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navigables ou non navigables, flumina autem omnia publica sunt (1); pertinet interdictum ad flumina publica, sive navigabilia sunt, sive non sunt (2). Cette théorie, qui classe les fonds des cours d'eau non navigables ni flottables dans le domaine public, nous paraît la seule vraiment rationnelle et conforme aux principes de notre droit. Il faut mettre dans une classe à part les canaux artificiels destinés soit à l'irrigation des terres, soit à l'alimentation des usines; le terrain a été fourni volontairement et par contribution pour recevoir le passage de l'eau dans un but déterminé. Ces canaux et leurs francs-bords font exception aux règles ordinaires des cours d'eau.

Cette doctrine serait peu importante, si l'on ne considérait que l'intérêt immédiat du propriétaire riverain, puisque tous les droits utiles sont reconnus lui appartenir; mais elle est très-essentielle, du point de vue administratif, en ce qu'elle fonde le droit de l'administration sur le régime des cours d'eau. Hors de cette théorie, le droit de l'administration est exceptionnel et exorbitant; avec cette théorie, il devient, comme nous le verrons plus tard, d'une facile et régulière application.

SECTION III.

DU DOMAINE DE L'ÉTAT.

Le domaine de l'État est aujourd'hui, comme sous l'ancien droit, corporel et incorporel.

Il faut considérer les élémens qui le composent et les règles qui le régissent sous l'un et l'autre rapport.

(1) Instit,, lib. II, tit. 1, no 2, De rerum divisione.

(2) Dig., lib. XLIII, tit. 13, L. 1, § 2, Ne quid in flumine publico.—On peut opposer la loi 1 du tit. 12, § 3, portant: Fluminum quædem publica sunt, quædam non. Mais le sens de cette loi n'est pas équivoque ; car Ulpien, à qui elle est empruntée, dit que Cassius définit publicum flumen quod perenne sit, et il approuve la définition. C'est donc la continuité du cours qui constitue la qualité du fleuve public; le flumen privatum sera celui qui ne coulera que pendant un certain temps torrens vel hyeme fluens. C'est dans ce sens seulement que le jurisconsulte dit, § 4: « Si « autem flumen privatum sit cessabit interdictum; nihil enim differt a cæteris « locis privatis flumen privatum. »

S 1. DOMAINe corporeL.

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1. Élémens constitutifs. Le domaine corporel renferme des biens meubles et immeubles,

Les biens meubles se composent d'objets d'un nombre indéfini et d'une valeur inappréciable, tels que les bibliothèques royales, les archives nationales, les objets de l'imprimerie royale, les collections d'objets d'arts et de sciences formées et entretenues par l'État; tous les objets précieux, diamans, pierreries, statues, musées, tableaux, etc., compris dans la dotation mobilière de la couronne, et inventoriés en vertu de la loi du 2 mars 1832; mais les monumens et les objets d'arts placés, depuis cette loi, dans les maisons royales, soit aux frais de l'État, soit aux frais du roi, sont déclarés propriétés de la couronne [7]. Dans les biens meubles, il faut comprendre encore le mobilier et le matériel des ministères et des administrations publiques, les matières premières ou fabriquées destinées aux services publics, à la marine, aux finances, à la guerre, et enfin les armes et objets confiés à la garde nationale. Ces élémens d la fortune publique dans un État comme la France sont d'une importance incalculable: aussi n'a-t-on pas essayé de donner la statistique de la richesse mobilière de l'État, Les biens immeubles se composent :

1o Des immeubles et forêts provenant de l'ancien domaine et du clergé, qui n'ont pas été compris dans la dotation immobilière de la couronne par la loi du 2 mars 1832;

2o Des biens provenant du domaine extraordinaire créé sous l'empire par le sénatus-consulte du 30 janvier 1810, et réuni au domaine de l'État par la loi du 15 mai 1818 (c'est ce sénatus-consulte qui avait ressuscité des inféodations transmissibles de mâle en mâle, et reversibles, en cas d'extinction de la race masculine);

3o Des biens provenant de la dotation de l'ancien sénat et des sénatoreries, réunis au domaine par la loi du 28 mai 1829 [art. 7];

4o Des édifices et biens immeubles affectés au service des ministères et administrations générales;

5o Des biens qui ont cessé de faire partie du domaine public sans passer dans la propriété privée par titre ou prescription;

6o Des îles et atterrissemens qui se sont formés dans les fleuves et rivières navigables;

7o Des biens qui ont été recueillis par l'État comme vacans et sans maître [539-713], et de ceux advenus par droit de deshérence [723-768];

8o Des biens donnés ou légués à l'État purement et simplement, ou sous certaines charges et conditions.

La statistique publiée en 1837 nous fournit des résultats précis sur le nombre et l'importance des immeubles de Î'État.

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Ainsi, le nombre total des propriétés de l'État est d'environ onze mille; et le total de la valeur estimative est de plus d'un milliard deux cent soixante-dix-sept millions.

II. C'est à cette richesse immobilière que se rapporte

(1) Le produit de ces biens qui sont affermés, d'après les comptes officiels a été, en 1835, de 560,722 fr. - Fortune publique, t. I, p. 198.

l'exercice du droit de propriété appartenant à l'État; cet exercice est subordonné à des modes de gestion générale ou spéciale.

GESTION GÉNÉRALE.

Elle comprend quatre objets :

Les modes d'acquérir;

Les modes d'aliéner;

L'administration des biens;

L'exercice des actions judiciaires.

1° Modes d'acquérir. Le droit de la guerre et la conquête, par les armes et les traités, ont toujours été regardés par les nations comme le plus grand moyen d'accroissement territorial. La guerre était devenue en Europe une cause si désastreuse de changement de possessions et d'États, que Grotius, au XVIIe siècle, voulant faire un traité de droit naturel applicable aux bases de la société, fit un traité sur le droit de la guerre et de la paix. La civilisation chrétienne cependant a fini par transformer le droit des gens en matière de conquête. La conquête aujourd'hui a pour objet l'acquisition et la conservation, et son titre est juste ou injuste selon que la cause primitive de la guerre était ou non appuyée sur la justice. Napoléon, en 1810, avait fondé, sur les bénéfices des conquêtes, l'existence d'un domaine extraordinaire dont les derniers restes ont été réunis à l'État, et la loi du 2 mars 1832 porte: « Il ne «< sera plus formé de domaine extraordinaire; en consé«<quence, tous les biens meubles et immeubles acquis par « droit de guerre ou par des traités patens ou secrets ap« partiendront à l'État [25]. » Il faudrait une loi expresse pour donner à la couronne quelques uns des objets de la conquête, et les stipulations des traités secrets ne peuvent jamais profiter ni au roi ni aux chefs militaires; les produits de toute nature appartiennent au domaine de l'État.

Le droit de conquête est un mode d'acquisition d'un ordre à part.

L'État acquiert ordinairement ou à titre gratuit par

donation et testament, ou à titre onéreux, par échange et par vente; il peut aussi acquérir par prescription.

Les donations et legs ne peuvent être acceptés qu'avec l'autorisation du roi, défenseur non seulement de l'État, mais encore des familles. Si l'intérêt légitime de celles-ci sollicite le refus, l'intérêt indirect de l'État doit céder à la faveur des titres de parenté.

Les échanges ne peuvent avoir lieu qu'en vertu d'une loi approbative. L'ordonnance du 12 décembre 1827 a déterminé les formes à suivre pour préparer l'échange d'un bien privé contre un bien du domaine de l'État : la demande doit être adressée au ministre des finances, communiquée, s'il

y

a lieu d'y donner suite, au préfet de la situation, accompagnée d'une expertise, et soumise au conseil d'administration du domaine et au comité des finances du conseil d'État. Le contrat d'échange sera enregistré et transerit; les biens donnés à l'État seront purgés de toute hypothèque; la radiation des inscriptions sera rapportée; la loi ne sera présentée aux chambres qu'après l'accomplissement de toutes les formalités; et l'échangiste ne pourra entrer en jouissance que lorsque la loi aura été rendue [6-11].

Les

Une seule exception existe en matière d'échange. portions de terrains dépendantes d'anciennes routes ou chemins, et devenues inutiles par suite de changement de tracé ou d'ouverture d'une route royale ou départementale, pour ront être cédées par l'administration, sur estimation contradictoire, à titre d'échange et par voie de compensation du prix, aux propriétaires des terrains sur lesquels les parties de route neuve devront être exécutées. Seulement, lorsqu'il s'agira de terrains abandonnés pár des routes royales, l'acte de cession devra être soumis à l'approbation du ministre des finances (1).

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Les acquisitions ne sont pas assujetties directement à la nécessité d'une loi pour leur validité; mais comme l'acquisition au nom de l'État suppose un prix, et que les spécialités du budget peuvent ne pas s'appliquer à cette destination, il faut ordinairement une loi soit pour autoriser, soit

(1) Loi 20 mai 1836, art. 4.

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