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l'exercice des actions judiciaires qui concernent les com

munes.

Dans l'ensemble de ces pouvoirs se trouve tout ce qui constitue l'administration municipale: l'action, la délibé– ration, la surveillance et la tutelle.

La commune et ses pouvoirs sont reconnus; il faut en examiner les droits et les attributions, sous le double rapport de la commune considérée comme personne morale, et de la commune considérée comme société.

SECTION II.

DE LA COMMUNE CONSIDÉRÉE COMME PERSONNE MORALE ET COMME SOCIÉTÉ.

S ler.

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PERSONNE MORALE DE LA COMMUNE.

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Droit de PROPRIÉTÉ.

Comme personne morale, la commune est propriétaire. Il y a un domaine public municipal, lequel comprend les objets destinés à l'usage du public, tant qu'ils conservent leur destination, spécialement les chemins et les églises; il est imprescriptible comme le domaine public national, car il est hors du commerce; les objets ne sont susceptibles de presque lorsque, par leur changement de destination, ils pascription sent du domaine public dans les biens communaux, ou le domaine communal privatif. C'est ce dernier domaine que la commune possède à titre de propriétaire, avec les droits et les attributs de la propriété. Le domaine privé des communes se compose ou d'édifices destinés à des usages communaux, comme les hôtels-de-ville et les écoles, ou de biens productifs, prés bois, marais, qui constituent ce qu'on appelait autrefois, avec raison les biens patrimoniaux des communes; car ces biens, dont les produits profitent aux habitans individuellement, sont leur patrimoine commun.

I. Droit de gestion. La commune propriétaire est, par rapport au Gouvernement, en condition de minorité. L'assimilation de l'état de la commune à celui de la minorité pure et simple était exact sous les lois précédentes; mais la loi du 18 juillet 1837 a émancipé les communes, en ce sens, que leur droit de gestion est plus étendu que celui des

mineurs, et qu'il est égal ou quelquefois supérieur à celui des mineurs émancipés: en effet, le conseil municipal a le droit de consentir et le maire de signer des baux de neuf ans pour les maisons et des baux de dixhuit ans pour les biens susceptibles de culture [47]. Ces baux sont dispensés de l'approbation expresse du préfet; ils sont exécutoires de plein droit, si dans les trente jours, ils ne sont pas annulés par le préfet, d'office, ou sur les réclamations de parties intéressées [18]. Lorsque le bail excède les dix-huit ans, il est censé devenir bail emphythéotique (1); une ordonnance du roi, en conseil d'État, en règle la forme, la durée, les conditions. Tout le reste est dans le droit commun; l'interprétation et l'exécution des baux regardent la compétence des tribunaux civils, car elles portent exclusivement sur des intérêts privés.

La commune a, dans son droit de gestion, la libre faculté de faire la répartition des pâturages et fruits communaux autres que les bois qui sont soumis au régime forestier; même, à l'égard de ces derniers, elle fait la répartition des affouages ou distributions de bois soit pour chauffage, soit pour construction: la répartition se fait par feux, c'est-àdire par personnes ayant ménage et domicile dans la commune; elle ne peut se faire à raison des terres possédées (pro modo jugerum) suivant les usages féodaux, ou par tête, suivant les lois de 1793 (2): Une condition essentielle pour la participation à la jouissance des biens communaux, et d'être Français, ayant feu est domicile dans la commune; le domicile communal s'établit par un an de résidence (3).

Si la commune est, d'après la loi de 1837, à l'état de mineur émancipé pour la gestion de ses biens, il ne faut pas, toutefois, considérer le maire et le conseil municipal comme revêtus des droits de curateurs : le maire et le conseil municipal sont les organes et les représentans des inté rêts communaux, mais la loi ne les distingue pas de la personne morale de la commune : le maire et le conseil,

(1) L. 25 mai 1835.

(2) Arrêté 29 juin 1806.

(3) Loi 10 juin 93; Const. 22 frim. an VIII; D. 23 avril 1807.

c'est la commune qui s'administre elle-même comme mineur émancipé. Elle fait, dans son intérêt privé, ce qu'on appelle en droit civil les actes de pure administration; elle ne peut faire des acquisitions ou aliénations, accepter des dons et legs, ester en justice, sans l'autorisation du pouvoir supérieur, qui a tantôt la surveillance des intérêts comme curateur, tantôt le droit d'homologation.

II. Acquisitions, aliénations, échanges; partages; marchés passés par les communes (contrats communaux).—1o Les contrats de vente et d'échange sont proposés par le maire au conseil municipal qui en délibère, mais l'autorisation administrative est essentielle à leur validité. La loi du 18 juillet 1837 n'a pas exigé l'intervention du législateur, comme le décret du 10 août 1791; elle a consacré l'usage qui s'était introduit en opposition avec ce décret; elle a même diminué l'action centrale, en n'exigeant pas l'ordonnance du roi pour tous les cas d'aliénation. Le préfet, en conseil de préfecture, autorise l'aliénation ou l'acquisition jusqu'à concurrence d'une somme de 3,000 fr., si la commune a moins de 100,000 fr. de revenu, et jusqu'à concurrence de 20,000 fr., si la commune a un revenu égal ou supérieur à 100,000 fr. [46]. - Pour les acquisitions ou aliénations au dessus de cette valeur, une ordonnance du roi est nécessaire. Elle est, dans tous les cas, indispensable lorsque l'aliénation est réclamée par un créancier qui a un titre exécutoire contre la commune. Le principe, en matière d'aliénation, peut se formuler ainsi : L'autorisation administrative est un acte de haute tutelle qui confère seulement aux communes la capacité d'acquérir et d'aliéner: elle est accordée, pour l'aliénation, dans la supposition que la commune est propriétaire; elle ne peut préjudicier aux tiers qui y sont restés étrangers.

La loi n'a pas indiqué de mode spécial pour déterminer la valeur des choses à acquérir, à vendre, à échanger; elle a laissé subsister les usages admis par l'administration pour arriver à une juste appréciation: ces usages naissent des lois et ordonnances antérieures, non tacitement révo

quées par la loi de 1837. Ces formalités préalables aux actes d'acquisition, de vente, d'échange, sont : 1° un procès-verbal d'estimation des immeubles; 2o une enquête de commodo et incommodo par voie administrative; 3o la délibération du conseil municipal; 4° le consentement des propriétaires qui veulent vendre ou échanger; 5o l'avis du sous-préfet et du préfet.

2o La loi de 1837 n'a point statué sur le partage des biens communaux entre les membres de la commune. La question du partage des communaux touche à de graves intérêts : la prospérité immédiate de beaucoup de communes en dépend; les communaux, qui devraient être le patrimoine des pauvres, deviennent souvent le patrimoine des riches; et certes les familles, qui existent aujourd'hui, et l'État auraient beaucoup à profiter du partage. Mais ces biens sont aussi le patrimoine de l'avenir; et l'intérêt des générations futures demande qu'ils ne soient pas entièrement livrés aux intérêts du présent. C'est une question d'économie sociale que le législateur s'est réservée. La législation actuelle repose sur le décret du 9 brumaire an XIII, qui était relatif aussi aux partages faits en vertu de la loi du 10 juin 1793 les conseils municipaux ont un droit absolu de décision contre le partage; s'ils refusent, nul recours n'est possible; s'ils votent le partage, le gouvernement a le droit d'accorder ou de refuser sa sanction aux arrêtés du conseil de préfecture, qui statuent sur la question du partage.

3o En règle générale, les entreprises pour travaux et fournitures au nom des communes doivent être données avec concurrence et publicité. Les adjudications publiques seront précédées d'un cahier des charges et d'un avis publié un mois à l'avance par la voie des affiches. Les cahiers des charges détermineront la nature et l'importance des garanties que les fournisseurs ou entrepreneurs auront à produire. Les adjudications peuvent être soumises à des restrictions qui n'admettent à concourir des que personnes préalablement reconnues capables par l'administration et produisant des titres justificatifs. Des cautionne

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mens peuvent être exigés pour répondre de l'exécution des engagemens. Les soumissions doivent toujours être remises cachetées en séance publique. -Les adjudications sont subordonnées à l'approbation du préfet; elles ne sont valables et définitives qu'après cette approbation.- Il peut être traité de gré à gré, sauf approbation du préfet, pour les travaux et fournitures dont la valeur n'excèdera pas 3,000 fr.; pour des cas spéciaux, énumérés dans l'ordonnance du 14 novembre 1837, il faut l'approbation du ministre de l'intérieur.

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III. Acceptation de dons et legs. Les art. 910 et 937 du Code civil exigeaient, sans distinction, une ordonnance du roi pour la validité de l'acceptation des dons et legs faits en faveur des pauvres d'une commune et des établissemens d'utilité publique. L'art. 48 de la loi de 1837 a modifié ce principe :

1° Pour les dons ou legs d'immeubles,

2o Pour les dons et legs mobiliers de plus de 3,000 fr., 3o Pour les dons et legs mobiliers d'une valeur quelconque, s'il y a réclamation des successibles,

Il faut une ordonnance du roi ;

4o Pour les dons et legs mobiliers d'une valeur qui n'excède pas 3,000 fr., il suffit d'un arrêté du préfet.

5o Quant aux délibérations du conseil municipal qui portent refus de dons et legs, elles ne sont jamais exécutoires qu'en vertu d'une ordonnance du roi.

Le maire peut, avant l'autorisation et à titre conservatoire, accepter les dons et legs, en vertu de la délibération du conseil municipal. L'ordonnance du roi ou l'arrêté du préfet, qui intervient ensuite, a effet du jour de cette acceptation [48]. C'est une dérogation complète au principe des art. 910 et 937 du Code. Sous l'empire de ces dispositions, l'autorisation devait précéder l'acceptation; et, comme jusqu'à cette dernière époque, rien n'était consommé relativement à la donation entre vifs, le donateur pouvait révoquer sa donation, laquelle devenait caduque s'il mourait avant l'acceptation dûment autorisée (1). La faculté d'accep

(1) Toullier, t. V, no 203.

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