Page images
PDF
EPUB

merce, et que le souscripteur fût négociant'; - enfin, lorsqu'il n'est pas établi, soit que le billet ait pour cause une opération de commerce, soit que le souscripteur fût commerçant'.

725. Nous avons vu que le Code de commerce considérait comme écritures commerciales d'autres actes que les lettres de change et les billets à ordre: tels sont les livres de commerce, auxquels la loi a conféré une sorte d'authenticité; telles sont les lettres adressées de marchand à marchand et contenant demande de marchandises, et les quittances données par un banquier dans une opération de commerce; tels sont encore les inventaires dressés par les commerçants, lorsqu'ils cherchent par des altérations matérielles à dissimuler vis-à-vis de leurs créanciers leur véritable situation'; les livres et registres dont la tenue importe à l'exploitation d'un chemin de fer'; les comptes entre associés, lorsqu'ils ont pour objet une opération de commerce; les registres des commissionnaires du montde-piété'; les obligations communales du Crédit foncier, comme constituant des titres négociables". Ces différentes écritures, quoiqu'elles diffèrent essentiellement des effets transmissibles, doivent néanmoins être réputées écritures de commerce, dans le sens de l'art. 147 du Code pénal, puisque cet article ne fait nulle distinction, et qu'on est dès lors forcé, ainsi que nous l'avons déjà fait observer, de s'en référer aux définitions du Code de commerce. Il a même été jugé qu'une simple lettre missive peut être considérée comme une écriture commerciale, quand elle a pour objet soit de faciliter la négo

1 Cass., 20 nov. 1856, Bull. n. 361.

Cass., 19 fév. 1857, Bull. n. 68.

3 Cass., 28 avril 1838, Bull. n. 116; 26 juin 1841, Bull. n. 191, Devill., 1842. 1, p. 246; 7 mai 1863, Bull. n. 160; 12 sept. 1867, Bull. n. 210; 15 mars 1872.

Cass., 18 juin 1831, Journ. du dr. crim., 1831, 273.

p.

5 Cass., 28 mai 1825, Bull. p. 293; 19 août 1830, Journ. du dr. crim.,

1830, p. 267.

6 Cass., 25 août 1853, Bull. n. 245; 26 juin 1857, Bull. n. 243.

7 Cass., 19 avril 1853, Bull. n. 148.

Cass., 24 janv. 1856, Bull. n. 32; 15 mars 1872.

Cass., 23 déc. 1853, Bull. n. 594.

10 Cass., 5 mai 1870, Bull. n. 99.

ciation d'un billet', soit de réclamer le paiement d'une dette commerciale. Mais il faut prendre garde qu'une lettre missive ne peut être considérée comme écriture commerciale par cela seul qu'elle porte la signature d'un commerçant : la présomption de l'art. 638 ne s'applique pas à une lettre qui ne constitue ni un titre ni une obligation; elle ne peut prendre le caractère commercial que lorsqu'elle se rattache à la profession du commerçant.

726. Telles sont, en général, les écritures qui sont réputées commerciales. Nous avons déjà vu, au sujet de la qualification des écritures publiques, qu'il n'appartient point au jury d'apprécier en principe si les écritures dans lesquelles le faux est intervenu sont de telle ou telle nature: cette question est une question de droit qui excéderait sa compétence, et qui dépasserait à la fois les connaissances que la loi a dû lui supposer. En effet, la valeur légale de l'écrit altéré ne peut être jugée que d'après les principes de la loi civile ou commerciale. que le jury ne peut pas connaître et qu'il ne doit pas invoquer'. Mais il doit, à peine de nullité, déclarer toutes les circonstances constitutives de l'écriture commerciale. Ainsi, lorsque le faux a été commis dans une lettre de change, le jury doit constater l'existence de cette lettre de change; s'il a été commis dans un billet à ordre, il doit déclarer ou que ce billet a été souscrit par un individu ayant la qualité de commerçant, ou que l'opération à laquelle il se rattachait était une opération de commerce. Et c'est seulement sur ces éléments ainsi constatés que la Cour d'assises doit légalement caractériser l'écriture.

Ces principes n'ont point été méconnus par la Cour de cassation. En conséquence, elle a jugé en propres termes que le crime est dépourvu de toute base, lorsque le jury n'a pas reconnu tous les faits constitutifs de l'écriture commerciale, et

1 Cass., 12 sept. 1839, Bull. n. 295, Dev.40.1.251.

2 Cass., 4 juin 1859, Bull. n. 143.

3 Cass., 7 oct. 1825, Bull. p. 555; 1er avril 1826, Bull. p. 157 ; 26 janv. 1827, Bull. p. 45; 4 déc. 1828, Journ. du dr. crim., 1829, p. 127; 2 avril 1831, ibid., 1831, p. 238; 5 janv. 1833, ibid., 1833, p. 13.

Cass., 16 nov. 1839, Bull. n. 368; 23 juill. 1864, n. 342; 16 juin 1863, n. 129.

que, par exemple, il doit constater, à peine de nullité, si les effets falsifiés sont des lettres de change, ou, dans le cas où ces effets sont des billets à ordre, si la signature qu'ils portent est celle du commerçant, et s'ils puisent leur cause dans une opération commerciale '.

Il ne suffit donc pas que le billet à ordre altéré porte valeur en marchandises; s'il n'est pas déclaré que le signataire avait la qualité de commerçant ou que le billet provenait d'un fait de commerce, l'écriture n'est plus qu'une écriture privée'. Il ne suffit pas que le billet soit stipulé payable dans un lieu autre que celui de sa souscription pour constituer la remise de place en place dont parle l'art. 632 du Code de commerce, il faut que cette remise ait pour objet une opération de commerce ou de banque. Il en est de même à l'égard de l'accusé qui est déclaré coupable d'avoir commis un faux en écriture en fabriquant un faux billet à ordre; il est évident que cette déclaration n'établit qu'un faux en écriture privée, puisque le billet n'est déclaré par le jury ni l'œuvre vraie ou supposée d'un commerçant, ni le résultat d'un acte de commerce".

Mais il suffit qu'il soit déclaré, ainsi que nous l'avons reconnu plus haut, que le faux billet a été souscrit par un commerçant, pour que l'écriture soit commerciale : « attendu qu'aux termes de l'art. 638 du Code de commerce, les billets souscrits par un négociant sont censés faits pour son commerce, à moins qu'une autre cause n'y soit énoncée; qu'ainsi le fait d'avoir fabriqué un faux billet souscrit de la fausse signature d'un commerçant, constitue le faux prévu par l'art. 157 du Code de commerce. »

Il y a également faux de la même nature dans le fait reconnu

1 Cass., 26 janv. 1826, Bul. p. 45; 15 juin 1827, Bull. p. 504; 26 déc. 1828, Journ. du dr. crim., 1829, p. 120; 14 juin 1832, ibid., 1832, p. 193; 5 janv. 1833, ibid., 1833, p. 13, etc.

2 Cass., 2 avril 1835, Journ. du dr. crim., 1835, p. 217.

3 Cass., 27 août 1863, Bull. n. 231; 23 janv. 1864, n. 22.

Cass., 18 juin 1831, ibid., 1831, p. 273.

Cass., 9 juill. 1835, Journ. du dr. crim., 1835, p. 313; 16 juin 1865 Bull. n. 129.

constant d'avoir fabriqué une lettre adressée à un marchand sous le nom d'un autre marchand, et contenant demande de marchandises'. Car, d'une part, cette lettre est évidemmeut commerciale, de l'autre, elle oblige celui dont elle porte la signature; et nous avons vu précédemment que tous les écrits relatifs au commerce devaient rentrer dans les écritures de commerce énoncées par l'art. 147, pourvu d'ailleurs qu'ils renferment obligation ou décharge, ou qu'ils soient destinés à constater le fait objet de l'altération. Les mêmes motifs s'appliquent à l'addition frauduleuse, dans une quittance donnée de commerçant à commerçant, d'une deuxième quittance intercalée dans la première2; à la falsification de ses registres de commerce, par un individu commerçant dans ces diverses hypothèses, la qualité de commerçant domine le fait et lui impose sa qualification.

Si l'écriture émane d'un individu non commerçant, le jury est appelé à apprécier la nature de l'opération qui a donné lieu à cette écriture. A la vérité, cette appréciation constitue souvent une véritable question de droit; mais il est possible d'éviter cet écueil en demandant au jury, non pas si tel acte est un acte de commerce, mais si tel achat de marchandises a été fait pour les revendre; si telle opération a eu pour objet une entreprise commerciale, etc.

Toutes les circonstances du fait appartiennent exclusivement au jury: l'auteur du faux ne peut donc être réputé commerçant qu'autant qu'il a été déclaré tel par les jurés. A la vérité, cette qualité n'est poimt décisive de la nature du faux luimême; la nature du faux ne se détermine pas par la qualité de la personne qui l'a commis, mais par les caractères intrinsèques de l'acte ou de l'écriture falsifiés; mais elle peut exercer quelque influence sur cette appréciation, et dès lors rentre dans le domaine du jury*.

Telles sont les règles spéciales qui s'appliquent aux faux

1 Cass., 2 avril 1831, ibid, 1831, p. 238.

2 Cass., 19 août 1830, Journ. du dr. crim., 1830, p. 267.

3 Cass., 27 janv. 1827, Bull., p. 50.

Cass., 5 janv. 1833 et 12 déc. 1832, Journ. du dr. crim., 1833,

p.13.

449

CHAP. XXVI. FAUX EN ÉCRITURES DE COMMERCE. commis dans des écritures de commerce; elles se bornent à la constatation des circonstances élémentaires de cette espèce de faux. L'aggravation de la peine est subordonnée à l'existence de ces circonstances; si elles ne sont pas déclarées constantes, le faux peut subsister encore, mais seulement en écriture privée.

TOME II.

29

[ocr errors][ocr errors]
« PreviousContinue »