Page images
PDF
EPUB

de canon. Aussitôt qu'elle fut embarquée, le commissaire russe et le commissaire prussien lui firent leurs adieux et s'en retournèrent, mais le commissaire anglais et le commissaire autrichien demeurèrent avec elle.

La traversée fut heureuse. Le 1er mai on eut un peu de gros temps aux atterrages de Corse; le 2 n'offrit rien de remarquable : le vent fut assez bon. On rencontra quelques vaisseaux. La santé de S. M. ne fut pas altérée un seul instant. Le 3, à six heures du soir, la frégate mouilla dans la rade de Porto-Ferrajo.

Plusieurs officiers des alliés se rendirent à terre aussitôt avec le grand-maréchal du palais et le général comte Drouot. Il s'agissait de notifier au commandant du port l'arrivée de S. M. La nuit devait être employée aux préparatifs indispensables pour la recevoir, et convoquer les autorités civiles et militaires qui devaient le lendemain se trouver à son entrée. Mais

[ocr errors]

à peine cette arrivée fut elle connue, que les généraux, les officiers de terre et de mer, les magistrats, le clergé et les principaux habitans se rendirent d'eux-mêmes ou en députation, dès le soir, au vaissean qui était encore dans la rade. Tous furent admis.

Le lendemain 4 au matin, S. M, reçut une nouvelle députation des autorités, Un détachement de troupes apporta ensuite dans la ville le drapeau de l'île, envoyé par le nouveau souverain. Ce drapeau était blanc, avec une barre rouge en travers, et trois abeilles jaunes. A midi, l'inauguration eut lieu; il fut arboré sur le fort de l'Étoile, et salué par toute l'artillerie de la place et des forts.

La frégate anglaise le salua à son tour; et les bâtimens de toutes les nations qui étaient alors dans le port en firent autant.

A une heure, l'Empereur descendit à

[ocr errors]

terre avec toute sa suite, et fit son entrée solennelle. Il fut salué de cent un coups

de canon par l'artillerie des forts. La frégate anglaise répondit par vingt-quatre coups à cette salve.

S. M. était vêtue d'un habit richement brodé en argent, et que recouvrait une simple redingotte bleue. Elle portait à son chapeau la cocarde de l'île d'Elbe, qui, comme la cocarde gênoise, est rouge au milieu, et blanche autour; mais l'on avait ajouté trois abeilles jaunes en or sur le blanc.

A son entrée dans la ville, toutes les troupes étaient sous les armes. L'Empereur fut reçu par les autorités, le clergé, les notables de la ville et une foule d'habitans.

C'était pour le monarque et sa suite un spectacle curieux et touchant que la joie naïve des jeunes Elboises, et l'enthousiasme de ces simples pêcheurs, qui, depuis si long-temps, se plaisaient à faire

redire à nos soldats tant d'exploits écla tans, de victoires mémorables où le nom de Napoléon était toujours associé. Une si haute renommée venant avec sécurité se réfugier au sein de leur île ignorée; ce calme, cette gaieté même avec lesquels S. M. questionnait les moindres citoyens, tout contribuait à les jeter dans des transports que sa garde hésitait à réprimer. És le serraient, le pressaient, le portaient en quelque sorte; et le héros attendri, éloignant jusqu'au souvenir de la puissance et de l'amitié déçues, écartant jusqu'à la pensée désespérante qu'il laissait ailleurs des âmes qui feraient pardonner aux rois de mépriser l'espèce hus maine (1), se consolait, se rattachait à

(1) «Si l'Empereur avait méprisé les hommes » comme on le lui a reproché, aujourd'hui le >> monde reconnaîtrait qu'il ne manquait pas

de raison pour motiver son mépris. Il tenait » sa dignité de Dieu et de la nation; eux seuls

l'existence en songeant qu'il allait régner sur des coeurs simples et fidèles.

Le maire, après une courte harangue, présenta à S. M. les clefs de la ville; l'Empereur se rendit ensuite avec son cortége à la cathédrale, où l'on chanta un Te Deum; à la sortie de l'église, il fut conduit à l'hôtel de la mairie, provisoirement destiné à lui servir d'habitation.

Là, il fut de nouveau complimenté par les autorités et les employés supérieurs. Il s'entretint long-temps avec eux, et leur fit diverses questions sur les mœurs des habitans, les ressources de l'île, les moyens d'amélioration qui pourraient être le plus promptement et le plus utilement employés. Ily eut ensuite un grand dîner dont il fit les honneurs avec une liberté d'esprit et des manières si franches, si affables, qu'il acheva de gagner tous les cœurs.

» pouvaient l'en priver, etc.» Paroles de l'Empereur. (Ordre du jour du 4 avril 1814 à Fontainebleau.)

« PreviousContinue »