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de l'ancien Moniteur

A. Ray

Jusqu'à cinquante ans, 1,000 liv. jusqu'à soixante-dix, et 1,200 liv. au-delà; et que cette disposition soit commune avec les jésuites.

M. ROUSSILLON: Je crois que l'Assemblée doit différer toute fixation de pensions jusqu'à ce que nous connaissions les revenus des établissements religieux.

DOM GERLE: Si en calculant pour fixer mon opinion au sujet des différents aperçus qui vous ont été présentés sur le nombre des religieux et sur l'insuffisance de leurs revenus, je partageais les inquiétudes qu'on témoigne, je serais le premier à arrêter votre générosité; mais comme je suis assuré de l'exagération de ces calculs, permettez-moi de vous représenter que la jouissance des religieux sera de peu de durée, et que leurs biens vous offrent une ressource immense. D'après ces courtes réflexions, voici une proportion qui, je le crois, concilie la prudence et la justice: Les jésuites répandus dans les provinces et tous les religieux profès, de quelque ordre et congrégation qu'ils soient, excepté les mendiants, recevront du receveur du département, par quartier et d'avance, 1,000 liv. jusqu'à l'âge de quarante ans, et 1,200 liv. jusqu'à soixante; les sexagénaires et les in firmes dont l'état sera constaté, 1,500 liv..

M. DUPONT: J'ai tâché hier d'établir devant vous la nécessité d'être justes, et je parlais conformément à votre cœur ; je tâcherai d'établir aujourd'hui la nécessité d'être prudents, et je parleraí conformément à votre raison. Avant de statuer sur le sort des religieux, il faut connaître le nombre des religieux et la valeur de leurs propriétés. Votre comité ecclésiastique vous a promis des détails prochains sur ces deux objets; je pense qu'avant de prendre une détermination quelconque, il faut connaître ces détails. Je conclus donc à ce que votre comité ecclésiastique soit chargé de vous donner des détails sur le nombre des ecclésiastiques réguliers et sur la valeur de leurs possessions. Encore une fois, je ne crois pas que vous puissiez rien déterminer sur le sort à faire aux religieux, avant que votre comité vous ait rendu ce compte.

M. Treilhard: Deux choses ont sans doute fixé l'attention de votre comité, savoir: quel est le nombre des religieux en France? quelle est la valeur de leurs possessions?

Voici le fruit de mes recherches sur le nombre. On

compte en France dix-huit mille religieux au plus. Non-seulement, avant de vous présenter cette assertion, j'ai travaillé moi-même à en reconnaître la vérité, mais encore sur cela j'ai consulté plusieurs membres de cette Assemblée, qui, par état, devaient avoir des notions exactes à ce sujet. J'ai consulté notamment M. l'agent-général du clergé. Ses calculs ont été conformes aux miens, à la différence seulement qu'il ne croit pas que le nombre des religieux soit tout-à-fait aussi considérable que je l'ai cru moi-même.

Votre comité n'a pas encore des notions bien précises sur la valeur des propriétés monastiques; il les aurait, ces notions, si les déclarations que vous avez demandées avaient toutes été fournies; vous avez permis que ces déclarations ne fussent remises qu'au premier jour de mars, et ce terme n'étant point encore expiré, nous ne pouvons vous offrir aucune certitude sur ce point.

point assez des sommes que je viens d'indiquer, vous trouveriez le complément de ce qui vous est nécessaire dans les maisons de Saint-Benoît, répandues dans les Pays-Bas. Ces maisons y sont en grand nombre; la moins riche a 50,000 liv. de rentes; les autres 100,000, 200,000, et jusqu'à 400,000 liv. Il est donc impossible que vous ne trouviez pas abondamment les moyens de remplir vos engagements. Je dis abondamment; car, indépendamment des re venus dont je viens d'indiquer la source, vous avez encore dans les Pays-Bas les maisons des Augustins; dans toute la France, celles des Génovéfains: vous avez ensuite, dans les non rentés, des maisons très riches, et notamment les Jacobins : vous avez enfin les emplacements d'un grand nombre de maisons monastiques. Sans doute voilà beaucoup plus de moyens que vous n'avez de besoins. Je pense que vous pouvez sans délai, et quoique la fortune religieuse ne vous soit pas entièrement connue, fixer le sort de tous les moines réguliers dont vous avez prononcé la liberté. Je conclus à ce que l'avis du comité sur cet objet soit adopté.

M. de RobespierRE: Vous n'avez pas une connaissance exacte de la valeur des biens religieux, et vous ne pouvez, dit-on, rien statuer sur le traitement à faire aux religieux; à cela je réponds que, quoique vous n'ayez pas des détails bien circonstanciés sur la valeur de ces biens, il est cependant notoire qu'ils fourniront abondamment au sort que vous devez faire à tous les moines. Les revenus des moines sont immenses, on le sait, quoique, dans des indications vagues, ils aient été fixés à un taux très modique. Jusqu'à présent le clergé seul a pu vous donner une idée de l'immensité de ces biens, et le clergé avait le plus grand intérêt, comme la plus grande facilité, à ne vous offrir que des calculs infidèles. De là les erreurs même du gouvernement. Mais ces mêmes inexactitudes, que nous pouvons soupçonner avec vraisemblance, me font penser que la valeur des biens du clergé peut être double de ce qu'on l'a crue jusqu'aujourd'hui.

Nous devons aux religieux un traitement juste et honnête. Nous devons les mettre à l'abri de tous les besoins, par cela même que dans leur état ils étaient à l'abri de tous les besoins; ainsi donc, je pense que religieux non mendians 1,000 livres. vous devez aux religieux mendiants 800 livres, aux

Vous avez établi une différence dans le traitement à faire aux religieux rentés et à ceux qui ne le sont pas. Mais, messieurs, conserverez-vous cette différence lorsqu'il s'agira de fixer le sort des infirmes ou des vieillards? non, sans doute: vous vous imposerez alors le devoir de la faire disparaître; il ne faut ni du luxe, ni des jouissances à l'homme infirme et vieux; il lui faut des secours; les besoins sont alors les mêmes pour tous les hommes, et ces besoins sont ceux de la nature. Je pense que s'il devait exister une distinction, les religieux mendiants auraient peutêtre plus de droits à vos égards que celui qui ne le fut

pas. La vie du religieux mendiant ayant été plus active que celle du moine renté, les travaux ont rendu pour lui le fardeau de l'âge plus pesant. Je demande donc que vous fixiez un taux uniforme pour le religieux mendiant ou non mendiant, quand il est infirme ou vieux, et je fais de cet objet une motion expresse que je remets sur le bureau.

Si cependant vous voulez concilier à la fois la promptitude qu'exige cette opération avec la prudence qu'elle demande, je ne crains pas d'avancer M. BARNAVE: Je crois que lorsque vous avez déque vous pouvez adopter sans crainte l'avis qui vous terminé la suppression des maisons religieuses, aua été proposé par votre comité. On connaît l'immen- cune idée d'avantage pécuniaire n'a eu part à cette sité des revenus des maisons de Cluny, de Saint- délibération. Vous devez dès à présent fixer le sort Maur, de Saint-Bernard, etc., etc. Ces revenus seuls des religieux. Vous avez décrété hier que vous étaacquitteront la dette que vous avez contractée avec bliriez une distinction de traitement entre les relile clergé régulier. Je suppose que vous n'eussiezgieux mendiants et les religieux non mendiants. La

différence relative à l'âge sera fondée sur celle des besoins.

Je vous présente une observation particulière, et qui ne vous a point encore été soumise. Le religieux qui sortira du cloître à l'âge de quarante ans recevra de vous la pension que vous croirez devoir à ceux qui sortiront à cet age; mais ce même religieux, parvenu à l'âge de soixante ans, recevra-t-il la pension accordée aux religieux qui auront ce nombre d'années à l'époque de leur sortie des cloîtres? Voilà ce que je ne pense pas que vous puissiez vouloir. Le moine libre à quarante ans peut travailler à augmenter sa fortune; s'il ne le fait pas, il a tort, et la nation ne peut ni ne doit le récompenser de son inertie.

Cette observation me paraît fondée sur la plus exacte équité; j'ose vous en offrir une autre que je ne crois pas moins juste.

Donnerez-vous aux religieux qui resteront dans leur cloître une somme égale à celle que vous accorderez à ceux qui se séculariseront? Je réponds non. Il est évident que ceux qui resteront dans leurs cloîtres, ayant une habitation gratuite, auront, avec moins d'argent, la même aisance que ceux qui sortiront. D'ailleurs, il faut moins individuellement à des hommes destinés à vivre en commun qu'à des hommes isolés.

Je ne pense pas, avec M. de Mirabeau, que le moindre sort fait aux moines doive être relatif au sort fait aux vicaires. Vous n'avez rien reçu des vicaires, vous ne leur devez que ce que vous voulez leur devoir; vous devez plus à des hommes que vous avez séparés de l'état qu'ils tenaient de la loi; vous devez les dédommager des sacrifices que vous aviez autorisés; vous leur devez une existence qui les mette à même de vivre dans la société. Je pense que les deux extrêmes doivent être, pour les uns 1,200 1., pour les autres 800 liv. On vit avec 800 liv., on ne vit pas avec moins. Voici donc quelle est la proportion que j'établirais: 800 liv. jusqu'à quarante ans; depuis quarante ans jusqu'à soixante, 1,000 liv.; depuis soixante, 1,200 liv.

M. PÉTION DE VILLENEUVE: Fixerez-vous dès à présent le sort que vous devez faire aux religieux? ou attendrez-vous les connaissances nécessaires pour vous déterminer? Il serait imprudent, il serait inutile de prendre en ce moment un parti imprudent. Pouvez-vous prendre des engagements sans être sûrs de les remplir? serez-vous sûrs que les pensions qui seraient accordées, ainsi qu'on vous le propose, n'excéderaient pas les revenus des propriétés monastiques? Vous avez supprimé les dîmes, vous avez dès lors diminué de beaucoup ces propriétés, et vous ne savez pas à combien monte cette diminution; vous ne connaissez pas encore ce qui reste : quoique, en prononçant l'abolition des vœux, vous ayez plutôt envisagé la matière sous des rapports de finances, vous n'avez sans doute pas voulu nuire aux finances. Quand la détermination soudaine que vous êtes prêts à prendre ne serait pas imprudente, elle serait au moins inutile. En effet, à quelle époque pourrez-vous payer les religieux? Si vous ne le pouvez qu'à une époque éloignée, pourquoi en fixer prématurément la quotité? est-ce pour que les religieux reprennent dès à présent leur liberté? mais, à l'instant où ils la reprendront, ils auront des besoins que vous ne pouvez dès à présent satisfaire. La proposition que M. de Mirabeau vous a faite hier n'a rien d'imprudent et d'inutile: elle tranquillise les religieux sur leur sort, elle fixe avec justice des bornes à votre générosité, et vous laisse toute la latitude nécessaire.

Je conclus à ce qu'en déclarant que le traitement qui sera fait aux religieux n'excèdera pas celui que vous destinez aux curés, et ne sera pas moindre de

celui des vicaires, vous vous laissiez le temps de vous instruire sur la valeur des propriétés attachées aux établissements religieux.

M. le président fait lecture des différents projets de décret.

M. MARTINEAU: Vous ne connaissez pas le nombre des religieux. On vous dit qu'il s'élève à 17,000 ou 18,000; mais il reste encore les religieuses, dont le nombre est de 30,000: voilà 50,000 individus dont il faut assurer le sort. Vous ne connaissez pas la valeur des propriétés monastiques. La fortune des religieuses est à peu près nulle: elles existent presque toutes du travail de leurs mains, ou des pensionnats. Ajoutez à cette considération que la plupart des maisons sont chargées de dettes: tous les jours il nous vient des mémoires à ce sujet. Lorsque vous avez mis les propriétés du clergé à la disposition de la nation, vous avez décrété plutôt une opération de finances; vous n'avez cependant pas voulu qu'elle fût désastreuse pour les finances et pour les peuples; vous n'avez pas voulu vous imposer la nécessité de mettre de nouveaux impôts; vous avez entendu veiller aux secours que la société doit aux pauvres; et jamais, non jamais les circonstances ne demandèrent de plus grands secours. Les moines ont satisfait et satisfont encore à ce devoir. Si, par une générosité mal entendue, vous disposez entièrement de leurs biens en ouvrant les cloîtres, je vous le demande, que deviendront les indigents? Soyez justes, soyez prudents; vous devez aux religieux le nécessaire, et rien de plus. On veut que vous ne leur donniez pas moins qu'aux vicaires; mais songez donc que les vicaires n'avaient que 500 livres (on interrompt, et l'on dit qu'ils n'avaient que 250 livres), et l'on vous propose de fixer au moins à 800 livres la pension la plus faible des religieux! Le vicaire emploie tout son temps pour sa paroisse, il supporte le poids du jour et de la chaleur. On vous dit que les moines ne doivent pas avoir plus que les curés. Je le crois. Un curé a des devoirs de charité à remplir; son état et le spectacle affligeant de la misère l'obligent à répandre autour de lui des aumônes qu'appellent sans cesse l'indigence et la vieillesse. En vous proposant de fixer à 700 livres le premier terme de la proportion pour les non rentés, le comité avait toutes ces puissantes considérations devant les yeux: il n'a pas changé d'avis. Si vous leur accordez davantage, ils vivront dans l'oisiveté: s'ils travaillent, leur sort ne sera-t-il pas plus heureux que celui de la plupart des ecclésiastiques? Faites-en des vicaires, et ils auront d'abord 1,400 ou 1,500 livres de revenu. Votre comité se propose de vous engager à décider qu'on ne pourra devenir curé qu'après un temps déterminé de vicariat. Un religieux pourra dès-lors posséder une cure; cela dépendra de sa bonne conduite.

Il faut que la prudence accompagne la générosité: songez aux dettes dont les maisons religieuses sont grevées; songez à la suppression des dîmes: ne faites aujourd'hui que des dispositions provisoires; et si, par la suite, nos inquiétudes ne sont pas réalisées, vous donnerez ce que la prudence vous oblige en ce moment de retenir.

M. TREILHARD: Je ne me suis point écarté de l'avis du comité, en proposant pour les mendiants 700, 800, 900 livres, et pour les non mendiants 800, 900, 1,000 livres.

M. DE MIRABEAU l'ainė: J'observe, sur l'avis d'un des préopfnants, qu'il paraît avoir trop oublié que nous avons à considérer dans le traitement à faire aux religieux, qu'il doit être en rapport avec leur fortune passée; que ce traitement est viager, et que notre possession sera perpétuelle. Quant aux pauvres, sans doute un de nos plus importants travaux est d'établir dans la société un tel ordre de choses que le pauvre trouve partout du travail et du pain. Quant aux vieil

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