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<< sans cesse occupé de leur bonheur, unit son sort à la plus « vertueuse comme à la plus illustre des princesses? C'est << pour consacrer le souvenir de ce glorieux hymen que << nous plantons ces chênes, dont la tête altière se perdant dans les nues, rappellera aux races futures, non pas la << mémoire de ces monarques chéris (car elle est immortelle) « mais bien l'attachement sans bornes et la reconnoissance inexprimable de leurs fidèles sujets. Oui, couple auguste « et généreux, vous avez encore un trône dans nos cœurs; « vos vertus l'y ont élevé; notre amour et notre admiration « pour vos personnes sacrées eu garantissent à jamais la

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durée. C'est ici, c'est sur le plateau Napoléon, qu'assis << à l'ombre de ces chênes majestueux, le vieillard racontera « à ses petits-fils les incroyables exploits et les belles << actions qui ont illustré la vie du plus grand des héros, du plus vaillant des capitaines, du meilleur des princes; il leur dira comment il fit aimer ses douces lois; il leur apprendra comment son nom glorieux parvint à l'immor«talité; il leur expliquera les moyens qu'employa son génie « pour fonder et consolider le plus florissant, le plus vaste « et le plus puissant empire de l'univers. Ces récits allume«ront dans leurs âmes le feu de la gloire, et c'est ainsi que, de génération en génération, le peuple français restera digne des hautes destinées que la sagesse et la valeur du << grand Napoléon lui ont réservées. »

Après ces paroles, qui exprimoient les sentiments de toute l'assemblée, il a été procédé à la plantation des deux premiers arbres du cercle. L'inspecteur et le sous-inspecteur, jaloux d'en offrir l'hommage à Monsieur le conseiller d'État Bergon, directeur de l'administration des forêts, se sont occupés de ce soin, et ont planté deux chênes qu'ils ont dédiés au plus équitable comme au plus éclairé des chefs. Une salve de mousqueterie a marqué la satisfaction qu'éprouvoient les agents forestiers à saisir cette occasion de fêter les talens et les vertus de leur administrateur général.

Les huit autres arbres du rondean ont été plantés avec le même soin, tant au nom de Monsieur le conservateur du 17 arrondissement, qu'en celui de l'inspecteur, du sousinspecteur et des gardes-généraux du département.

Il en a été ainsi des vingt arbres de l'avenue, qui ont été plantés à l'instant par André Rebattu et Joseph Miollan, gardes de la forêt impériale de Boscodon, que nous avons chargés spécialement de les conserver tous.

Chaque arbre de cette plantation a été armé d'un fort tuteur pour lui servir d'appui contre les neiges et les

vents.

Cette opération finie, tout le cortège s'est retiré en ordre. dans une salle, préparée à cet effet, et a pris la collation qui lui a été offerte par l'inspecteur forestier du département. Au dessert, celui-ci a proposé la santé de LL. MM. II. et RR. Tous les convives, se levant spontanément, l'ont portée avec l'enthousiasme et le dévouement absolu qui les anime pour leurs souverains. L'Inspecteur a fait des vœux pour que leur existence se prolonge au delà des bornes humaines; que, pour le bouheur des Français, ils vivent aussi longtemps. que les chênes plantés à leur gloire; pour qu'enfin leurs enfants, héritiers de leur trône et de leurs vertus, soient, comme eux, les pères du peuple et portent leur dinastie aux siècles les plus reculés. A ces mots, les cris répétés de live l'empereur! Vive l'impératrice! se sont confondus avec les trois salves de mousqueterie que les gardes ont exécutées dans cet instant.

Cette fête étant terminée et le cérémonial, prescrit par l'inspectenr, exactement observé, nous avons dressé le présent procès-verbal que messieurs Meissas, sous-préfet; Dongois, maire d'Embrun; Pellerin, sous-inspecteur forestier; Cousseau, Sanières et Delaup, gardes généraux; Rebattu, et Miollan, gardes forestiers impériaux; Gaushier, Gentiliny, Boniface et Boyer, gardes forestiers des communes d'Embrun, Les Crottes et Savines, ont signé avec

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nous, dans la forêt impériale de Boscodon, le trente octobre mil huit cent dix.

Signé

NICOLAS MEISSAS, DONGOIS, BOYER, MARCELIN, BONIFACE, J. GENTILINI, MIOLLAN, REBATTU, GAUTHIER, DELAUP, COUSSEAU, SANIÈRES, JH. PELLERIN, GONTARD. Pour copie conforme :

1

L'inspecteur des forêts,
(Signé :) GONTARD.

La Société des Etudes des Hautes-Alpes après lecture de ce curieux procès-verbal, s'est rendue en excursion dans la forêt de Boscodon : nous reproduisons le récit de cette promenade d'après le Bulletin déjà cité, où il a paru sous la signature de M. E. Guinier.

«En outre les excursionnistes se sont livrés à une recherche d'un genre tout spécial, celle des arbres dynastiques plantés en 1810 par l'inspecteur des forêts Gontard pour perpétuer le souvenir du mariage de Napoléon Ier et de MaricLouise. (Voir page 450 du présent Bulletin.)

<«< Nous étions guidés dans cette recherche par notre confrère M. Gouget, inspecteur des forêts à Embrun, qui avait bien voulu se joindre à nous et qui nous a fait les honneurs de la forêt de Boscodon avec une amabilité parfaite et un empressement dont nous ne pouvions trop nous féliciter. Nous avons facilement reconnu le lieu de la plantation qui s'appelle depuis cette époque et encore aujourd'hui le clos Napoléon, mais nous n'avons pu trouver que deux arbres qui parussent provenir de cette plantation, un chêne et un tilleul. Ces arbres ne sont du reste que des rejetons, guère plus gros que le bras, qui se sont produits à la suite d'une coupe dont on ignore la date.

«Bien que le petit plateau du clos Napoléon soit actuelle

1 Ici un timbre ovale, de 35 × 30 mm., portant au milieu un sapin, avec la légende: ADMINISTRATION FORESTIÈRE, et l'exergue, en deux lignes : HAUTES. ALPES.

(Bibl. de la ville de Gap, mss. non classés, no 10.) P. G.

ment presque complètement boisé, on peut admettre avec toute vraisemblance que ces arbres proviennent de la plantation dynastique à cause de leur situation sur le bord du plateau et aussi parce que ce sont les seuls représentauts de ces essences à des distances assez considérables.

« La forêt de Boscodon est remarquable par la variété et l'âpre beauté des sites qu'elle présente. Au point de vue forestier elle ne l'est pas moins par la vigueur de la végétation et surtout par le mélange intime qu'elle offre de toutes les grandes essences résineuses de la montagne: le sapin commun (Abies pectinata D. C.), l'épicéa (Abies excelsa D. C.), le melèze (Larix Europœa D. C.), le pin à crochets (Pinus uncinata Ram.) et le pin cembro ou arolle (Pinus cembra L.).

« A la suite du repas qui a eu lieu devant la cabane de la fontaine de l'Ours, localité bien connue des touristes, il a été donné lecture du procès-verbal de la plantation des arbres dynastiques, dressé par M. Gontard. Cette pièce d'une rédaction curieuse, a excité à plusieurs reprises l'hilarité des assistants.Il faut bien le dire, quelques-uns d'entre nous se demandaient si dans cinquante ou cent ans d'ici nos procès-verbaux ou autres actes administratifs ne réjouiront pas à leur tour nos petits-nevenx, mais ainsi va le monde. — Puis M. Gouget a fait sentir dans quelques paroles dictées par un véritable enthousiasme pour les beautés naturelles de la forêt, combien il serait désirable que ces beautés fussent mieux connues et mieux appréciées, et combien l'œuvre du reboisement serait facilitée si le public connaissait toute l'importance plus encore au point de vue économique que sous le rapport du pittoresque, de ces derniers vestiges, si riches encore, de la végétation forestière. »

SIMPLIFICATION DES ÉCRITURES

La simplification des écritures! Combien de fois cette question a déjà été soulevée et traitée, toujours sans

résultat véritable? Il y a peu de temps (circulaire du 6 octobre 1885), la Direction des Forêts a demandé aux agents forestiers de faire connaître les modifications qu'il serait possible d'apporter aux instructions existantes pour arriver à alléger le plus possible la besogne de bureau des chefs de cantonnement, et permettre aux agents de ce grade de se consacrer presque exclusivement aux travaux du terrain. Dans quel esprit, au juste, la question est-elle envisagée par l'administration?

Le chef de cantonnement est le rouage indispensable, la cheville ouvrière de la gestion forestière. C'est sur lui que repose surtout le soin des travaux sur le terrain : c'est lui qui procède à peu près exclusivement aux reconnaissances servant de base à l'instruction des affaires. S'il s'acquitte bien de ces fonctions actives le service forestier est assuré, lors même que les agents supérieurs resteraient rivés à leur bureau; et comme d'ailleurs l'administration ne fournit au chef de cantonnement aucun commis aux écritures ni préposé sédentaire, il est clair qu'il faut le décharger le plus possible des écritures. Après cela, peu importe que l'inspecteur et le conservateur soient surchargés de paperasses: d'abord, s'ils ne vont point en forêt, c'est tant pis, mais on peut se passer d'eux, ensuite ils ont des employés de bureau à leur disposition.

Ai-je traduit fidèlement l'idée qui a inspiré la circulaire du 6 octobre? Quoi qu'il en soit le problème de la simplification des écritures est posé de manière à le réduire considérablement et la question générale étant écartée, ce problème semble perdre beaucoup de son importance. Mais, avec un peu de réflexion, on ne peut manquer de s'apercevoir qu'on ne saurait échapper à l'examen et à la solution de cette question générale.

L'administration française est paperassière, chiffrassière, tracassière, a dit Alphonse Karr. Sous la forme d'une boutade, c'est là l'expression d'une vérité.

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