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de porter préjudice à l'intérêt de l'armée et à celui des tiers ou jeunes soldats qui ont été appelés ou maintenus en service actif à la place du faussaire; qu'ils constituent un acte authentique et public1;» 3° des actes de notoriété dressés par le juge de paix pour constater l'âge des jeunes soldats, à défaut d'actes de l'état civil, lors même que ces actes ne seraient pas confirmés par un jugement d'homologation. Toutefois, il faut prendre garde que l'art. 43 de la loi du 21 mars 1832 ne punit que d'une peine correctionnelle tout remplacement opéré au moyen de pièces fausses ou de manœuvres frauduleuses; dès lors il faut distinguer la fabrication et la simple production des certificats faux : la fabrication de la pièce fausse, quand elle rentre dans les termes de l'art. 162, constitue le crime de faux; la simple production de cette pièce, comme moyen de fraude, constitue le délit prévu par l'art. 43 de la loi du 21 mars 18323.

Il en serait encore de même des certificats d'indigence, que les maires sont appelés à délivrer dans l'exercice de leurs fonctions, et auxquels la loi attache les effets les plus graves, puisqu'ils peuvent exempter de formalités onéreuses (art. 420 du Code d'instruction criminelle), et même de certaines peines (loi du 17 mars 1833, art. 40), Et en effet, ces divers certificats, dès qu'ils sont destinés par la loi à constater authentiquement certains faits, à devenir des conditions d'admission ou d'exemption de peine des services publics, sortent de la classe des actes officieux que cet article a prévus; ils ne sont pas délivrés pour faire obtenir des actes de bienveillance, des places, du crédit ou des secours, mais pour former la garantie exigée par la société à raison de la confiance qu'elle délègue. Ces actes sont donc de tout autre nature que ceux qui sont énumérés par l'art. 161, et dès lors, aux termes de l'article 162, ce n'est pas à ses dispositions qu'ils appartien

nent.

1 Cass., 8 fév. 1855, Bull. n. 35; 23 avril 1859, Bull. n. 99.

2 Cass., 5 juill. 1835, Bull. n. 240.

3 Cass., 5 mars 1842, Bull. n. 55; 3 nov. 1843, Bull. n. 270; 3 oct. 1850, Bull. 342; 31 mai ct 19 juin 1851, Bull. n. 202 et 231; 24 août 1855, Bull. n. 299.

769. Toutefois, il faut prendre garde que, pour justifier cette distinction, il est nécessaire que le certificat entaché de faux soit un acte des fonctions de l'officier dont il est présumé émaner, que cet officier ait reçu de la loi même la mission de le délivrer, enfin que le législateur ait voulu attacher à son attestation le poids d'une preuve légale et d'une garantie sociale. C'est là la condition essentielle qui change la nature de l'acte, et attribue dès lors à son altération des conséquences plus graves. La jurisprudence nous offre un exemple remarquable d'application de cette règle. La question s'était élevée de savoir si les certificats que délivrent les maires, et qui ont pour but de faire admettre des remplaçants au service militaire, sont des actes du ministère de ses fonctionnaires. On objectait avec raison qu'aucune loi n'avait expressément rangé ces certificats au nombre des actes essentiels des fonctions municipales, et que, hors le cas d'une disposition précise de la loi, les actes que le maire fait ou rédige ne sont plus, à proprement parler, des actes de ses fonctions. Mais la Cour de cassation, par deux arrêts successifs, déclara qu'il suffisait que l'acte fût rédigé en vertu d'une simple instruction ministérielle et pour assurer l'exécution d'une loi, pour que le maire dût être considéré comme le rédigeant en sa qualité et dans l'exercice de ses fonctions'. Cette jurisprudence a été en quelque sorte reconnue extensive et hasardée par le législateur lui-même, puisque les art. 20 et 21 de la loi du 21 mars 1832, sur le recrutement, ont pris soin de déléguer formellement au maire de la commune du domicile, et au corps dans lequel le remplaçant aurait déjà servi, la mission de délivrer des certificats qu'elle regarde comme formant la preuve des faits qu'ils attestent. Il n'existe donc aujourd'hui aucun doute que la fabrication de semblables certificats serait punie d'après les dispositions des art. 146 et 147; mais en même temps se trouve confirmé le principe qui veut une délégation formelle de la loi pour que le certificat revête le caractère d'un acte public, et par conséquent pour que l'altération puisse être considérée comme un crime de faux.

1 Cass., 10 avril et 16 juill. 1829, S. 29.1.303.

770. Le deuxième élément du délit prévu par l'art. 161 est que le certificat ait été fabriqué sous le nom d'un fonctionnaire ou officier public.

Si le certificat où des faits faux seraient constatés comme vrais avait été délivré par le fonctionnaire lui-même, cette delivrance constituerait un fait d'une autre nature, et ne pourrait être incriminée que comme un faux criminel. A la vérité, une telle incrimination serait sujette à de graves difficultés, puisqu'il faudrait établir, non-seulement que le fait moral attesté par le certificat serait matériellement faux, mais encore aurait été fait dans un but coupable et avec intention de nuire. Mais ces éléments réunis, le fait deviendrait nécessairement passible des peines de l'art. 146. C'est d'ailleurs ce que la Cour de cassation a reconnu par un arrêt portant: « qu'il résulte de la déclaration du jury que le demandeur est coupable d'avoir, étant adjoint ou maire d'une commune, délivré, en sa qualité, un certificat de bonnes vie et mœurs, dont il a frauduleusement dénaturé la substance, en attestant comme vrai un fait qui serait faux, qu'un individu (qu'il désignerait sous un faux nom) s'était toujours conduit d'une manière à ne mériter aucun reproche pendant le temps que cet individu avait habité la commune; qu'il résulte également de la déclaration du jury que le certificat avait pour but de faire admettre le porteur comme remplaçant, que ce faux rentrait dans les dispositions des articles 162 et 146 du Code pénal 1. »

771. Si le certificat avait été rédigé, non sous le nom d'un fonctionnaire, mais sous celui d'un particulier, sa fabrication ne constituait pas, avant la loi du 13 mai 1863, le délit prévu par l'art. 161. C'est, en effet, cette circonstance qu'il émane d'un officier public qui seule donnait au certificat une dangereuse autorité et procurait à la personne qu'il désigne un crédit usurpé. La fabrication d'un certificat de bonne conduite délivré par un simple particulier ne produit ni les mêmes effets, ni les mêmes périls. Aussi un tel certificat, lorsqu'il attestait la bonne conduite d'un individu qui se conduit mal, ne constituait aucun délit : ce mensonge, considéré comme une

1 Cass., 16 juill. 1829, Journ, du dr. crim., 1829, p. 232.

simple immoralité, ne formait point un véritable faux'. La supposition de cette même attestation ne pouvait donc elle-même constituer un délit. Cependant cette fabrication pouvait, suivant les circonstances et l'usage qui aurait été donné à l'acte faux, prendre le caractère d'une manœuvre frauduleuse et devenir l'élément constitutif d'une escroquerie; elle pouvait même dans certains cas être considérée comme un faux en écriture privée par exemple, le prévenu de vol, qui, pour se justifier, exhibe un faux certificat émané du prétendu vendeur de la chose volée, commet le crime de faux, car ce fait, à l'altération matérielle de la vérité réunit l'intention criminelle de tromper la justice et de préjudicier à la partie lésée par le vol qui réclame la propriété de l'objet volé 2.

Mais le dernier paragraphe ajouté à l'art. 161 a apporté sur ce point une incrimination nouvelle. « Il arrive quelquefois, souvent même, dit l'exposé des motifs de la loi du 13 mai 1863, que de pareils certificats sont fabriqués sous le nom d'un simple particulier dont le caractère honorable et la situation. dans le monde peuvent leur donner une certaine autorité de recommandation et de patronage. » Le rapport ajoute: « Il résulte de l'art. 161 que si, au lieu d'emprunter le nom d'un fonctionnaire public, le faussaire a emprunté celui d'une personne recommandable et haut placée, et, par exemple, si étant domestique, il a emprunté le nom de son maître, il fait autant et quelquefois davantage dans l'intérêt qu'il poursuit, mais il n'encourt aucune peine. Le projet propose de placer ce fait au nombre des infractions coupables, en le punissant seulement de quinze jours à six mois d'emprisonnement. »

De là il suit que les simples particuliers qui attestent des faits faux dans des certificats destinés, par exemple, à soustraire un individu à la loi du recrutement, peuvent aujourd'hui tomber sous l'application de la loi, quoiqu'ils soient sans qualité pour délivrer de tels certificats et que tout certificat émané de personnes sans qualité pour le délivrer ne soit qu'un acte insignifiant et nul de soi-même, parce que c'est là

1 Cass, 9 mess. an XII, S.4.2.217.

2 Cass., 4 sept. 1807, Bull. n. 376.

TOME II.

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une assertion mensongère qui, faite par écrit, peut, même dans ce cas, exercer une funeste influence1; mais il est essentiel, pour l'existence du delit prévu par les deux premiers paragraphes de l'art. 161, que la personne dont le certificat est censé émaner soit un fonctionnaire public. Il n'importe plus ici de rechercher si cet officier est ou non compétent pour le délivrer: les recommandations officieuses, les certificats de services peuvent être donnés par tous les fonctionnaires ; mais cette qualité d'officier public est essentielle à l'existence du delit. Ainsi, dans une espèce où les faux certificats étaient attribués à d'anciens officiers des armées vendéennes, la Cour de Rouen n'hésita pas à déclarer qu'il n'y avait point de délit: « attendu que ces personnes n'étaient point des fonctionnaires publics aux époques où les certificats énonçaient avoir été datés, et qu'il n'était pas justifié d'ordonnances du roi qui eussent conféré aux prétendus signataires de certificats caractère et qualité pour délivrer des actes propres à faire obtenir des récompenses.» La Cour de cassation répliqua en annulant cet arrêt « que trois ordonnances (des 31 mars 1814, 23 octobre 1815 et 22 mai 1816) et deux lois (des 15 mai 1818 et 26 juillet 1821) ont assuré des récompenses pécuniaires et des distinctions honorifiques aux anciens soldats et officiers de l'armée royale de l'Ouest; que dès lors ces lois et ordonnances ont suffisamment autorisé les officiers de ces armées à délivrer, en leurs qualités respectives, les certificats et attestations qu'elles rendaient indispensables pour la justification des services qu'elles entendaient récompenser; qu'aux termes de l'art. 258 du Code pénal, les fonctions militaires sont mises au rang des fonctions publiques; que dès lors ces officiers doivent être réputés fonctionnaires publics, quand ils agissent en qualité de fonctionnaires militaires. » Ainsi, pour faire l'application de la peine, la Cour de cassation fut forcée de reconnaître aux prétendus signataires la qualité de fonctionnaires publics.

772. Le même arrêt juge ensuite : « que dans l'application

1 Cass., 20 fév. 1806, S.6.2.768; Grenoble, 7 mars 1829, Journ, du dr. crim., 1830, p. 46.

2 Cass., 22 oct. 1825, Bull. p. 593.

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