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avant la promulgation, puisqu'elle est achevée par la sanction royale, mais elle n'est exécutoire, elle n'acquiert la force coërcitive qu'en vertu de la promulgation et du mandement d'exécution adressé par le roi aux magistrats de l'ordre judiciaire et administratif. Il ne suffit pas que la publicité de droit s'attache à la loi par la promulgation, il faut qu'elle s'attache à la promulgation elle-même : l'art. 1er du Code civil, combiné avec l'ordonnance du 27 novembre 1816, établit un délai progressif en rapport avec les distances, afin de laisser aux autorités et aux citoyens le temps de connaître la loi et sa promulgation. La publicité de fait, qui aurait antérieurement existé n'entraînerait aucune conséquence légale. Après la promulgation par l'insertion au Bulletin des lois, après le délai d'un jour au siége de la promulgation, et, pour les départemens, le délai déterminé légalement selon la progression des distances, nul n'est censé ignorer ni la loi ni sa promulgation: cette présomption de droit tient lieu de la notification individuelle à tous les citoyens; notification impraticable. Dans les cas urgens, les formes ordinaires de la promulgation sont remplacées par une forme plus rapide, l'envoi direct des lois aux préfets qui les font immédiatement imprimer et afficher; elles sont exécutoires du jour de la publication (1).

La promulgation étant un acte du pouvoir exécutif, son omission peut être un cas de responsabilité ministérielle car les intérêts du pays peuvent avoir gravement à souffrir de la non-promulgation d'une loi votée et sanctionnée; c'est le garde des sceaux, ministre de la justice, qui, spécialement chargé de faire connaître l'acte de promulgation, serait responsable de son omission.

II. CHAMBRE DES DÉPUTÉS. Les droits de la chambre des députés concernent: ·

Sa participation à la puissance législative et le contrôle qu'elle exerce sur les actes du pouvoir exécutif;

Son organisation comme chambre législative;

(1) Ord. 18 janvier 1817.

Les priviléges de ses membres, et ceux de la chambre, de l'État ;

comme corps

Et enfin quelques conditions attachées, dans l'intérêt public, à la qualité de député.

1° L'initiative des lois, possédée en commun avec les autres branches du pouvoir législatif, le droit de discuter librement, d'adopter avec ou sans amendement, ou de rejeter les projets de lois, le vote annuel de l'impôt, le vote annuel du contingent de l'armée, l'antériorité de dicussion et de vote sur la chambre des pairs pour le budget et toute loi d'impôt, tels sont les actes qui constituent la participation de la chambre à l'exercice du pouvoir ligislatif; et, sous ce rapport, la Charte a consacré complètement la doctrine de Montesquieu : « La puissance législative doit statuer d'année en année sur la levée « des deniers publics, sur les forces de terre et de mer: « autrement la puissance exécutrice ne dépendrait plus << d'elle. >>

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Mais il est une autre prérogrative non moins importante, le droit d'examen et de contrôle à l'égard des actes du pouvoir exécutif : « Le corps des représentans, dit encore « Montesquieu, ne doit pas être choisi pour prendre quel« que résolution active, mais pour faire des lois ou voir si l'on «abien exécuté celles qu'il a faites (1). » — Tous les actes du pouvoir exécutif tombent sous le contrôle de la chambre puisque tous les services sont passés en revue par l'examen et le vote du budget de l'État. Le droit de contrôle, attribué à la chambre, s'étend jusqu'au droit d'accusation contre les ministres, qui appartient exclusivement aux députés.

Une autre prérogative, qui associe encore l'action de la chambre à celle du pouvoir exécutif, c'est le droit de discuter les traités qui contiendraint quelque clause à la charge du trésor public, ou quelque aliénation du territoire national ou colonial, et de rejeter les clauses de cette nature. Le droit de la roya uté de faire les traités de paix, d'alliance et de commerce, ne s'exerce pleinement que dans les ma

(1) Esprit des lois, liv. II, ch. 6.

tières qui ne touchent pas au droit national sur le vote des impôts et l'intégrité du territoire. Le territoire du royaume, même sous l'ancienne monarchie, était réputé indivisible, et nulle cession de province ou de contrée ne pouvait avoir lieu qu'avec le concours des états-généraux. Ainsi la première cession de quatorze provinces, consentie par le roi Jean, prisonnier en Angleterre, fut rejetée par les états de 1359, avec acclamation et cris de guerre; la deuxième cession, contenue au traité de Brétigny et souscrite même par le dauphin Charles V, fut postérieurement déclarée contraire aux lois du royaume par la cour des barons et des pairs, sur la provocation du dauphin devenu roi; ainsi le traité de François Ier avec Charles-Quint, pour la cession de la Bourgogne, fut rejeté par les états assemblés à Cognac, quoiqu'il s'agit encore de la délivrance d'un roi de France, prisonnier de guerre. Ces principes ne sont pas consacrés textuellement par la Charte, mais ils font partie essentielle de nos traditions de droit public, fortifiées encore par le dogme de la souveraineté nationale. Ils étaient formulés par la Constitution de l'an VIII, qui n'est abrogée que dans les dispositions incompatibles avec le texte et l'esprit de la Charte constitutionnelle.

Justement jalouse de la dignité du pays, la Charte de 1830 a encore associé les chambres au pouvoir exécutif en statuant qu'aucune troupe étrangère ne serait admise au service de l'État qu'en vertu d'une loi [13].-Ce même sentiment de nationalité a dicté la loi du 14 octobre 1814 sur les lettres de grande naturalisation. L'étranger, même naturalisé Français, ne peut être appelé à siéger à la chambre des pairs ou à celle des députés, qu'après avoir obtenu du roi des lettres de grande naturalisation, fondées sur d'importans services, et vérifiées dans les deux chambres. Ce droit de vérification entraîne celui d'examiner la nature et la grandeur des services rendus.

Telle est la part de la chambre des députés dans la puissance législative et le contrôle national. La durée de ses pouvoirs est de cinq ans, mais elle peut être abrégéc par le droit de dissolution attribué à la royauté, sous la

condition de convoquer dans trois mois une chambre nouvelle.

2o Quant à son organisation constitutionnelle : les droits de la chambre sont relatifs à la vérification des pouvoirs des nouveaux élus, à l'élection de son président et de ses vice-présidens, secrétaires et questeurs ; à la publicité des séances, à la formation et au renouvellement des bureaux et des commissions pour préparer la discussion des lois ou l'examen des propositions émanées d'un de ses membres; à la création, pour la durée d'une session, d'une commission d'enquête (1), à la confection de son règlement intérieur.

3o Les priviléges des députés et ceux de la chambre elle-même comme corps se résument dans l'inviolabilité de la personne des représentans et dans celle de la chambre. -Inviolabilité du député à l'occasion des discours prononcés dans le sein de la chambre: elle tient à l'indépendance de la tribune; elle fut décrétée en 1789, sur la motion de Mirabeau; elle est consacrée par l'art. 21 de la loi du 17 mai 1819.—Inviolabilité du député pendant la durée de la session, même pour des faits étrangers aux fonctions législatives ainsi il ne peut être poursuivi, en matière criminelle, sans l'autorisation de la chambre, sauf le cas de flagrant délit; des créanciers ne peuvent exercer contre lui la contrainte par corps six semaines avant la session, pendant sa durée, et six semaines après. - Inviolabilité de la chambre comme corps dans l'État : elle a le droit de traduire à sa barre l'écrivain ou toute autre personne qui, par des moyens de publicité, aura commis une offense envers elle, le journaliste qui aura rendu de ses séances un compte infidèle et de mauvaise foi, ou bien un compte offensant pour l'un de ses membres (2).

4o Certaines conditions sont attachées à la qualité de député, dans l'intérêt public: les députés ne sont pas exclus des fonctions publiques, mais ils sont soumis à la réélection en cas de promotion à quelque fonction salariée. C'est aux électeurs à juger la conduite du député devenu

(1) Résolution de la chambre, 16 février 1835.

(2) Loi du 25 mars 1822, 15, 16, 7.

fonctionnaire et à lui refuser la députation si l'intérêt public a été sacrifié à l'intérêt privé. La faute politique reprochée au trop grand désintéressement de l'assemblée constituante, qui excluait ses membres même du ministère, était contraire aux vrais intérêts du gouvernement représentatif, et n'a pas été reproduite par la Charte constitutionnelle. Le député qui exerce une grande influence sur les délibérations peut légitimement aspirer au plus haut rang de l'administration, dans l'intérêt même de l'opinion qu'il représente l'exercice de la puissance exécutive doit être confié aux organes de la majorité, car l'harmonie entre les chambres et le pouvoir est une condition nécessaire du gouvernement. Il y a toutefois des incompatibilités de fonctions que la loi électorale a déclarées et qu'elle pourra étendre à des cas nouveaux.

Les députés sont les représentans de la France: aussi n'est-il pas nécessaire qu'ils soient pris exclusivement parmi les éligibles qui ont leur domicile politique dans le département qui les nomme. Il suffit que dans chaque département la moitié des députés élus remplissent cette condition du domicile politique. Les députés, libres de faire des professions de foi qui deviennent des engagemens d'honneur, ne peuvent cependant s'imposer ni accepter la condition de tel ou tel vote, car les députés ne reçoivent plus des électeurs un mandat écrit, des pouvoirs spéciaux et limités. Ce grand caractère de représentans de la France, et non de telle ou telle contrée de la France, les distingue profondément des députés aux anciens états-généraux, lesquels devaient se conformer aux pouvoirs exprimés dans les cahiers des trois ordres. Les intérêts de la localité et l'opinion des électeurs doivent avoir sans doute des organes et des défenseurs, mais des organes libres. L'opinion électorale a ses grands jours de jugement et de sanction au renouvellement de la chambre : les électeurs prononcent alors leur sentence politique.

III. CHAMBRE DES PAIRS. La chambre des pairs doit être considérée dans sa formation, sa participation à la puissance législative, son organisation, ses priviléges, sa transformation en cour des pairs.

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