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forcés à temps, encore bien que le faux ait été commis en écri tures publiques, et que la poursuite soit exercée simultanément contre les deux crimes. La raison, que nous avons déjà exprimée au début de ce chapitre, en est que l'usage n'est point ur acte de complicité du faux, qu'il forme un crime distinct, pesible d'une peine spéciale. C'est aussi ce que la Cour de cassation a jugé par un arrêt qui confirme cette distinction, a attendu qu'il ne résulte pas de la déclaration du jury que l'accuse ait concouru à l'acte faux, qu'il a été seulement convaincu d'avoir fait usage sciemment d'une fausse expédition de l'acte fabriqué 1. »

Il en serait ainsi dans le cas même où le faux aurait été commis par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions; car, l'usage n'étant point un fait de complicité, mais un acte distinct, et l'art. 148 ne comportant aucune exception, l'usage qui serait fait par un autre fonctionnaire de cet acte faux ne pourrait entraîner d'autre peine que celle fixée par cet article.

733. Au reste, une règle générale est que celui qui a fait usage d'une pièce fausse ne peut encourir une peine plus grave que celle dont le Code a puni l'auteur du faux. Cette règle repose sur le texte des deux art. 148 et 151, qui établissent une relation formelle entre l'usage et la nature du faux. Il en résulte la nécessité de constater tous les éléments du faux principal avant de pouvoir déterminer la nature de l'usage. Ainsi l'art. 151 ne peut être appliqué qu'autant que le faux en écriture privée renferme les éléments caractéristiques du crime ; ainsi la peine plus grave de l'art. 148 ne peut être infligée que dans le cas où la circonstance aggravante de l'écriture authentique ou commerciale est en outre constatée. Il ne suffirait donc pas que l'usage d'un billet à ordre constituât en lui-même une opération commerciale, pour que l'application de l'art. 148 fût justifiée; il faut nécessairement que ce billet soit un acte de commerce car, s'il ne constitue qu'une obligation civile, par exemple s'il n'émane pas d'un négociant, et n'est pas né d'une opération commerciale, la négociation qui en est faite par un

1 Cass., 15 oct. 1813, Bull. p. 537.

2 Cass., 24 janv. et 19 sept. 1828, Bull. p. 43 et 795.

commerçant ne peut en altérer la nature; elle ne peut constituer que l'usage d'une fausse obligation privée, et non d'une écriture de commerce; dès lors le fait de cet usage demeure dans les termes de l'art. 151.

La Cour de cassation a confirmé cette distinction, en se fondant également sur ce que « les art. 148 et 151 assimilent les actes faux à la fabrication même de ces actes; d'où il résulte que, quelle que soit la nature de la négociation à l'occasion de laquelle un individu a fait usage d'une pièce fausse, il ne peut encourir une peine plus grave que celle dont le Code pénal a puni le faussaire; qu'ainsi, si le faux principal n'est pas en écriture de commerce, l'usage, même fait par un négociant, de cette obligation civile, et pour un fait de commerce, ne peut encourir les peines de l'usage d'un faux commercial 1. »

734. Aux termes de l'art. 164 du Code, la peine accessoire de l'amende est applicable non-seulement aux auteurs du faux et à leurs complices, mais encore à ceux qui ont fait usage de la pièce fausse; car, en mesurant la quotité de l'amende sur le bénéfice que le faux était destiné à procurer à ces divers agents, la loi a suffisamment manifesté l'intention de les comprendre dans le nombre des coupables qui sont passibles de cette amende.

En était-il de même à l'égard de l'exposition publique ? Cette seconde peine accessoire (avant qu'elle fût abolie) s'étendaitelle aux individus qui ont fait usage de la pièce fausse comme aux auteurs mêmes de cette pièce? La raison de douter se puisait dans les termes de l'art. 165, qui, loin de faire aucune mention des individus qui ont fait usage d'une pièce fausse, n'appliquait l'exposition publique qu'aux faussaires condamnés soit aux travaux forcés, soit à la reclusion. Or qu'est-ce qu'un faussaire, dans le sens naturel de ce mot ? C'est celui qui a fait un acte faux, qui a commis une altération dans un acte. L'expression de la loi semblait donc exclure de sa disposition les individus qui, sans être faussaires, c'est-à-dire auteurs du faux, n'avaient fait que se servir de l'acte falsifié.

Cependant il est fort douteux que cette interprétation fût

1 Cass., 6 avril 1827, Bull. p. 201; Cass., 22 juin 1832, Bull. p. 317.

conforme à l'esprit de la loi. Le législateur a voulu renfermer dans l'expression de faussaire tout individu condamné pour fabrication ou usage de faux; s'il s'est exprimé inexactement, son intention ne ressort pas moins des diverses dispositions de la loi. L'exposé des motifs portait : « Dans les cas où la confiscation n'est pas prononcée, les auteurs du faux, leurs complices, ou ceux qui en auraient fait usage sciemment, seront condamnés à une amende dont le maximum sera du quart du bénéfice illégitime que le faux leur aura procuré; et dans le cas où la peine du faux sera afflictive ou infamante, elle sera accompagnée de la marque. » Ces paroles indiquent déjà que le législateur n'avait point entendu restreindre la marque dans des limites plus étroites que l'amende. Lorsqu'on remarque ensuite que le Code a complétement assimilé la fabrication et l'usage du faux, et les a confondus dans la qualification et dans la peine, on ne peut s'empêcher de penser qu'il eût été contraire à son système de soustraire à l'exposition des agents coupables d'avoir fait usage du faux. Enfin, la place que l'article 165 occupe parmi les dispositions communes à toute la section du faux, achève de démontrer que le législateur n'a pas voulu faire de distinction parmi les crimes qui sont rangés dans la classe du faux, et qu'à ses yeux tous les condamnés, soit pour altération d'actes, soit pour usage des actes altérés, sont des faussaires.

Cette opinion, à laquelle le texte paraît, quoique assez faiblement, résister, nous semble seule exprimer l'intention qui a présidé à sa rédaction. La jurisprudence de la Cour de cassation s'y est constamment conformée. Ses arrêts se fondent sur un double motif. Les uns s'appuient sur ce que « l'art. 151, en disposant que celui qui a fait usage de la pièce fausse sera puni de la même peine que l'auteur du faux, les assimile entièrement, et les confond l'un et l'autre dans l'application de la peine, comme dans la qualification du crime; que le crime d'avoir fait sciemment usage d'une pièce fausse est classé dans le Code sous la rubrique du faux, comme la fabrication d'une pièce fausse; que ces deux crimes, ainsi confondus par la loi dans leur qualification comme dans la peine dont ils sont déclarés passibles, sont donc réputés identiques; que l'auteur de

l'usage fait sciemment d'une pièce fausse est donc aussi réputé faussaire; que conséquemment la marque (aujourd'hui abrogée) doit être infligée à celui qui a fait usage de la pièce fausse, comme à celui qui l'a fabriquée 1. »

D'autres arrêts sont arrivés à la même solution, en la motivant sur ce que « tous les articles du Code (qui s'appliquent à la fabrication et à l'usage) sont placés sous la section première (intitulée du faux) du chapitre 3 du titre 1er du livre 3 du Code pénal; que la loi ayant voulu que les art. 164 et 165 fussent communs aux dispositions des articles précédents qui sont contenus dans ladite section 1°, il s'ensuit nécessairement que les peines prononcées par les art. 164 et 165 doivent être ajoutées à celles portées par les art. 148 et 151 contre ceux qui font sciemment usage d'une pièce fausse'. »

735 Nous terminerons ici nos observations sur l'usage du faux le petit nombre de questions que cette matière a soulevées trouvent leur solution dans les principes que nous avons établis.

Nous avons successivement parcouru, dans les quatre chapitres qui précèdent et dans celui-ci, les caractères généraux des faux en écritures, la division de ces crimes, les caractères spéciaux des faux en écritures publiques, commerciales et privées, enfin les éléments du crime distinct d'usage des actes altérés. Nous avons essayé d'enchaîner cette immense matière sous le joug de quelques règles précises, et de ramener les dispositions vagues de la loi, et les décisions multiples et variées qu'elle a suscitées, à quelques points fixes, féconds dans l'application. Il nous reste encore, pour compléter cette matière, à nous occuper des faux qualifiés simples délits.

1 Cass., 1er août 1816, Bull. p. 113. 2 Cass., 8 fév. 1812, Bull. p. 46.

CHAPITRE XXIX.

DU FAUX COMMIS DANS LES PASSE-PORTS, FEUILLES DE ROUTE ET CERTIFICATS.

(Commentaire des art. 153 à 162 du Code pénal.)

736. Caractère général des faux dont il est question dans ce chapitre. 737. Application à ces faux des règles générales précédemment exposées.

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738. Exposition historique de cette matière.

739. Double addition apportée à l'art. 153 par la loi du 13 mai 1863. Incrimination des faux permis de chasse

740. L'intention frauduleuse est un des éléments du délit prévu par l'art. 153. 741. Fabrication ou falsification du passe-port.

742. L'art. 153 s'applique-t-il aux passe-ports délivrés à l'étranger ?

743. Usage du passe-port fabriqué ou falsifié.

744. S'il y a exception à l'égard des vagabonds et mendiants.

745. S'il y a fa'sification dans le seul fait de fabriquer ou de falsifier le visa du passe-port.

746. De la suppression du nom, des prénoms ou des qualités dans un passe-port (art. 154).

747. Usurpation de la fausse qualité de femme mariée.

748. L'usage du passe-port délivré sous un nom supposé ne constitue aucun

délit.

749. Inscription des voyageurs sous des noms supposés par les hôteliers et aubergistes (2 paragraphe de l'art. 154).

750. Délivrance du passe-port par un officier public sous un nom supposé

(art. 155).

751. L'officier public qui fait délivrer le passe-port est punissable. Addition faite par la loi du 13 mai 1863.

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752. Dispositions antérieures sur cette matière.

753. Délit de fabrication ou d'usage d'une feuille de route fausse ou falsifiée

(art. 156).

784. De la lacération d'un fragment de la feuille de route.

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