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portées en l'article précédent seront appliquées, selon les distinctions qui y sont posées, à toute personne qui se sera fait délivrer, par l'officier public, une feuille de route sous un nom supposé, ou qui aura fait usage d'une feuille de route délivrée sous un autre nom que le sien. » Deux conditions sont nécessaires pour l'application de cet article: il faut que la feuille de route ait été délivrée par l'officier public chargé de cette délivrance, il faut qu'elle ait été délivrée sous un nom supposé. Ces deux points établis, il est nécessaire de rechercher le but que la supposition était destinée à atteindre et l'effet qu'elle a produit. Si elle n'avait pour objet que de tromper la surveillance légale, elle ne forme qu'un simple délit auquel s'applique le deuxième paragraphe de l'art. 156; si elle a eu de plus pour effet d'exiger du trésor public des sommes qui n'étaient pas dues, elle revêt le caractère du crime, et la peine varie, d'après les paragraphes 3 et 4 du même article, suivant la quotité du dommage causé.

La modification introduite par la loi du 13 mai 1863 a effacé la qualification différente des deux faits, « parce qu'il y avait, dit le rapport, une sévérité excessive à considérer comme un crime le faux commis dans une feuille de route, par cela seul qu'il avait causé quelque préjudice au trésor. » Mais la pénalité a conservé ses deux degrés, en restant toutefois dans les limites des peines correctionnelles.

L'art. 157 ne s'occupe que de la feuille de route délivrée sous un nom supposé; il ne comprend point dans ses termes la supposition des qualités. Il suit de là que la seule usurpation d'une fausse qualité sur la feuille de route ne peut donner lieu à aucune poursuite. Mais ceci nous donne lieu de poser une distinction qui peut être importante: de même qu'en ce qui concerne les passe-ports, l'altération de la qualité sur la feuille de route ne prend aucune criminalité en elle-même, pourvu qu'elle n'ait d'autre but que de détourner la surveillance dont le porteur peut être l'objet. Mais il doit en être autrement, lorsque cette fausse qualité a servi de base à l'exercice d'un droit, lorsque son usurpation a eu pour but de soustraire au trésor public des frais de route plus élevés. En effet, comme ces indemnités sont calculées d'après le grade du porteur de la feuille,

il s'ensuit que ce grade devient alors l'une des énonciation: substantielles de cette feuille; son altération, lorsqu'il en a eté fait usage pour procurer des indemnités qui n'étaient pas dues par le trésor, constitue donc un faux qui rentre dans les termes des troisième et quatrième paragraphes de l'art. 16. C'est pa suite de cette distinction qu'il a été jugé par la Cour de casse tion, antérieurement au Code pénal, que l'individu qui prend sur des feuilles de route et devant des intendants militaires la qualité d'officier, afin de toucher les émoluments et les frais de route attachés à ce grade, commet le crime de faux. Cette dé cision est fondée; seulement cette espèce de faux se trouve classée par le Code dans les art. 156 et 157.

L'individu qui fait usage d'une feuille de route délivrée à un tiers ne commettait, en matière de faux, ni crime ni délit avant la loi du 13 mai 1863; car, d'une part, il n'y avait pas d'altération de cette feuille, et, d'une autre part, elle n'avait pas été délivrée sous un nom supposé. Il y avait seulement escroquerie, s'il s'en était servi pour toucher des sommes que le trésor ne lui devait pas.

Cette lacune a été remplie par l'addition dans l'art. 157 des mots suivants : « ou qui aura fait usage d'une feuille de route délivrée sous un autre nom que le sien.» Cette disposition nouvelle a été également appliquée aux passe-ports et aux permis de chasse.

758. L'art. 158 prévoit la complicité de l'officier public. « Si l'officier public, porte cet article, était instruit de la supposition de nom lorsqu'il a délivré la feuille, il sera puni, savoir: dans le premier cas posé par l'art. 156, d'un emprisonnement d'une année au moins et de quatre ans au plus; dans le second cas du même article, d'un emprisonnement de deux ans au moins et de cinq ans au plus; dans le troisième cas, de la reclusion. Dans les deux premiers cas, il pourra en outre être privé des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Code pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine. »>

Une première observation que suggère cet article, est que

1 Cass., 21 avril 1808, Dall., t. 8, p. 398.

la complicité de l'officier public n'aggrave en aucune manière la position du prévenu: cela résulte du texte même de la loi, qui limite expressément son application à l'officier public.

La culpabilité de cet officier lui-même est soumise à deux conditions il faut qu'il soit compétent pour délivrer la feuille de route; et en effet, s'il n'avait ce droit, l'acte serait vicié dans şa base, il n'aurait aucune valeur, puisqu'il ne pourrait produire aucun effet; dès lors l'altération serait indifférente, puisqu'aucun préjudice ne pourrait en résulter. Il faut ensuite que l'officier public ait été instruit de la supposition de nom lorsqu'il a délivré la feuille. Il ne suffirait donc pas qu'il eût négligé de se faire attester l'identité du réclamant : la loi n'exige même pas dans ce cas cette formalité, qui n'a lieu qu'à l'égard des passe-ports. Il faut qu'il ait agi sciemment, qu'il ait eu l'intention du crime.

Ce n'est pas tout: la peine puise différents degrés de gravité dans le but même que le porteur de la feuille de route se proposait d'atteindre et dans les résultats de son action. S'il ne voulait qu'échapper à la surveillance, la peine de l'officier public qui s'est rendu le complice du faux s'arrête au premier degré ; si le faux a eu pour résultat la perception de sommes qui n'étaient pas dues, et que les sommes ne s'élèvent pas à cent francs, la peine s'élève au deuxième degré; enfin la reclusion lui est appliquée si le préjudice qu'il a contribué à causer atteint ou excède cette somme.

§ III.

Du faux commis dans les certificats.

759. En général, les altérations dont les certificats sont l'objet sont comprises dans la classe commune des faux en écritures et sont punies des mêmes peines. Et quelle serait, en effet, la raison d'en former une catégorie à part? Si le certificat renferme l'obligation ou décharge, si les faits qu'il constate faussement réfléchissent contre des tiers et leur portent préjudice, il doit être mis sur la même ligne que les autres actes ce n'est pas dans la forme des écritures falsifiées, mais dans leur but et dans leurs effets, que la peine doit puiser ses degrés.

TOME 11.

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Mais lorsque les certificats ne peuvent, par leur caractère propre, produire que des effets éloignés ou incertains, lorsqu'ils n'agissent qu'indirectement contre les tiers, lorsque les attestations qu'ils renferment ne portent que sur un fait moral dont l'appréciation est subordonnée à des connaissances spéciales, il est dans la nature des choses de séparer des crimes ordinaires de faux les altérations d'écritures ou de faits dont ces actes sont l'objet, car le préjudice possible qui peut naître d'une action est l'un des éléments les plus puissants de son appréciation morale; et comme, d'un autre côté, les attestations qui s'appliquent à des faits complexes et moraux sont sujettes à des erreurs de bonne foi, il convient, sous ce double rapport, de ne frapper les faux commis dans cette espèce de certificats que d'une pénalité légère. Ce n'est point une exception à la règle générale, ce n'est qu'une application à des actes différents par leur valeur morale et leurs résultats matériels, de règles différentes.

760. La difficulté de la matière, difficulté que la loi pénale n'a résolue que d'une manière imparfaite, est de tracer une ligne précise et invariable entre les certificats dont la falsification est comprise dans la classe commune des faux et constitue un crime, et les certificats dont l'altération ne peut, d'après leur nature et leurs effets, constituer qu'un simple délit.

Notre Code s'est borné à imprimer en général ce dernier caractère aux faux qui sont commis: 1° dans les certificats de maladies ou d'infirmités, soit qu'ils émanent d'un homme de l'art, soit qu'ils soient fabriqués sous son nom par un tiers; 2o dans les certificats de bonne conduite ou d'indigence, ou autres de la même nature, et qui ont pour but d'appeler sur celui qui en fait usage la bienveillance publique, ou de lui procurer des places, du crédit et des secours. Nous commencerons par examiner les caractères particuliers de ces deux espèces de certificats; c'est le moyen le plus sûr d'arriver à la distinction des actes du même genre qui n'y sont pas compris.

761. Les certificats de maladies ou d'infirmités sont considérés sous un double rapport, suivant qu'ils sont fabriqués sous le nom d'un homme de l'art, ou qu'émanant de ce prati

cien lui-même, ils attestent des maladies ou des infirmités qui n'existent pas. La première hypothèse, que la législation antérieure au Code n'avait point prévue, fait l'objet de l'art. 159. Cet article est ainsi conçu : « Toute personne qui, pour se rédimer elle-même ou en affranchir une autre d'un service public quelconque, fabriquera, sous le nom d'un médecin, chirurgien ou autre officier de santé, un certificat de maladie ou infirmité, sera punie d'un emprisonnement d'une année au moins et de trois ans au plus. »

La loi du 13 mai 1863 a substitué dans cet article la peine d'un an à trois ans, à celle de deux à cinq ans. On lit dans l'exposé des motifs : « Une raison commune à presque tous les crimes de ce paragraphe, c'est qu'ils n'ont pas ce caractère marqué de gravité qui ferait un devoir de les maintenir, même au risque d'une répression incertaine ou insuffisante. La modification de l'art. 160 amenait par contre-coup celle de l'art. 159. On ne pouvait conserver dans celui-ci la peine de deux à cinq ans de prison qui aurait été plus forte que celle substituée dans l'autre au bannissement. »>

Il résulte de cette disposition que le délit qu'elle punit repose sur une triple condition: il est nécessaire que le certificat atteste une maladie ou infirmité : c'est cet objet de l'acte qui l'empreint d'un caractère particulier et le soustrait aux peines communes du faux. Il est nécessaire, en second lieu, qu'il soit fabriqué sous le nom d'un médecin, chirurgien ou officier de santé c'est cette usurpation qui seule donne foi aux attestations du certificat. Enfin il est nécessaire que son but soit l'exemption d'un service public: c'est ce but qui forme le préjudice et qui fait le péril de l'acte.

762. Reprenons ces trois conditions. Il faut que le certificat ait pour objet l'attestation d'une maladie ou infirmité; mais est-il nécessaire que cette maladie relatée soit fausse? Ce qui peut faire naître un doute, c'est que l'art. 159 n'exprime pas formellement la nécessité de cette fausseté; mais elle résulte de l'esprit de cet article; car, si la maladie certifiée est réelle, le certificat, bien qu'entaché de faux, ne produira cependant aucun préjudice. En effet, si cette maladie est de nature à motiver l'exemption d'un service public, cette exemption

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