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cède son arrivée porte qu'il sera donné une garde séparée à lui, à sa femme, à son fils, et que ceux qui l'accompagnoient seront mi en état d'arrestation: ces derniers seront jugés par les tribunaux compétens; mais l'assemblée a tant craint de blesser la dignité royale, tant craint que leurs majestés ne fussent interrogées comme de simples citoyens, qu'elle a fièrement député vers eux trois de ses membres, pour aller recevoir leurs déclarations, et en faire part à l assemblée nationale, pour être par elle pris tel parti que sa sagesse lui dictera. Avant de faire l'examen de ces royales déclarations, nous observons, qu'en supposant gratuitement que Louis XVI soit toujours roi des Français, qu'il n'ait jamais cessé de l'être, et qu'à ce titre une telle distinction soit due à son rang, la même prérogative n'appartient point à sa femme. La. femme d'un roi n'est rien dans l'état, elle ne peut être qu'une citoyenne; et s'il étoit possible de louer Antoinette de Hasbourg, ce seroit de la ma nière avec laquelle elle a reçu les commissaires d'un vil sénat qui, gravement et en vertu d'un décret particulier, sont allés se présenter dans les anti-chambres d'une femme, d'une ennemie, pour la supplier de donner sa déclaration sur un fait qui lui est personnel. Ils se sont présentés chez. elle à 7 heures du soir; elle a fait répondre qu'elle étoit au bain, qu'elle ne pourroit les recevoir que le lendemain à 11 heures ; et sans doute elle étoit bien autorisée à user de cette mesure envers des hommes qui ne jouoient là que le rôle d'huissiers ou de recors.

Mais venons à la déclaration de Louis XVI: « Je vois, messieurs, par l'objet de la mission qui vous est donnée, qu'il ne s'agit point ici d'un interrogatoire; mais je veux bien répondre au désir de l'assemblée nationale, et je ne craindrai jamais de rendre publics les motifs de ma conduite.

«Les motifs de mon départ sont les outrages et les menaces qui ont été faits, le 18 avril, à ma

famille et à moi-même. Depuis ce temps, plusieurs écrits ont cherché à provoquer des violences contre ma personne et ma famille; et ces insultes sont restées jusqu'à présent impunies. J'ai cru, dès lors, qu'il n'y avoit pas de sureté, ni même de décence pour ma famille et pour moi de rester à Paris. J'ai désiré, en conséquence, quitter cette ville. Ne pouvant le faire publiquement, j'ai résolu de le faire de nuit et sans suite.

<< Jamais mon intention n'a été de sortir du royaume; je n'ai eu aucun concert sur cet objet, ni avec les puissances étrangères, ni avec mes parens, ni avec aucun autre Français sorti du royaume. Je pourrois donner pour preuve de mon intention que des logemens étoient préparés à Montmédi pour me recevoir ainsi que ma famille.

« J'avois choisi cette place, parce qu'étant fortifiée, ma famille y auroit été en sureté, et qu'étant près des frontières, j'aurois été plus à portée de m'opposer à toute espèce d'invasion dans la France, si en avoit voulu en tenter quelques-unes, et de me porter moi-même par tout où j'aurois pu croire qu'il y avoit quelque danger.

« Enfin, j'avois choisi Montmédi comme le premier point de ma retraite, jusqu'au moment où j'aurois trouvé à propos de me rendre dans 'telle autre partie du royaume qui m'auroit paru convenable

« Un de mes principaux motifs, en quittant Paris, étoit de faire tomber l'argument qu'on tiroit de ma non liberté, qui pouvoit devenir une occasion de troubles.

« Si j'avois eu l'intention de sortir du royaume, je n'aurois pas publié mon mémoire le jour même de mon départ; mais j'aurois attendu d'être hors des frontières.

« Je conservois toujours le désir de retourner à Paris; c'est dans ce sens qu'il faut entendre la. dernière phrase de mon mémoire, dans lequel je

dis:

dis Français, et vous sur-tout Parisiens, quel plaisir n'aurois-je pas à me retrouver au milieu de vous!

« Je n'avois, dans ma voiture, que 13,200 liv. en or, et 560,000 livres en assignats, contenus dans le porte-feuille qui m'a été renvoyé par le département.

« Je n'ai prévenu Monsieur de mon départ que peu de temps auparavant; il n'a passé dans les pays étrangers, que parce qu'il avoit été convenu entre lui et moi que nous ne suivrions pas la méme route, et il devoit revenir en France au près de moi.

« J'avois fait donner des ordres, peu de jours avant mon départ, aux trois personnes qui m'accompagnoient en courriers, de se faire faire des habits de courriers, pour porter des dépêches. Ce n'est que la veille la veille que l'un d'eux a reçu verbale

ment mes ordres.

Le passe port étoit nécessité pour faciliter mon voyage; il n'a été indiqué pour un pays étranger, que parce qu'on n'en donnoit pas au bureau des affaires étrangères, pour l'intérieur du royaume, et la route indiquée par Francfort n'a pas même été suivie dans ce voyage.

« Je n'ai jamais fait aucune protestation que le mémoire que j'avois fait à mon départ. Cette protestation ne porte pas même, ainsi que le contenu du mémoire, sur le fond des principes de la constitution, mais sur la forme des sanctions, c'est à dire, sur le peu de liberté dont je paroissois jouir, et sur ce que les décrets n'ayant pas été présentés en masse, je ne pouvois pas juger dẹ l'ensemble de la constitution.

« Le principal reproche qui est contenu dans le mémoire, se rapporte aux difficultés, dans les moyens d'administration et d'exécution. J'ai reconnu dans mon voyage que l'opinion publique étoit décidée en faveur de la constitution; je n'avois pas cru pouvoir conuoltre pleinement cette No. 103. C

opinion publique à Paris; mais d'après les notions que j'ai recueillies personnellement dans ma route, je me suis convaincu combien il étoit nécessaire, pour le bonheur de la constitution, de donner de la force aux pouvoirs établis, pour maintenir l'ordre public.

« Aussi tôt que j'ai reconnu la volonté générale, je n'ai point hésité de faire le sacrifice de tout ce qui m'est personnel pour le bouheur du peuple, qui a toujours été l'objet de mes désirs. J'oublierai volontiers tous les désagrémens que je peux avoir essuyés, pour assurer la paix et la tranquillité de la nation »>.

Or, voici la manière dont les comités de l'assemblée nationale argumentent sur cette déclaration : nous avons déclaré que la France étoit une monarchie, que la couronne étoit héréditaire dans la dynastie régnante; nous avons obligé le roi à résider près de nous, nous avous voulu qu'il no pût s'éloigner à plus de 20 lieues du corps constituant; que jamais il ne pût sortir de France sans un décret du corps législatif; nous avons dit qu'en cas de sortie il seroit fait une proclamation portant que si le roi n'étoit pas rentré dans un certain délai, il seroit déchu de la couronne. Le cas arrivé est donc prévu par nos décrets; Louis XVI a quitté son poste; Louis XVI l'a repris avant le délai expiré; il est là, il ne s'agit done plus que lui demander s'il veut régner à telle condition; et il dira oui ou non; s'il dit oui, il est roi; s'il dit non, il est déchu, et son fils sera proclamé roi des Français. Répondez, factieux.

Oui, nous répondrons, sénateurs, et vous ne nous répliquerez pas: Louis a avoué son écrit séditieux intitulé Mémoire; et voilà ce que vous n'aviez pas prévu, voilà sur quoi il sera jugé. Il est vrai qu'aux termes de vos détestables decrets, il eût pu aller en silence tramer une contre-révolution dans les pays étrangers, et remonter sur le trône 15 jours après s'il n'eût pas trouvé les moyens possibles de la faire : tel a été l'excès de vos cri

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minelles complaisances pour cette race implacable,& la voracité de laquelle vous nous aviez constitutionnellement dévoués. Mais aviez-vous seulement soupçonné le cas d'un roi qui protesteroit contre la constitution? qui en partant déclareroit la guerre à son peuple? qui ordonneroit la suspension de toute la marche politique? qui donneroit à des généraux dignes de lui l'ordre de protéger sa marche, etc. ect?

Le voyez vous ce monarque avili, qui, dans sa déclaration, ose dire lièrement qu'il ne consentiroit point à subir un interrogatoire ? Législateurs! vous avez bien mérité qu'il vous fit cette injure, peutêtre même ne l'aviez vous pas sentie; mais la nation n'en est pas moins offensée. Il veut bien répondre au désir de l'assemblée nationale. Sais-tu bien, Louis, que cette assemblée nationale, que tu as rendue si méprisable, représente néanmoins 25 millions d'hommes? Et tu veux bien, toi, ré. pondre à leur désir! Jusques à quand abuseras-tu de notre patience?

Les motifs de son départ ont été les outrages et les menaces faits, le 18 avril, à sa famille et à lui. Quoi ! l'opposition légitime qu'un peuple trop doux mettoit dès lors à sa fuite', est regardée comme un outrage? Les soins qu'on a pris de le conserver, comme des menaces? et parce que l'on a su, parce l'on a dit qu'il fuyoit avec sa famille, on a provoqué des violences contre sa personne ? Ah! sans doute il regrette, le monstre royal, ces jours de deuil, ces jours affreux, où d'un mot il précipitoit dans le fond des cachots le courageux écrivain qui parloit au peuple de ses droits; il a cru qu'il n'y avoit ni sureté, ni décence, à rester dans une ville où l'on osoit dire que la royauté étoit un fléau, dans une ville où l'on a proposé un projet d'adresse pour en demander la suppression: il a dono résolu de quitter cette ville, parce qu'on essaie en vain d'y rassembler les mécontens parce qu'on y est gardé par des enfans de la patrie, et non par

Са

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