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senté par la royauté, la société, de son côté, est représentée par les assemblées constitutionnelles et par l'intervention des citoyens. L'intervention sociale se fait :

1o Dans la puissance législative, par les députés et leur participation à la loi;

2o Dans la puissance exécutive, par les députés investis du droit d'examen et de contrôle ;

3o Dans la gestion et la défense des intérêts locaux, par les membres des conseils de départemens, d'arrondissemens, de communes ;

4o Dans le pouvoir judiciaire, par le jury;

5o Dans la défense générale de l'ordre public et de la liberté, par la garde nationale.

La communication du droit d'intervention sociale se fait :

Par l'élection directe, quand il s'agit du droit de délibération ou d'examen à l'égard des intérêts généraux et locaux (nomination des députés, des conseillers généraux et municipaux);

Par l'élection combinée de la loi et du sort, quand il s'agit de prononcer, par déclaration de fait, sur des intérêts tout à la fois publics et privés (formation du jury de jugement, du jury d'expropriation);

Par la vocation de la loi et l'élection directe ou indirecte, quand il s'agit de l'inscription sur les contrôles et de la nomination aux différens grades de la garde nationale (1).

La première condition d'exercice des fonctions publiques, à quelque ordre qu'elles appartiennent, est le serment. Un acte de foi religieuse sert d'inauguration au pouvoir la royauté se place, à son avènement, sous la protection du serment indispensable à la Charte constitutionnelle un principe moral et chrétien domine done tous les pouvoirs, de quelque source qu'ils émanent, de la royauté ou de la nation. Le serment est même regardé comme une garantie tellement essentielle, qu'il

(1) L. 22 mars 1831, art. 2, 19, 50, 56.

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est exigé de ceux qui, sans exercer des fonctions publiques, exercent des professions ou un ministère qui intéressent la société.

Nous avons examiné l'organisation et les attributions des pouvoirs politiques de la société, ou le pouvoir temporel, il faut examiner le pouvoir spirituel en lui-même, et surtout dans ses rapports avec l'État, ce qui nous conduit à la deuxième section de l'organisation des pou

voirs.

SECTION II.

POUVOIR SPIRITUEL, SES RAPPORTS AVEC L'ÉTAT; OU DROIT PUBLIC ECCLÉSIASTIQUE.

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Toutes les religions ont leur foi, leur morale, leur culte, leur discipline, qu'elles enseignent et qu'elles pratiquent. En ce sens, toutes les religions ont leur pouvoir spirituel, puisqu'elles ont pour objet d'agir sur les esprits et sur les

cœurs.

Mais entre les pays luthériens et les pays catholiques il y a cette différence, que les chrétiens issus de la réforme du XVIe siècle ne reconnaissent pas hors de leur nationalité un pouvoir tout religieux, et qu'ils remettent entre les mains du chef temporel le dépôt du pouvoir spirituel : ainsi l'Angleterre, sous Henri VIII, reçut de lui son symbole, quand l'Église anglicane se sépara de l'Église universelle; et l'on voit chez les luthériens le chef de chaque état politique se déclarer chef de la religion. Chaque protestant, affranchi de l'autorité de l'Église et des conciles, libre dans son examen et dans ses interprétations des saintes Écritures, ne relève vraiment que de lui-même, de sa conscience in

(1) On peut consulter: 1° le Commentaire sur le Traité des libertés de l'Église gullicane, de Pierre Dupuy (1652, in-4"), suivi de l'histoire de la Pragmatique et des Concordats : 2 la Défense de la déclaration du clergé de 1682, par Bossuet: l'original en latin a été traduit en 2 vol. in-4°; 3o un Traité de la puissance eecclésiastique et temporelle, contenant les preuves des propositions de la déclaration (Anonyme, 1 vol. in-8°, 1707); 4o un Traité de l'autorité du clergé et du pouvoir du magistrat politique. 2 vol. 1767, par un avocat au parlem.

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dividuelle; il ne reconnaît pas de règle dogmatique qu'il ne puisse modifier dans son for intérieur; il ne reconnaît donc point de pouvoir spirituel proprement dit: s'il veut s'imposer ou imposer à ses co-religionnaires une règle obligatoire, il faut que cette règle de dogme, de culte ou de discipline soit établie au nom du chef de l'État. La loi organique des cultes protestans, du 18 germinal an X, a suivi cette pente naturelle au protestantisme. Elle ne permet les assemblées synodales des calvinistes qu'en présence des préfets ou sous-préfets (18,19,24,31); elle ne permet la décision dogmatique que sous l'approbation du pouvoir civil. Le pouvoir civil n'examine pas seulement la décision dans sa forme, il a le droit d'entrer dans l'examen dogmatique (4). - Le pouvoir civil est donc le directeur suprême; il y a union des deux puissances, cette union que. Th. Hobbes avait préconisée, et que J.-J. Rousseau avait approuvée en ces termes dans le Contrat social: « De tous <«<les auteurs chrétiens, le philosophe Hobbes est le seul qui << ait bien vu le mal et le remède, qui ait osé proposer de <<< réunir les deux têtes de l'aigle, et de tout ramener à « l'unité politique, sans laquelle jamais État ni gouverne<<ment ne sera bien constitué. » [Liv. IV, chap. 8.] — La confusion des deux puissances est une des fatalités du protestantisme. Dans le moyen-âge, c'était la puissance spirituelle qui absorbait la puissance temporelle: la réforme du XVIe siècle a donné l'exemple d'un abus diamétralement opposé; c'est la puissance temporelle qui, sur le théâtre de la religion réformée, a absorbé la puissance spirituelle.

Le pouvoir spirituel, indépendant, à l'égard des peuples chrétiens, n'existe donc vraiment que dans le catholicisme; et ce n'est que sous le point de vue de la religion catholique qu'il faut chercher les rapports du pouvoir spirituel et du pouvoir politique, rapports qui excluent la confusion et qui font une partie essentielle de notre droit public ancien et moderne.

L'état actuel des choses, en cette matière, a dans le passé de si profondes racines, qu'on ne peut se rendre compte de l'œuvre de Portalis, c'est-à-dire des règles du concordat

et de la loi de l'an X, adoptées par la Charte constitutionnelle, sans remonter aux souvenirs et aux principes de l'Église gallicane.

Nous n'avons pas à retracer ici la lutte des deux puissances sous le rapport politique; c'est dans l'introduction historique que cet objet a dû être examiné. Nous ne devons nous attacher qu'aux institutions et aux monumens de la législation; ce qui appelle notre attention sur sept objets antérieurs au Concordat de l'an X:

1. L'époque qui a précédé le XIIIe siècle;

2. La pragmatique-sanction de saint Louis, 1268;
3. L'institution de l'appel comme d'abus, 1329;
4. La pragmatique-sanction de Charles VII, 1438;
5. Le concordat de François Ier et de Léon X, 1516;
6. La déclaration du clergé de France, 1682;
7. La constitution civile du clergé, 1790.

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1. Epoque antérieure au XIIIe siècle.-Protection de l'Église catholique par le pouvoir du prince; telle est l'idée première qui apparaît à l'origine de la monarchie, et celle qui se développe dans tout le cours de son existence. Après la victoire qui assurait la prédominance aux Franks dans la Gaule du nord; après le baptême de Clovis qui attestait aussi l'influence de l'épiscopat gallo-romain, le pape Anastase s'empressa de chercher dans la puissance nouvelle une puissance de protection en faveur de l'Église. L'arianisme était maître du midi de la Gaule, sous la domination des Goths. L'hérésie des Goths avait pénétré dans l'est occupé par les Burgondes; elle semblait devoir tout envahir, au grand désespoir des évêques orthodoxes du centre et du nord, quand se fit la conversion de Clovis; et c'est alors, en 496, que le pape Anastase écrivait au roi frank la lettre conservée par l'histoire, où se trouve ce passage caractéristique : « Nous louons le Seigneur qui a pourvu à son Église, «<en exaltant un prince assez puissant pour la protéger « (Dominum collaudamus qui in tanto principe providet Eccle«siæ qui possit eam tueri) (1).»

(1) Et contra occurrentes pestiferorum conatus galeam solutis induere... Ut cum audieris lætitiam patris crescas in bonis operibus, impleas gaudium nostrum et

Cette idée de protection, jointe aux exemples donnés par Constantin, au IVe siècle, a produit le pouvoir exercé par Clovis et par ceux de sa race, par les rois de la seconde dynastie, et surtout par Charlemagne, à l'égard des conciles et de leurs actes. L'Église universelle avait ses conciles généraux ou œcuméniques; l'Église des Gaules avait, dès le IVe siècle, ses conciles provinciaux qui étaient convoqués, chaque année, au siége de la métropole par l'évêque métropolitain, et auxquels devaient assister tous les évêques de la province. Quand les Gaules furent enlevées à la domination romaine, l'Église des Gaules eut de plus ses conciles nationaux. Le premier concile national, qui fut convoqué par Clovis lui-même, est celui d'Orléans, de l'an 511. Or, les trente évêques qui le composaient déclarèrent par leur lettre à Clovis qu'ils s'étaient assemblés par son ordre (quos ad concilium venire jussisti); qu'ils avaient discuté tous les points indiqués par lui; et ils réclamèrent son approbation pour les canons du concile, « afin << afin que le juge«ment ou le consentement d'un si grand prince fortifiât << d'une plus grande autorité la sentence des évêques (1). » Dans les conciles suivans on voit les rois assister à l'assemblée avec les grands et leurs fidèles (2). C'est dans des conciles mi-partis d'évêques et de laïques que Pepin et Charlemagne firent dresser les capitulaires les plus importans dans l'ordre civil et ecclésiastique.

Charlemagne avait agrandi la puissance de la papauté et préparé la suprématie du pape, à l'entrée du moyenâge. La nuit du Xe siècle, le chaos des premiers temps de la féodalité, en se dégageant de leurs ombres les plus épaisses, vers le milieu du XIe siècle, avaient laissé à découvert deux grands adversaires, le pape et la féodalité, Rome et l'empire, Grégoire VII et l'empereur Henri IV.

sis corona nostra, gaudeatque mater Ecclesia de tanti regis, quem nuper Deo peperit, profectu. -Lecointe, Annal. ecl. fr. 1-194.- Dubos, 3-118. — Fauric!, Hist. de la Gaule mérid., 2-41.

(1) Concilia antiqua Galliæ, du p. Sirmond, t. I, an. 514.

(2) Concile de Paris, an 615, Clothaire II: Quicumque vero hanc deliberationem quam cum pontificibus vel tam magnis viris optimatibus aut fidelibus nostris in synodali concilio instituimus, temerare præsumpserit in ipsum, capitali sententia judicetur (Conc. antiq., an 615)

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