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Les Espagnols ont des romans mystiques, où l'on trouve un singulier mélange de sujets religieux, et d'aventures les plus fabuleuses et les plus bizarres. Ils ont aussi des romans comiques et satyriques, écrits avec une tournure de plaisanterie qu'on trouve souvent dans les écrivains espagnols, et qui répond à ce que les Anglois appellent humour.

Si des romans français de chevalerie ont fait fortune en Espagne, las Novelas espagnoles en ont fait une tout aussi grande en France. Il y en a de charmantes, et sur-tout celles de Cervantes.

Jusqu'à la découverte de l'art de l'imprimerie en 1440, tous les livres se trouvoient renfermés ou dans les bibliothèques des souverains, ou chez un petit nombre de nobles, ainsi que dans les différens monastères. Il n'y avoit même que peu de livres imprimés en français, avant l'année 1500. François Ier., qui parvint à la couronne en 1515, et qui fut à juste titre appelé le père des lettres en France, fit établir plusieurs imprimeries dans le royaume, récompensa les artistes, protégea et encouragea les savans et les gens-de-lettres. Il établit un collége à Paris, où il appela des hommes instruits de tous les pays. Ce collége étant

devenu le rival de l'université, fit naître l'émulation, et excita tous les jeunes gens à l'étude.

Astrée, roman pastoral de d'Urfé, mort en 1625 (*), est différent de tous ceux qui avoient paru jusqu'alors. Ce sont des bergers et des bergères qu'il introduit sur la scène ; mais tous les faits rapportés dans l'Astrée ont un fondement véritable dans l'histoire de l'auteur luimême, et dans celle des galanteries de la cour d'Henri IV. Cela rendoit ce roman très-précieux, plein d'intérêt; et pendant plusieurs années, il charma tous les lecteurs, non seulement en France, mais par-tout où les lettres étoient un peu cultivées. Cependant comme La Motte faisoit parler ses ânes en académiciens, tandis La Fontaine les faisoit causer bonnement comme les ânes doivent causer, ainsi d'Urfé fait tenir à ses bergers le langage des courtisans les plus accomplis : reproche qu'on fait aussi aux bergers de Fontenelle.

que

Ceux qui desireroient s'instruire plus amplement des anciens romans et des anciens ouvrages poétiques, peuvent consulter les œuvres

(*) Honoré de d'Urfé, comte de Châteauneuf. Voyez les notes sur lui, dans l'article POÉSIE, et dans celui de LA FONTAINE.

du président Fauchet, que j'ai citées; les Mémoires sur l'ancienne Chevalerie, par M. de Sainte-Palaye; l'Histoire des Troubadours, par M. l'abbé Millot; les Antiquités gauloises et françaises, par Borel; les Mélanges tirés d'une grande bibliothèque, mais sur-tout les manuscrits sur ces objets, qui se trouvent dans cette bibliothèque même, qui est celle du feu marquis de Paulmy; et les Manuscrits de l'ancienne bibliothèque royale. Dans la bibliothèque de M. de Paulmy, il y avoit un grand nombre de manuscrits d'anciens romans et de chroniques, dans lesquels se trouvent des peintures et des portraits en miniature fort curieux, et qui montrent les costumes des temps où ces ouvrages furent écrits.

FRANÇOIS RABELAIS.

Pour donner une opinion juste sur le mérite de cet auteur, il faudroit non seulement connoître le langage de son temps et être familiarisé avec son style, mais sur-tout être instruit de particularités qu'on ignore aujourd'hui.

Il étoit fils d'un apothicaire de Chinon en Touraine, où il naquit en 1483. Il se fit cordelier à l'âge de dix-huit ans. Au bout de quelques années, ayant été mis en pénitence,

il quitta son couvent. Il fit ensuite un premier voyage à Rome, et obtint du pape sa translation dans l'ordre de S. Benoît. On lui assigna pour sa résidence le couvent des bénédictins de Maillezais en Poitou; mais il le quitta également, et fut excommunié. Il se rendit alors à Montpellier, y étudia en médecine, y reçut le bonnet de docteur, et exerça sa profession tant à Montpellier qu'à Lyon. En 1534, Jean Du Bellay, évêque de Paris, en allant à Rome, trouva Rabelais à Lyon, et le prit avec lui en qualité de son médecin. L'évêque fut fait cardinal, et Rabelais revint avec lui en France, en 1536. Pendant qu'il étoit à Rome, il obtint du pape d'être relevé de l'excommunication qu'il avoit encourue, ainsi que la permission

d'habiter tel couvent de l'ordre de S. Benoît qu'il jugeroit à propos. Il choisit celui de S.-Maur-lès-Fossés près Paris; mais en 1537, ce couvent fut sécularisé, et tous les moines qui lui appartenoient furent érigés en chanoines. Rabelais cependant continua à demeurer à S.-Maur jusqu'en 1545, qu'il fut fait curé de Meudon. Il mourut à Paris en 1553, et fut enterré dans le cimetière de S.-Paul.

On a toujours parlé de lui comme d'un écrivain absolument original, soit par sa façon

d'écrire, soit par les sujets qu'il entreprend de traiter. Mais en examinant de plus près ses ouvrages, on ne peut pas douter que la Bible de Guyot (*) n'ait été pour lui une mine abondante, dans laquelle il a puisé beaucoup de ses idées, ainsi que dans un ouvrage intitulé Mandevie, c'est-à-dire, amender la vie, écrit par Jean Du Pin, moine de Vauxcelles (**). Ces deux ouvrages sont remplis de satyres contre les deux sexes, et contre presque tous les états de la vie. Un autre ancien roman, écrit par Jacquemard Gélée, intitulé Roman du nouveau Renard, est du même genre. L'auteur fait passer en revue toutes les classes de la société, princes, nobles, prêtres, moines, etc., devant le renard qui les critique, leur joue des tours, et se moque d'eux.

(*) Bible ne veut dire ici que livre.

(**) On trouve dans cet ouvrage un passage remarquable, et qui est cité par M. de Paulmy, sur la destruction de l'ordre des Templiers, arrivée en 1312, de concert avec le pape Clément V et le roi Philippe-le-Bel.

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