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Les princes Jean Ier et Otton III étaient aussi belliqueux qu'intelligents et heureux dans leurs expéditions. On voyait régner entre eux une amitié, une concorde dont l'histoire des divers États de l'Allemagne, au moyen âge, nous présente rarement le spectacle. Ils restèrent fidèles à l'Empereur contre les papes, et cherchèrent à reculer les frontières de leurs possessions à l'est. Ce furent eux qui fondèrent la ville de Francfortsur-l'Oder; en 1235, le duc Wratislas de Demmin leur céda le pays de Stargard, jusqu'à Tollensée et leur prêta foi et hommage. En 1250, après une guerre acharnée, Barnim, duc de Pomésanie, fut obligé de leur abandonner l'Uckermark (Marche ukrainienne), où furent fondées les villes de Friedland et de Neu-Brandebourg, tandis que Jean étendait ses frontières du côté du Mecklenbourg, jusqu'à l'Elbe.

L'empereur Frédéric II étant mort, les margraves restèrent fidèles à Conrad, son fils, jusqu'à ce qu'il eût quitté l'Allemagne, vaincu par son adversaire Guillaume. Celui-ci était marié à une parente des margraves, fille d'Otton de Brunswick. Guillaume combla de faveurs ses nouveaux alliés, et parmi les acquisitions les plus importantes pour le margraviat, fut celle du pays au delà de l'Oder, nommé alors la Slavie. Le district, baigné par la Netze, la Drage et la Wartha, était pauvre d'habitants, et n'offrait que des déserts, des marais et des forêts. Il n'en fut pas moins l'occasion de plus d'une guerre avec les Polonais. Ce fut dans une de ces expéditions que les margraves passèrent l'Oder (1257), défirent leurs ennemis et bâtirent Landsberg. Le territoire qu'ils conquirent de ce côté fut appelé la Nouvelle-Marche (Neu-Mark), et l'on donna le nom de Marche-Centrale (Mittel-Mark) au pays compris entre ces acquisitions et l'ancienne Marche (Altmark). Les deux

3° Livraison. (Prusse.)

frères, malgré ces guerres, ne négli gèrent pas les intérêts de leur propre pays. En 1259, ils firent un partage sur lequel on n'a pas de documents bien certains, et formèrent deux lignes, dont la cadette eut Salzwedel, Berlin, Francfort.

L'aîné des margraves, Jean I, mort en 1266, laissa sept fils, Jean II, Otton IV dit à la flèche et Conrad II, qui lui succédèrent depuis 1266 jusqu'en 1304; Eric, archevêque de Magdebourg, Hermann, évêque de Havelberg; Jean, successeur de ce dernier, et Henri sans Terre, ainsi appelé, parce qu'il n'eut aucune part à la corégence du Brandebourg.

Otton III ne survécut à son frère que jusqu'en 1267. Il laissa son héritage à ses quatre fils: Jean III, de Prague, qui périt en 1268 dans un tournoi, à Mersebourg; Otton Vle Long, Albert III et Otton VI le Petit, qui gouvernèrent de 1268 à 1303.

Le partage du pays entre ces nombreux héritiers ne l'affaiblit cependant point, parce que les margraves de la famille d'Anhalt restèrent en général unis, tandis que les princes de Bavière et ceux de la famille de Luxembourg ruinèrent plus tard leur puissance par leurs divisions.

Des fils de Jean, le plus remarquable fut Otton IV, prince aussi distingué par sa bravoure que par ses talents. Plein d'énergie et même d'emportement, il chercha à conquérir le diocèse de Magdebourg pour son frère Éric; mais l'archevêque Gunther de Schwalenberg le vainquit dans un combat meurtrier (1279); il le fit prisonnier avec trois cents chevaliers. Son épouse employa tous les moyens pour le tirer de sa dure captivité. On lui promit enfin de lui rendre la liberté, moyennant une rançon de quatre mille marcs d'argent. L'heureuse découverte d'un trésor, que le margrave Jean Ier avait caché dans l'église de Tangermunde, pour des cas imprévus, facilita le payement de cette somme. Alors le margrave, monté sur son cheval, demanda à l'archevêque s'il était libre. « Certai«nement,» répondit le prélat. « Vous

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ne savez pas l'estime qu'il faut faire d'un margrave, reprit Otton; puis il partit au galop pour recommencer la guerre. Au siége de Statsfurt, que les princes de Brandebourg entreprirent encore pour soutenir la candidature d'Eric, il fut atteint à la tête d'une flèche, qui resta lontemps dans la plaie, sans qu'on put l'en retirer. De la, son nom d'Otton à la flèche. Après de longues guerres, Éric parvint enfin au siége episcopal. Vers l'an 1302, les margraves ayant exigé une imposition du clergé pour les frais d'une guerre contre Niclot, duc de Rostok et de Werle en Meklen bourg, furent frappés d'excommunication et leurs terres mises en interdit; comme ils ne s'effrayaient guère de ce châtiment, Boniface VIII le confirma. On ignore toutefois comment se termina cette querelle. A la diète qui se tint après la mort de l'empereur Albert, en 1308, tous les princes régnants de Brandebourg exercèrent en commun le droit electoral, spécialement réservé à la ligne aînée.

Otton mourut peu de temps après l'élection de l'empereur Henri. Ce fut un des princes les plus renommés de sa maison. Il s'occupait de belles-lettres et composait des poésies.

Dans la même année mourut son cousin, Hermann le Long, fils d'Otton V et petit-fils d'Otton III le Pieux. Ami de la concorde, il avait fait fleurir le commerce dans ses États, et avait acquis, en 1303, la basse Lusace. Il avait aussi possédé Cobourg du chef de sa mère, Gutta de Henneberg. Jean I l'Illustre, fils et successeur d'Hermann, étant mort saus postérité en 1314, la ligne cadette s'éteignit, et ses terres passèrent aux descendants de Jean Ir, qui eux-mêmes ne devaient pas les posséder longtemps. Waldemar, second fils de Conrad, frère d'Otton IV, parvint au gouvernement après la mort de son frère aîné, Jean III, qui n'avait régné qu'un an (1304-1305); et quand Otton à la flèche fut descendu dans la tombe, il se trouva, avec Henri sans Terre, quatrième fils de Jean Ier, le seul représen

tant de la ligne aînée de la maison d'Anhalt régnant en Brandebourg.

Ce dernier, après bien des réclamations, avait reçu des margraves Landsberg et Sangerhausen en Misnie; Waldemar eut toute la Marche de Brandebourg, après la mort de son pupille, Jean l'Illustre (1314). Doué d'éminentes qualités et favorisé par le sort, il fit des acquisitions si considérables, que de son temps le margraviat s'étendait, du côté de la Silésie, au delà de Crossen jusqu'au confluent de l'Obra et de l'Oder, embrassant Sternberg, Schwiebus et Zullichau sur la rive gauche du dernier fleuve. Sa puissance etait encore rehaussée par la splendeur de sa cour. En 1310, il avait vendu à l'Ordre Teutonique, pour la somme de dix mille marcs d'argent, les villes et châteaux de Danzig, de Dirschau, et plusieurs cantons de la Pomeranie orientale.

Quelques années après, il avait chassé du Brandebourg Frédéric le Mordu, landgrave de Thuringe, et l'avait force de renoncer à ses prétentions sur la Lusace, et lui avait même arraché quelques-unes de ses villes. Toute sa carrière fut ainsi marquée par des entreprises utiles et glorieuses. Comme il mourut sans enfants (1319), il eut pour successeur Ilenri le Jeune, fils de Henri sans Terre, décédé vers 1317. Mais le nouvel électeur mourut au bout d'une année, avant d'avoir même atteint sa majorité. Dès lors les jours de la prospérité étaient passés pour le Brandebourg, sur lequel les orages s'accumulèrent, dès l'instant où s'éteignit la branche ascanienne ou d'Anhalt (1320).

ABAISSEMENT DU BRANDEBOURG.
MAISON DE BAVIÈRE.
(1320-1373).

La nouvelle de la mort de Henri ne fut pas plutôt parvenue à ses voisins qu'ils se jetèrent sur son héritage pour en arracher chacun quelques lambeaux.

Les maisons d'Anhalt et de Saxe fondaient leurs prétentions sur une communauté d'origine; le roi de Bohême, sur une promesse de l'Empereur,

qui, dès 1819, lui avait conféré la haute Lusace. Pendant trois ans le margraviat fut déchiré par des guerres sanglantes. Enfin, dans une diete assemblée en avril 1323, à Nurenberg, Louis de Bavière en conféra l'investiture à son fils Louis l'Ancien, âgé de douze ans. En même temps ce jeune prince fut fiancé à la fille de Christophe, roi de Danemark, qui devait lui offrir un appui contre ceux qui avaient mis la main sur les dépouilles du Brandebourg, et n'étaient probablement pas disposés à les céder sans résistance. Ón lui donna pour tuteurs le comte Berthold de Henneberg, blanchi dans les affaires, le comte Bernhard de Mansfeld, et le margrave Frédéric de Misnie. Ainsi le sort du Brandebourg fut intimement lié à celui de l'empereur Louis. Rodolphe de Saxe et Henri de Mecklenbourg évacuèrent les pays qu'ils occupaient; mais les dues de Glogau ne furent pas d'aussi facile composition. Ils ne voulurent pas se démettre de Grossen et de Gorlitz. Les ducs de Pomeranie refusèrent de même de restituer l'Uckermark et appelèrent à leur secours les Polonais, qui se ruè rent à deux reprises sur le Brandebourg, où ils mirent tout à feu et à sang. Ils furent cependant obligés de se retirer devant les secours envoyés par Jean de Bohême et devant la résistance courageuse des villes de Francfort et de Brandebourg. La guerre avec la Poméranie fut plus longue et plus difficile, et se termina par une paix désavantageuse, dont les conditions furent la renonciation de Louis à tout vasselage de la part des ducs. Outre ces guerres désastreuses, le jeune margrave fut encore entraîné à prendre part dans les querelles de son père avec le pape et la maison de Luxembourg.

Les familles de Bavière et de Luxembourg, d'abord amies, avaient été divisées par l'avarice et l'ambition. Elles ébranlerent l'Allemagne par leurs dissensions, et devinrent les centres autour desquels tournèrent les événements qui eurent la plus grande influence sur Empire et sur le Brandebourg.

En 1342, l'Empereur rompit le ma

riage de Marguerite Maultasch (grande bouche) avec Jean Henri, second fils du roi de Bohême, et l'unit à son fils Louis quí, avec sa main, reçut le Tyrol et la Carinthie. Charles de Luxembourg, frère aîné de Jean-Henri, se chargea de venger cruellement cette injure. Elu Empereur à la place de Louis de Bavière, destitué et excommunié, Charles IV rencontra dans Louis l'Ancien et dans son parti des ennemis violents, qui lui cherchèrent partout un compétiteur. Mais en semant adroitement l'argent, il sut écarter tous ses rivaux et renvoya même à Louis des coups décisifs. Il investit d'abord Rodolphe de Saxe de l'Altmark, en 1347, et essaya de chasser les Bavarois du Brandebourg. Les habitants étaient d'ailleurs très mécontents du margrave; car au lieu de chercher à faire oublier qu'il n'appartenait pas au pays par sa naissance, il s'absentait souvent, et montrait un orgueil d'autant plus blessant, qu'il contrastait avec l'affabilité des margraves de la famille d'Anhalt. Cependant les partisans de Charles avaient préparé une intrigue, dont le dénoûment faillit devenir funeste à Louis l'Ancien.

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Un jour, en 1347, un pèlerin se présente à l'archevêque de Magdebourg, en lui déclarant qu'il est l'électeur Waldemar, qu'on croyait mort depuis vingt-huit ans. Il dit que le remords d'avoir épousé sa proché parente l'avait déterminé à déposer le pouvoir pour expier sa faute; que pour faire croire à sa mort, il avait fait enterrer un cadavre sous son nom, et qu'ensuite il avait entrepris un pèlerinage en terre sainte. Enfin il réclame son électorat. Aussitôt il est reconnu par l'Empereur, l'archevêque de Magdebourg, le duc de Saxe, les princes d'Anhalt, de Mecklenbourg, de Pomeranie et de Brunswick, tous intéressés à ce que ce récit prenne faveur, ou donne lieu à une contestation, dont on pourra profiter pour chasser Louis l'Ancien. Les habitants sont transportés de joie, de voir reparaître un prince auquel se rattachaient tant de souvenirs de bonheur et de gloire; et toutes les villes lui

ouvrent leurs portes, à l'exception de Spandau, de Francfort et de Wrietzen. Bientôt Charles paraît dans le Brandebourg à la tête d'une armée, appelle à lui les troupes de tout son parti et force Louis à se jeter dans Francfort, où il est assiégé. Pendant le siége il investit, le 2 octobre 1348, le prétendu Waldemar de la dignité électorale et de la Marche, c'est-à-dire du Brandebourg, en se réservant néanmoins la basse Lusace et en donnant l'expectative du margraviat aux fils de Rodolphe de Saxe et aux princes d'Anhalt pour le cas où Waldemar mourrait sans descendance masculine. Il se passa encore plus d'une année avant qu'on fut d'accord sur l'affaire du Brandebourg. Enfin le parti bavarois, déconcerté par l'énergie de Charles, et se voyant enlever par le poison l'anti-césar Gunther de Schwartzbourg, qu'il lui avait opposé, résolut de se réconcilier avec le roi des Romains. En récompense, Charles abandonna le prétendu Waldemar aussi promptement qu'il l'avait secouru. Après l'avoir inutilement cité à la diète de Nuremberg, il prononça, sur les conclusions de l'électeur palatin et d'un tribunal de princes, un arrêté conçu à peu près en ces termes : « Attendu que cet homme a appelé à son secours un prince étranger, le roi de Suède; qu'un grand nombre de no«bles seigneurs ont offert d'affirmer ⚫ par serment qu'il est un imposteur, ce dont l'électeur palatin en particulier << a fourni la preuve, nous conférons à « Louis de Bavière et à son frère Otton, << l'investiture du Brandebourg.» Malgré cette décision, le prétendu Waldemar se maintint encore quelque temps. Se voyant enfin abandonné peu à peu par les villes, par les princes d'Anhalt et par le duc de Saxe, il se retira en 1355 à Dessau, où il continua à être traité en prince et mourut en 1356, après avoir joué pendant neuf ans l'électeur, sans sortir une seule fois de son rôle qui lui avait été enseigné, dit-on, par Rodolphe de Saxe-Wittemberg, les princes d'Anhalt et l'archevêque de Magdebourg; car avant de paraître sur la scène, ce Waldemar n'était

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qu'un meunier de Hundeleift, nommé Rehbock, attaché autrefois au service du prince, auquel il ressemblait parfaitement.

Avant la fin des troubles, Louis l'Ancien s'était fait céder la haute Bavière par ses frères, Louis le Romair et Otton, et leur avait abandonné en échange l'électorat de Brandebourg avec la basse Lusace, en stipulant expressément la réversibilité de toutes les possessions de chacun des trois princes, en vertu d'un traité signé à Luckau le 24 décembre 1351. Louis le Romain était un prince brave et sage, qui, pendant qu'il était tuteur de son frère Otton, pacifia le pays, mais non sans qu'il lui en coûtât de grands sacrifices. En effet, des territoires considérables avaient été cédés ou donnés en garantie à des princes voisins; des revenus et des biens considérables avaient été accordés en récompense aux villes restées fidèles, surtout à celle de Francfort; des familles nobles avaient reçu de riches dotations pour prix de leurs secours au moment du danger.

Quoique Charles IV semblåt réconcilié avec la maison de Bavière, il lui gardait encore rancune. Aussi fit-il tout ce qu'il put pour l'affaiblir, et chercha-t-il à mettre à profit les divisions qui éclatèrent entre les princes bavarois. Voyant l'électeur et le margrave de Brandebourg irrités contre leur frère aîné Étienne, qui leur enlevait la succession de Louis l'Ancien, il leur suggéra de signer un traité qui assurait leur succession à la famille de Luxembourg, s'ils décédaient sans héritiers.

Ce traité, par lequel ils adoptaient dans leur famille le fils de l'Empereur et toute sa postérité masculine, et à leur défaut le père de Charles avec ses descendants, fut signé le 18 mars 1363. Il était plus que probable que leurs possessions reviendraient à l'Empereur, car Louis n'avait pas d'enfants, et Otton, débauché et manquant toujours d'argent, n'était pas marié. Charles promit à ce dernier la main d'Élisabeth sa fille, avec une riche dot, non qu'il eût jamais l'intention d'accomplir cet engagement: il voulait seulement em

pêcher Otton de contracter un autre mariage.

Louis le Romain étant mort au commencement de l'année 1365, Otton, resté seul maître du Brandebourg, administra si mal, que Charles, en sa qualité d'héritier futur, crut devoir s'interposer pour sauver le pays d'une ruine totale. Il engagea l'électeur à venir à Prague et à lui abandonner pour six ans les embarras du gouvernement. L'électeur, que ses contemporains ont surnommé le Fainéant, trouva à la cour impériale tant d'occasions de s'endetter, que, pour sortir d'embarras, il vendit, le 13 janvier 1368, à Wenceslas, fils de Charles, et roi de Bohême, tous ses droits sur la basse Lusace. La haute Lusace était depuis 1319 réunie à ce royaume.

Cependant l'électeur de Brandebourg commençait à s'apercevoir qu'il était joué par Charles. En même temps ses neveux, les fils d'Étienne, duc de Bavière, et surtout Frédéric le plus jeune, saisissaient toutes les occasions de gagner ses bonnes grâces. Peut-être aussi éprouvait-il quelque repentir en voyant la faiblesse et l'humiliation de sa famille. Décidé à réparer ses torts, il engagea, en 1373, au prince Frédéric, pour une somme de 200 mille florins, la Vieille-Marche et la Marche de Priegnitz, et lui fit prêter hommage par les habitants.

Toutes ces menées ne pouvaient rester ignorées de Charles, qui, à la tête d'une armée, se mit en marche pour défendre ses droits. Les sauvages Bohêmes exercèrent des ravages terribles dans un pays déjà désolé en 1370 par les ducs de Poméranie. Attaqué de tous côtés, abandonné de tous les princes, l'électeur se rendit avec son neveu au camp impérial, a Fürstenwald. Là, il dut se résigner à céder sur-le-champ, aux trois fils de l'Empereur, toutes ses possessions, en se réservant seulement, sa vie durant, la dignité électorale et l'office d'archichambellan, avec une pension et quelques châteaux et villes du haut Palatinat (15 août 1373). Alors, l'Empereur, accompagné de ses fils, par

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Quand les armes furent tombées des mains des Prussiens, les chevaliers songèrent à établir, sur de nouvelles bases, la constitution des pays conquis, et en firent un État entièrement différent de ce qui existait dans le reste de l'Europe.

En vertu d'un principe, reconnu par le monde catholique du douzième et du treizième siècle, il appartenait au vicaire de Jésus-Christ sur la terre de disposer de tous les pays habités par les infidèles. Cette même prérogative, mais dans des limites plus restreintes, était aussi réclamée par les Empereurs; c'était donc de ces deux autorités que l'Ordre tenait ses droits. Il était du reste souverain, sous leur suzeraineté, et propriétaire du sol, dont les possesseurs devinrent des serfs attachés à la glèbe. L'insurrection de 1262 avait en effet rompu toutes les dispositions du traité de paix de Christebourg, qui accordait aux vaincus, en échange du baptême, la liberté personnelle et une propriété, et reconnaissait parmi eux une classe de nobles. Après la seconde conquête, la noblesse et la propriété illimitée ne furent conservées qu'au petit nombre de seigneurs prussiens dont il fallait récompenser la trahison ou la docilité. Ceux-là, enrôlés dans l'Ordre, au prix d'une honteuse apostasie, partagèrent son orgueil, ses richesses, ses priviléges. Ils restèrent possesseurs de l'alleu originaire et héditaire de la famille, exempts de toute charge et prestation, même du payement de la dime. Ils formèrent la première classe, celle des withings proprement dits.

Après eux venait une deuxième caté gorie de withings, qui devaient leur

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