or, il est très-indifférent pour la cause dont il s'agit, que le ci-devant roi n'ait ou n'ait pas eu l'intention de dépasser les limites de la France: nous allons donc supposer qu'il n'ait voulu se rendre qu'à Montmédi; mais en se rendant à Montmédi, il abandonnoit également son poste; il enfreignoit également la loi; il exposoit également l'état à d'horribles convulsions, et s'il n'appeloit pas la guerre étrangère, il faisoit plus, il appeloit la guerre civile. L'ordre donné au héros de Nancy en étoit le signal; il ne reste donc qu'à juger un roi qui a voulu ou la guerre civile où la guerre étrangère; qu'il opte lui-même entre ces deux hypothèses; mais la loi l'atteindra dans l'une et dans l'autre.

On peut même dire qu'il y auroit plus encore de scélératesse de la part du ci-devant roi d'avoir voulu se rendre à Montmédi, que d'avoir voula se joindre à l'armée des contre révolutionnaires à Worms; passant à Worms il levoit le masque, et n'étoit plus qu'un brigand; s'arrêtant à Montmédi, c'étoit pour y conserver le caractère de roi, appitoyer sur son sort toute la partie de l'armée qu'il avoit mise à la discrétion de l'abominable cominandant de Metz, faire attaquer la ville par son fière,

« PreviousContinue »