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tenter contre l'ecclésiastique une action judiciaire (1). 4 Question. Comment se concilie le droit de surveillance de l'épiscopat sur les livres d'église imprimés dans les diocèses, avec le droit public qui garantit la liberté de la presse?

La surveillance des évêques sur les livres de piété est nécessaire pour maintenir, dans l'enseignement de la loi, la pureté de la doctrine catholique.

Sous l'ancienne monarchie, le droit d'approbation était accordé par les rois à l'évêque comme gardien de la foi de de son diocèse (2). Au plus fort de la révolution, le décret du 19 juillet 1793 laissait absolument libre la faculté de réimprimer les livres d'église. Sous la Charte de 1814, on reconnaissait aux évêques un droit de propriété sur les livres de cette nature; on regardait leur responsabilité religieuse et politique comme la base de cette propriété tout exceptionnelle (3).

Sous la Charte de 1830, le principe de surveillance a été rétabli dans ses véritables limites: la loi du 18 germinal an X [art. 14] porte que les archevêques veilleront au maintien de la foi et de la discipline dans les diocèses dépendant de leur métropole: tel est le principe général également applicable aux évêques dans l'étendue de leur diocèse. Ce principe a été spécialisé au sujet des livres d'église par le décret du 7 germinal an XIII: « Les livres d'église, les heu«< res et prières ne pourront être imprimés ou réimprimés « que d'après la permission donnée par les évêques diocé«< sains, laquelle permission sera textuellement rapportée «< et imprimée en tête de chaque exemplaire. » — Mais une permission réclamée pour garantir la pureté de la doctrine catholique ne peut être le fondement d'une propriété litté raire; c'est un objet de police ecclésiastique confié à la sollicitude pastorale; ce n'est pas un titre de propriété pour l'évêque, de privilége ou de monopole pour l'imprimeur qui a obtenu le visa et le permis d'imprimer. Le but de

(1) Arrêts de cass. 18 février 1836 et 12 mars 1840, affaire Guille.

(2) Déclaration de juin 1674.

(3) Arrêts cass. 30 avril 1825, 23 juillet 1826.

la loi est la surveillance de la doctrine; la permission s'applique donc au livre et non à tel imprimeur plutôt qu'à tel autre: chaque exemplaire reproduisant le permis d'imprimer, porte avec lui son certificat de fidélité à la doctrine de la foi. Si un imprimeur faisait une édition inexacte du livre autorisé, il s'exposerait au péril d'un jugement qui ordonnerait à son préjudice la saisie et la destruction de l'édition fautive. Ainsi donc, point de propriété littéraire pour l'évêque, à l'égard des livres dont il n'est pas personnellement l'auteur; point de privilége et de monopole pour un imprimeur à l'égard des livres d'église; liberté pour tous d'imprimer en rapportant l'approbation donnée au livre par là se concilie le droit de surveillance de l'épiscopat avec le droit public du royaume et les droits individuels (1).

§ V.— INSTITUTIONS PARTICULIÈRES ET ACCESSOIRES AU CATHOLICISME. Nous avons examiné sous le point de vue historique et dogmatique, général et spécial, les rapports de l'Église avec le pouvoir politique et les citoyens; il faut nous occuper des institutions particulières du catholicisme, dans leur rapport avec le droit public; ce qui comprend 1° les congrégations religieuses, 2o les biens des établissemens ecclésiastiques, 3° l'existence légale des séminaires et pepetits-séminaires, 4° enfin les priviléges personnels des ecclésiastiques.

I. Congrégations religieuses. -Les décrets des 13 et 19 janvier 1790 et 18 août 1792 avaient prohibé les ordres monastiques et les congrégations: le Concordat et la loi organique ne rétablirent point les institutions de cette nature. « Toutes les institutions monastiques ont disparu «< disait Portalis au conseil d'État, elles avaient été minées « par le temps; il n'est pas nécessaire à la religion qu'il «<existe des institutions pareilles; et, quand elles existent, <«< il est nécessaire qu'elles remplissent le but pieux de leur « établissement. »Toutefois, la répugnance pour les congrégations ne pouvait pas s'étendre, comme sous la con

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(1) Arrêt cass. 26 avril 1836. - Réq. de M. Dupin, 2-515.

vention, à celles dont le but pieux était de se dévouer au service des pauvres et des infirmes. Aussi un premier décret du 3 messidor an XII, en prohibant les congrégations d'hommes, autorisa les congrégations des sœurs de charité et des hospitalières, à la charge de soumettre leurs statuts au conseil d'État; un second décret [18 fév. 1809] rétablit les congrégations de femmes, dont l'objet était de desservir les hospices ou de porter des secours aux pauvres. Ce décret autorise les vœux pour cinq ans : les vœux doivent être reçus par l'officier de l'état civil concurremment avec l'évêque. Le lien existe ainsi sous le rapport civil et religieux; la loi ne reconnaît pas de vœux perpétuels.

Les congrégations devaient être autorisées par un décret, sous l'empire, et par une ordonnance en 1814.

Une loi du 2 janvier 1817, en présence de la multiplicité des établissemens religieux, voulut soumettre les établissemens futurs à l'autorisation du législateur; mais elle ne fut pas exécutée. C'est la loi du 24 mai 1825 qui a fondé le dernier état de choses, et qui, couvrant de son indulgence les établissemens nés depuis 1817, a statué définitivement qu'à l'avenir les congrégations de femmes ne pourraient être créées qu'avec le consentement du pouvoir législatif. Les congrégations d'hommes sont de nouveau défendues; une seule exception a été faite en 1812, dans un but d'humanité et d'enseignement populaire, en faveur des frères de la doctrine chrétienne : les statuts ont été approuvés alors par le conseil de l'université, et la congré gation existe en vertu de l'autorisation royale.

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II. Biens ecclésiastiques. Les bénéfices avaient été abolis, les biens du clergé avaient été mis à la disposition de la nation par le décret du 2 novembre 1789; les fondations avaient été réunies successivement au domaine national. La loi organique du Concordat maintint l'abolition des bénéfices: «Les immeubles, autres que les édifices «< destinés au logement et les jardins attenans, ne pourront « être affectés à des titres ecclésiastiques, ni possédés par « les ministres du culte, à raison de leurs fonctions [74]. » Les fondations ecclésiastiques ne pouvaient être faites et

acceptées par l'évêque avec l'autorisation du gouvernement, qu'en rentes sur l'État [73]. La loi de l'an X craignait de reconstituer, même en partie, la propriété des biens-fonds ecclésiastiques. L'esprit de réaction de 1816, au contraire, fut favorable au rétablissement des propriétés de main-morte; la loi du 2 janvier 1817 porte : « 1. Tout établissement ecclé«siastique reconnu par la loi pourra accepter, avec l'au«torisation du roi, tous les biens meubles, immeubles ou « rentes qui lui seront donnés par actes entre vifs ou par « actes de dernière volonté (1).

« 2. Tout établissement ecclésiastique reconnu par la loi « pourra également, avec l'autorisation du roi, acquérir « des biens immeubles ou des rentes (2).

« 3. Les immeubles ou rentes appartenant à un établis« sement ecclésiastique seront possédés à perpétuité par le«dit établissement, et seront inaliénables, à moins que « l'aliénation n'en soit autorisée par le roi. »

La loi du 24 mai 1825 a confirmé ces dispositions; mais, de plus, elle a voulu prémunir les établissemens contre les charges attachées au titre de successeur universel, et donner aussi quelques garanties aux familles contre l'esprit d'entraînement et de prodigue libéralité. Elle n'a donc permis l'acceptation des dons et legs par les établissemens ecclésiastiques et les communautés religieuses qu'à titre particulier; elle a limité au quart des biens la quotité dont une personne, faisant partie d'un établissement, pourrait disposer en faveur de cet établissement ou d'un de ses membres, à moins que le don ou legs n'excédât pas la somme de dix mille francs [art. 5]: elle porte, en outre, que, si la congrégation vient à s'éteindre ou à être révoquée,

(1) Une ordonnance du 2 avril 1817 porte que l'acceptation des dons et legs en objets mobiliers n'excédant pas 300 fr. sera autorisée par les préfets. Mais la loi du 24 mai 1825, art. 4, exige aussi l'autorisation du roi pour l'acceptation des biens meubles, sans distinction de valeur. L'ord. de 1817, contraire à la loi, est donc sans force.

(2) L'ordonnance du 2 août 1817, art. 6, avait illégalement dérogé à la loi en disant que les acquisitions et emplois en rentes constituées sur l'État ou les villes ne seraient point assujettis à la nécessité de l'autorisation. C'est l'aliénation de ces rentes qui devaient être immobilisées qui avait besoin de l'autorisation. L'ord. du 14 janv. 1831 a rétabli les choses.

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les biens donnés feront retour aux donateurs. Le droit civil moderne ne donne au droit de retour légal ou conventionnel que le caractère d'un droit personnel au donateur (1). La loi de 1825 déroge à cette règle du Code; elle permet le retour au profit des parens des donateurs ou testateurs, au degré successible. Enfin si la congrégation éteinte avait pendant sa durée acquis des biens, ils ne tombent pas dans le domaine de l'État, selon la règle du droit de déshérence que l'assemblée constituante appliqua aux biens des couvens et de l'ordre du clergé : la loi de 1825 répugnait à ce principe révolutionnaire; et elle ordonne que les biens acquis seront répartis par moitié entre les établissemens ecclésiastiques et les hospices des départemens dans lesquels étaient situés les établissemens éteints. - Au surplus, une ordonnance du 14 janvier 1831 a réglé l'exécution des lois de 1817 et 1825; elle exige une ordonnance royale pour les inscription et transfert de rentes sur l'État, au profit des établissemens ecclésiastiques et des communautés religieuses de femmes les notaires ne peuvent passer aucun acte de vente, de cession, de constitution de rente, de transaction au nom de ces établissemens, s'il n'est justifié de l'ordonnance royale portant autorisation de l'acte [1-2].

III. Séminaires.

:

« Pour avoir de bons prêtres et de « bons évêques, dit Portalis, il est nécessaire que ceux qui « se destinent aux fonctions ecclésiastiques reçoivent l'in"struction et contractent les habitudes convenables à leur « état de là l'établissement des séminaires, autorisé et « souvent ordonné par les lois... L'enseignement des sémi<<< naires est sous l'inspection du magistrat politique. » La loi organique ne distingue point les grands et petits séminaires. La création des petis séminaires est postérieure à la restauration, et a été régularisée par les ordonnances des 16, 28 juin et 26 novembre 1828.

Les évêques sont chargés de l'organisation du séminaire diocésain; ils en nomment les directeurs et professeurs;

(1) Code civil, art. 747, 951. — Dans le droit coutumier, le droit de retour était réel, c'est-à-dire transmissible aux héritiers dans le droit romain, il était purement personnel.

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