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SUR LA

LITTÉRATURE

FRANÇAISE,

ÉCRITS

POUR L'USAGE D'UNE DAME ÉTRANGÈRE,
COMPATRIOTE DE L'AUTEUR.

TOME SECOND.

1803.

BODLE

2311

SUR LA

LITTÉRATURE

FRANÇAISE.

THÉATRE.

EN traitant ce sujet, je suis loin de m'ériger en critique; je ne prétends que vous exposer la manière dont les pièces les plus remarquables du théâtre français m'ont frappé, soit en les lisant, soit en les voyant représenter : car il y a des pièces qui produisent sur le théâtre un effet qu'elles perdent à la lecture, dont l'Inès de Castro de M. de La Motte est un exemple manifeste.

J'ai lu avec attention l'analyse des ouvrages dramatiques, faite par M. de La Harpe. J'en ai reçu du plaisir et de l'instruction; mais, malgré les talens de cet écrivain et sa profonde connoissance dans l'art du théâtre, il me semble qu'on peut lui reprocher d'accorder trop peu

de mérite à quelques auteurs, et de porter ses louanges trop loin à l'égard de quelques

autres.

CORNEILLE.

Pierre Corneille naquit à Rouen en 1606, et mourut à Paris, doyen de l'académie française, en octobre 1684. Comme c'étoit une règle, dans ce corps, que le directeur (*) faisoit les frais d'un service pour les membres qui mouroient sous son directorat, il s'éleva une contestation pour cet honneur entre Racine et l'abbé de Lavau (**); le dernier l'emporta; et Benserade disoit à cette occasion à Racine : « Si quelqu'un >> pouvoit prétendre à enterrer Corneille, c'étoit » vous, Monsieur, et vous ne le ferez pas. >>

On dit que Corneille avoit l'air le plus commun, et que rien dans sa conversation n'annonçoit ni l'homme d'esprit, ni l'homme de génie. Il dit de lui-même:

(*) C'est le sort qui décidoit du choix du directeur de l'académie. Il devoit remplir cet office pendant trois mois, et répondoit aux discours de réception des nouveaux académiciens.

(**) J'étois encore directeur quand Corneille est mort, disoit l'abbé de Lavan; et moi, disoit Racine, j'ai été nommé directeur le jour même de sa mort.

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