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sera la conséquence de la maladie elle-même et non du certificat. La fabrication de ce certificat n'aura donc plus aucun objet, et dès lors elle cessera d'être un délit : ce sera, si l'on veut, une mauvaise voie prise pour formuler une juste récla mation; l'acte conservera son cachet d'immoralité; mais comme il cessera d'être un moyen de nuire, la justice sociale n'aura plus à s'en occuper.

Il faut que le certificat soit placé sous le nom d'un médecin, chirurgien ou officier de santé. Ainsi l'on devrait déclarer que celui qui se borne à ajouter à son nom la qualité d'officier de santé ou de médecin, dans un certificat de maladie qu'il signe, ne commettra point le délit prévu par cet article; car cette qualité n'est point une qualité substantielle du certificat, et d'ailleurs la loi n'inculpe expressément que l'usurpation du seul nom. Déjà la Cour de cassation avait jugé dans ce sens, antérieurement au Code pénal, en déclarant que la fausse qualité de chirurgien militaire, usurpée par un individu pour fabriquer des certificats de visites, n'était pas caractéristique du faux'. Mais il est évident que dans cette espèce, comme dans tous les cas où le certificat peut produire préjudice à un tiers, l'usurpation de la qualité peut être considérée comme une manœuvre frauduleuse qui rentrerait dans les termes de l'art. 405.

Il faut que le certificat ait pour but de préparer l'exemption d'un service public; tels sont les certificats qui constatent des maladies propres à motiver des exemptions du jury, de la garde nationale ou du service militaire.

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Faudra-t-il ranger dans la même catégorie les certificats qui auraient pour but des exemptions d'une autre nature, et qui, par exemple, seraient fabriqués dans le dessein de faire extraire un détenu d'une prison pour le transférer dans une maison de santé ? La parfaite analogie que présente cette espèce avec celle' que nous discutons peut faire pencher pour l'affirmative; car, dans les deux hypothèses, les certificats sont rédigés sous le nom d'un officier de santé, et leur but est d'obtenir, par l'allégation d'une fausse maladie, une exemption quelconque.

1 Cass., 6 août 1807, Bull. p. 325. ⚫ Cass., 22 mai 1807, Bull. p. 204.

Cependant il ne faut pas perdre de vue la différence qui les sépare dans l'espèce proposée, le certificat a pour but, non d'obtenir la dispense d'un service public, mais l'inexécution d'une peine. Or il est impossible de confondre ces deux résultats on méconnaît ses devoirs de citoyen en s'exemptant, par la fraude, d'un service public; on blesse profondément l'ordre social en soustrayant un condamné à l'expiation de son délit. L'art. 159 n'a infligé les peines correctionnelles qu'il prononce qu'aux auteurs des certificats qui ont pour objet de se rédimer ou d'affranchir des tiers d'un service public; ces termes ne doivent être ni restreints, ni étendus. Les certificats qui s'appliquent à un tout autre objet qu'un service public ne rentrent donc pas dans cette classe, et l'on peut dès lors voir dans leur falsification les caractères d'un faux commun, si d'ailleurs elle entraîne le préjudice dont parle l'art. 162.

763. L'art. 160 prévoit la deuxième hypothèse; cet article est ainsi conçu: « Tout médecin, chirurgien ou autre officier de santé qui, pour favoriser quelqu'un, certifiera faussement des maladies ou infirmités propres à dispenser d'un service public, sera puni d'un emprisonnement d'un an au moins et de trois ans au plus. S'il a été mû par dons ou promesses, la peine de l'emprisonnement sera d'une année au moins et de quatre au plus. Dans les deux cas, le coupable pourra en outre être privé des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Code, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine. Dans le deuxième cas, les corrupteurs seront punis des mêmes peines que le médecin, chirurgien ou officier de santé qui aura délivré le faux certificat. »

La modification faite à cet article a eu pour seul objet de substituer l'emprisonnement au bannissement et par conséquent d'effacer la qualification criminelle du fait. « Sans doute dit le rapport de la loi du 13 mai 1863, ce fait a sa gravité; mais le plus souvent les juges reculent devant les rigueurs de la peine; on se souvient d'ailleurs que la pensée générale du projet est de ne conserver la peine du bannissement que pour les délits politiques. »>

Antérieurement au Code pénal, cette espèce de faux n'était prévue par aucune loi spéciale, et rentrait dans les dispositions

générales du Code de 1791. On n'en trouve, en effet, la mention que dans l'art. 121 du Code des délits et des peines, lequel se borne à autoriser le juge de paix à décerner un mandat d'arrêt contre l'officier de santé qui a délivré un certifica: de maladie à un témoin, lorsque ce témoin ne se trouve p dans l'impossibilité de comparaître. L'art. 56 de la la du 19 fructidor an vi maintenait d'ailleurs cette classe de faux dans la catégorie des faux communs, en disposant que tous ceux qui dans le but de se procurer une exemption du service militaire, signeraient de faux certificats, seraient considérés comme fauteurs et complices de désertion, et punis de cing années de fers.

La distinction introduite par le Code est évidemment fondée. Ce serait blesser la justice, suivant l'expression de M. Berlier, que d'assimiler la fabrication d'un certificat de maladie à celle d'une obligation que l'on créerait à son profit sur un tiers. En effet, ici le faux est un instrument de dommage et de spoliation; là il ne produit aucun préjudice au moins direct et immédiat; dans le dernier cas, il est inspiré par le désir immoral d'un gain illicite; dans l'autre, il n'est le plus souvent qu'un acte de faiblesse et de complaisance. Cette distinction dans la moralité des actes appelait nécessairement une distinction dans la peine.

764. La première condition du délit est que le médecin, le chirurgien ou l'officier de santé certifient faussement des maladies ou infirmités. Or, on conçoit combien souvent la preuve d'une telle falsification sera difficile à faire: car les attestations qui ne portent point sur un fait simple et absolu, mais sur un fait moral dont l'appréciation est subordonnée à des connaissances spéciales, sont sujettes à des erreurs de bonne foi. S'il s'agit d'une maladie interne, d'une constitution physique plus ou moins maladive, comment établir la fausseté de l'attestation? Le prévenu ne pourra-t-il pas invoquer les dissidences qui partagent les adeptes de la science médicale? Ne pourrat-il pas se faire une défense de son ignorance même ? Il ne faut donc pas perdre de vue que l'élément du délit n'est pas seulement la matérialité du faux, mais l'intention frauduleuse qu'il décèle, c'est-à-dire le désir de favoriser une personne.

Si l'homme de l'art a attesté avec bonne foi une maladie même imaginaire, il n'est pas coupable; mais la peine devient applicable dès qu'il a agi sciemment, alors même qu'il n'aurait cédé qu'à la complaisance.

Il ne suffit pas que la maladie soit fausse, il faut qu'elle soit propre à dispenser d'un service public. Si, en effet, elle n'avait pas ce caractère, l'attestation ne causerait nul préjudice; ce serait, à la vérité, un acte immoral, mais que son innocuité déroberait à l'action de la loi. Il est donc nécessaire que ce caractère de la maladie soit d'abord établi.

Si le certificat a un autre but que de procurer la dispense d'un service public, il cesse d'appartenir à la catégorie comprise dans les termes de l'art. 160; et dans ce cas, quoiqu'il émane d'un homme de l'art, il est permis d'y chercher les caractères du crime de faux, s'il porte préjudice à des tiers: mais il est nécessaire alors que cette dernière circonstance soit formellement constatée. La Cour de cassation a reconnu ces deux points dans une espèce où il résultait de la déclaration du jury que l'accusé avait commis un faux en écriture privée, en fabriquant un faux certificat de chirurgien attestant qu'un enfant serait entré dans un hospice; l'arrêt déclare : « qu'un tel certificat pouvait, par hypothèse, avoir été fabriqué pour parvenir à la suppression d'état d'un enfant, et de nature à porter préjudice à des tiers; mais que, dans l'espèce, le jury n'a point déclaré en fait que le faux certificat dont il s'agit lésait des tiers; d'où il suit que la Cour d'assises avait faussement appliqué les art. 162, 150 et 151 du Code pénal 1. »

Mais le fait change de nature, si son auteur a été mû par dons ou promesse; ce n'est plus un acte de faiblesse, c'est un acte de corruption. Ici toutefois il ne faut pas confondre les honoraires qui peuvent être le prix d'un certificat erroné et même entaché de faux, lorsque ce faux est un acte de complaisance, et les dons ou promesses qui constituent la corruption. Il ne suffirait pas qu'il fût établi que l'officier de santé a donné une attestation fausse et a reçu un salaire, pour constituer le délit prévu par le deuxième paragraphe de l'art. 160: ce salaire est

1 Cass., 8 sept. 1826, Bull. p. 486.

le prix de la visite et de la rédaction du certificat; il n'exclut ni la bonne foi du rédacteur, ni même cette présomption, qu'il a cédé à des sollicitations plutôt qu'à des offres corruptrices; mais l'exagération du salaire renverserait évidemment cette présomption. C'est ainsi que la Cour de cassation a décidé que « l'officier de santé qui délivre à des conscrits des certificats propres à les exempter du service militaire et constater des maladies dont ils n'étaient pas atteints, devient passible de la peine du bannissement, lorsqu'il est établi qu'il a reçu de chacun de ces jeunes gens une somme de 40 fr., avec promesse d'une somme plus forte, en cas de succès de leurs réclamations 1. >>

Le dernier paragraphe de l'art. 160 porte que les corrupteurs seront punis de la même peine. Cette disposition donne lieu de remarquer que cet article, différent en cela de l'art. 179, ne punit point les tentatives de corruption, c'est-à-dire les offres ou promesses qui sont restées sans effet : le délit accompli peut seul motiver l'application de l'art. 160. Ainsi il ne suffit pas qu'il y ait eu des dons offerts, mais non acceptés, des promesses faites, mais non agréées : il faut, pour justifier la peine, que l'officier de santé ait accepté les dons ou promesses, et que le certificat qui en était le prix ait été délivré.

765. La deuxième classe de certificats dont l'altération n'a que le caractère d'un simple délit comprend les certificats de bonne conduite et d'indigence.

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Art. 161. Quiconque fabriquera, sous le nom d'un fonctionnaire ou officier public, un certificat de bonne conduite, indigence ou autres circonstances propres à appeler la bienveillance du gouvernement ou des particuliers sur la personne y désignée, et à lui procurer places, crédit ou secours, sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans. La même peine sera appliquée : 1o à celui qui falsifiera un certificat de cette espèce, originairement véritable, pour l'approprier à une personne autre que celle à laquelle il a été primitivement délivré; 2o à tout individu qui se sera servi du certificat ainsi fabriqué ou falsifié. Si ce certificat est fabriqué sous le nom d'un simple particulier, la fabrication et l'usage seront punis de quinze jours à six mois d'emprisonnement.

Cet article n'a fait que développer le principe que le législa1 Cass., 6 juin 1834, Bull. n. 211.

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