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MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.

Magdeleine de Scudéry, d'une famille noble originaire de Provence, naquit au Hâvre-deGrâce en 1607.

Ses romans ont été recherchés d'abord, et dédaignés ensuite. La persuasion où l'on étoit qu'ils devoient contenir des tableaux de ce qui se passoit à la cour et à la ville, leur donnoit un intérêt qui s'est perdu avec le temps. Boileau appeloit les œuvres de mademoiselle Scudéry, et celles de son frère, une boutique de verbiage. « C'est un auteur, disoit-il en parlant d'elle, qui ne sait ce que c'est que de finir. Ses héros et ceux de son frère n'entrent jamais dans une chambre, que tous les meubles n'en soient inventoriés; vous diriez que c'est un procès-verbal dressé par un sergent. » C'est au frère qu'il adressoit ces vers-ci :

Bien-heureux Scudéry, dont la fertile plume
Peut tous les mois, sans peine, enfanter un volume:
Tes écrits, il est vrai, sans art et languissans,
Semblent être formés en dépit du bon-sens;
Mais ils trouvent pourtant, quoi qu'on en puisse dire,
Un marchand pour les vendre, et des sots pour les lire.

« Mademoiselle Scudéry vécut quatre-vingt

» quatorze ans; elle en passa soixante à écrire, » avec grace, quelques jolis vers dont on se » souvient, et, avec une effrayante facilité, de » gros volumes qu'on ne lit plus. On sait que, pendant un temps, elle tourna les têtes, et >> qu'elle eut autant d'influence par ses romans, >> que Boileau en eut depuis par ses satyres et » par son goût (*). >>

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Il y a plus de quarante volumes de ses romans. Les principaux sont Artamène, ou le grand Cyrus; Clélie; Ibrahim, ou l'illustre Bassa; Almaïde; Célinte; Mathilde d'Aguilar; Célanire, ou la Promenade de Versailles.

On a aussi d'elle des Conversations et des Entretiens, en dix volumes; mais ce qui est remarquable, c'est que son Discours sur la Gloire remporta le premier prix d'éloquence que l'académie française ait donné. Elle devint même célèbre dans les différentes parties de l'Europe où les lettres étoient cultivées. On a dit qu'à son premier début dans le monde, la difformité de son visage faisoit autant parler d'elle que les agrémens de son esprit. Nanteuil, fameux graveur et peintre en pastel, ayant fait son portrait, elle lui envoya ces vers:

(*) Thomas.

Nanteuil, en faisant mon image,

A de son art signalé le pouvoir:

Je hais mes traits dans mon miroir,
Je les aime dans son ouvrage.

Elle étoit liée de l'amitié la plus étroite avec Pélisson, qui, par l'effet de la petite-vérole, avoit le visage encore plus difforme que le sien. Elle disoit qu'il abusoit de la permission qu'ont les hommes d'étre laids. Quelqu'un observa, à l'occasion de cette liaison, que chacun adoroit son semblable. Mais on disoit aussi qu'avec le visage le plus laid, elle avoit l'ame la plus belle. Son esprit, sa douceur, son amabilité, lui firent des amis de tous ceux qui étoient des plus illustres alors. Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, qui lui étoit tendrement attachée, disoit : C'est moi qui suis l'amant dans notre commerce; c'est moi qui vous recherche avec mystère.

Le cardinal Mazarin lui laissa une pension. par son testament; le chancelier Boucherat lui en fit accorder une sur le sceau; et le roi lui en donna une autre de deux mille livres, en 1683. Elle mourut à Paris le 2 juin 1701, à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans, ayant

survécu

survécu à son ami Pélisson (*) huit ans et quelques mois.

nances,

(*) Pélisson naquit à Béziers, en 1624, d'une famille. de robe, originaire de Castres. Son père étoit premier président du sénat de Chambéry. Il vint et se fixa à Paris, où il fut bientôt distingué par les agrémens de son esprit et par ses ouvrages. Fouquet, alors sur-intendant des file choisit pour premier commis de ce département, et lui donna toute sa confiance. Il eut la charge de secrétaire du roi, et ensuite des lettres de conseiller d'état. Mais à la disgrace de Fouquet, arrivée en 1661, il fut enfermé à la Bastille. Sa conduite, à cette occasion, doit faire honorer à jamais sa mémoire. Peu de temps. après que Fouquet fut arrêté, Pélisson se porta pour son accusateur. Tout Paris fut indigné d'une aussi horrible trahison envers son ami et son bienfaiteur; et Pélisson laissa le public se déchaîner contre lui. Le moment vint de le confronter avec l'accusé. Fouquet, à l'aspect de Pélisson, son confident, son ami, qui se présentoit comme son accusateur, fut consterné et saisi d'horreur. Pélisson ne se déconcerta pas, et entra de sang-froid dans le détail des fautes qu'il prétendoit avoir à lui reprocher. Fouquet s'étant remis, lui demanda les preuves de ses imputations. Alors Pélisson fixant sur lui un regard significatif, lui répondit : « Voilà une belle défaite! et vous parlez comme » si vous ne saviez pas que madame du Plessis Bellièvre, » au moment où elle a su que vous étiez arrêté, a brûlé » la cassette qui contenoit les preuves de ces accusations, » et de plusieurs autres choses que j'aurois eues à vous » reprocher. » Son regard et le ton dont il prononça ces mots, firent l'impression qu'il en attendoit sur l'accusé. Pélisson savoit que la cassette qui avoit été déposée chez

MADAME DE LA FAYETTE.

On a d'elle:

La Princesse de Clèves,

Zaïde,

Et la Princesse de Montpensier.

Voltaire a observé que les romans de madame de La Fayette furent les premiers où l'on

que

:

madame du Plessis Bellièvre, renfermoit des pièces les plus importantes contre Fouquet; et il étoit à craindre la croyant entre les mains de ses juges, il ne fit des aveux qui devoient le perdre. Il avoit donc voulu, à tout prix, lui faire connoître que cette intéressante cassette n'existoit plus il prit, pour y parvenir, un moyen subtil, ingénieux, et qui demandoit un grand courage. C'étoit se dévouer à l'indignation publique pendant un temps, et même à jamais, si Fouquet fût mort avant de lui être confronté; enfin, c'étoit s'exposer aux plus mauvais traitemens, de la part de la cour. Les juges sentirent, comme Fouquet, la valeur des regards et de la réponse de Pélisson. Il fut traité, par les ennemis tout-puissans de Fouquet, avec la plus grande sévérité; mais le public applaudit à son héroïque dévouement, et à l'ingénieuse ruse de l'amitié. On espéroit cependant le forcer à divulguer les secrets du sur-intendant; mais ni les promesses, ni les menaces, ni l'horrible perspective d'une prison perpétuelle, ne purent ébranler son intégrité. On aposta un homme simple et grossier en apparence, mais fourbe et rusé, qui feignoit d'être un prisonnier comme lui. Pélisson le

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