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articles qui font l'objet de ce paragraphe. A l'exercice de quels droits civiques s'appliquent-ils? Faut-il les restreindre aux droits qui sont exercés en vertu de la constitution de l'Etat ? D'abord, il est évident, d'après leur texte, d'après la nature des incriminations qui en font l'objet, que le seul but de ces articles a été de protéger le droit de suffrage dans les élections; c'est le premier des droits politiques du citoyen qui seul a préoccupé l'attention du législateur : c'est le seul aussi peut-être qui appelât une protection spéciale. Mais cette protection s'étend-elle à toutes les élections auxquelles sont appelés les citoyens? Ne comprend-elle, au contraire, que les seules élections politiques? D'une part, la rubrique du chapitre semble limiter l'effet de ses dispositions aux délits contre la constitution; d'un autre côté, les termes des articles sont généraux, et s'étendent à toutes les élections où les citoyens concourent. Nous pensons que la sanction de ces articles doit s'appliquer non-seulement à l'élection des membres de la Chambre des députés au Corps législatif, mais encore à toutes les institutions qui ont pour base l'élection et qui prennent leur source dans la loi fondamentale: telles sont les élections départementales et municipales, instituées en exécution de l'art. 69 de la charte de 1830 telles sont encore les élections des officiers de la garde nationale, qui avaient lieu en vertu du même article. Il suffit que ces institutions dérivent de la constitution pour que les suffrages qui les alimentent doivent être protégés par les dispositions pénales du Code; et ces dispositions sont elles-mêmes tellement illimitées, que, pour les en exclure, il faudrait élever une distinction arbitraire: cette distinction est dans la charte elle-même; l'application des art. 109 et suivants du Code est naturellement limitée aux élections qui dérivent de la loi constitutionnelle.

526. Les cinq articles qui précèdent ont été reconnus insuffisants pour protéger la liberté des élections: la loi du 15 mars 1849 les a complétés. Cette loi, que le décret du 2 février 1852 avait remplacée, a été rétablie par le décret du 6 octobre 1870. Mais ce décret n'ayant pas été légalement promulgué, il a été reconnu, par un arrêt du 1er septembre 1871, que le décret du 2 février 1852 était encore applicable.

Voici le texte des dispositions pénales qui forment le titre IV de ce décret :

« Art. 31. Toute personne qui se sera fait inscrire sur la liste électorale sous de faux noms ou de fausses qualités, ou aura, en se faisant inscrire, dissimulé une incapacité prévue par la loi, ou aura réclamé et obtenu une inscription sur deux ou plusieurs listes, sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 100 à 1,000 fr.- Art. 32. Celui qui, déchu du droit de voter, soit par suite d'une condamnation judiciaire, soit par suite d'une faillite non suivie de réhabilitation, aura voté, soit en vertu d'une inscription sur les listes antérieures à sa déchéance, soit en vertu d'une inscription postérieure, mais opérée sans sa participation, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d'une amende de 20 à 500 fr. Art. 33. Quiconque aura voté dans une assemblée électorale, soit en vertu d'une inscription obtenue dans les deux premiers cas prévus par l'art. 31, soit en prenant faussement les noms et qualités d'un électeur inscrit, sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 200 à 2,000 fr. Art. 34. Sera puni de la même peine, tout citoyen qui aura profité d'une inscription multiple pour voter plus d'une fois. — Art. 35. Quiconque étant chargé, dans un scrutin, de recevoir, compter ou dépouiller les bulletins contenant les suffrages des citoyens, aura soustrait, ajouté ou altéré des bulletins, ou lu un nom autre que celui inscrit, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 500 à 5000 fr. Art. 36. La même peine sera appliquée à tout individu qui, chargé par un électeur d'écrire son suffrage, aura inscrit sur le bulletin un nom autre que celui qui lui était désigné. -Art. 37. L'entrée dans l'assemblée électorale avec armes apparentes est interdite. En cas d'infraction, le contrevenant sera passible d'une amende de 16 à 100 fr. La peine sera d'un emprisonnement de 15 jours à 3 mois et d'une amende de 50 à 300 fr., si les armes étaient cachées. Art. 38. Quiconque aura donné, promis ou reçu des deniers, effets ou valeurs quelconques, sous la condition soit de donner ou de procurer un suffrage, soit de s'abstenir de voter, sera puni d'un emprisonnement de 3 mois à 2 ans et d'une amende

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de 500 à 5,000 fr. Seront punis des mêmes peines ceux qui, sous les mêmes conditions, auront fait ou accepté l'offre ou la promesse d'emplois publics ou privés. Si le coupable est fonctionnaire public, la peine sera du double. - Art. 39. Ceux qui, par voies de fait, violences ou menaces contre un électeur, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à s'abstenir de voter, ou auront influencé un vote, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 100 à 1,000 fr.; la peine sera du double, si le coupable est fonctionnaire public. — Art. 40. Ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 100 à 2,000 fr. — Art. 41. Lorsque par attroupement, clameurs ou démonstrations menaçantes, on aura troublé les opérations d'un collége électoral, porté atteinte à l'exercice du droit électoral ou à la liberté du vote, les coupables seront punis d'un emprisonnement de 3 mois à 2 ans et d'une amende de 100 à 2,000 fr.― Art. 42. Toute irruption dans un collége électoral, consommée ou tentée avec violence, en vue d'empêcher un choix, sera punie d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 1,000 à 5,000 fr.- Art. 43. Si les coupables étaient porteurs d'armes ou si le scrutin a été violé, la peine sera la reclusion. Art. 44. Elle sera les travaux forcés à temps, si le crime a été commis par suite d'un plan concerté pour être exécuté soit dans toute la république, soit dans un ou plusieurs départements, soit dans un ou plusieurs arrondissements.-Art. 45. Les membres d'un collége électoral qui, pendant la réunion, se seront rendus coupables d'outrages ou de violences, soit envers le bureau, soit envers l'un de ses membres, ou qui, par voies de fait ou menaces, auront retardé ou empêché les opérations électorales, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 100 à 2000 fr. Si le scrutin a été violé, l'emprisonnement sera d'un an à cinq ans et l'amende de 1,000 à 5,000 fr. Art. 46. L'enlèvement de l'urne contenant les suffrages émis et non encore dé

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pouillés sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 1,000 à 5,000 fr. Si cet enlèvement a été effectué en réunion ou avec violence, la peine sera la reclusion. — Art. 47. La violation du scrutin faite soit par les membres du bureau, soit par les agents de l'autorité préposés à la garde des bulletins non encore dépouillés, sera punie de la reclusion. Art. 48. Les crimes prévus par la présente loi seront jugés par la Cour d'assises, et les délits par les tribunaux correctionnels. L'art. 463 du Code pénal pourra être appliqué.-Art. 49. En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits prévus par la présente loi, et commis antérieurement au premier acte de poursuite, la peine la plus forte sera seule appliquée. - Article 50. L'action publique et l'action civile seront prescrites après trois mois, à partir du jour de la proclamation du résultat de l'élection. Art. 52. Les lois antérieures sont abrogées en ce qu'elles ont de contraire aux dispositions de la présente loi. »

527. Plusieurs questions, dont quelques-unes, nées avant les lois des 15 mars 1849 et 2 février 1852, peuvent se reproduire sous l'empire de ces lois, doivent être relatées ici.

Le membre du bureau qui ajoute frauduleusement sur la feuille de dépouillement du scrutin un chiffre mensonger au chiffre des suffrages obtenus par un candidat, est-il atteint par les termes de la loi pénale? Ce fait n'est positivement prévu ni par les art.111 et 112 du Code pénal ni par l'art.102 de la loi du 15 mars 1849, ni par l'art. 35 du décret du 2 février 1852. Mais la Cour de cassation avait déclaré, par un arrêt du 15 juin 1848, « que ce serait méconnaître le sens des art. 111 et 112 et rendre vaine la disposition de la loi, que d'en refuser l'application à l'acte qui, sans porter directement sur les billets contenant les suffrages, aurait eu néanmoins pour résultat manifeste d'altérer le chiffre du dépouillement du scrutin ; que le fait d'ajouter sur une feuille employée au recensement des suffrages un nombre de suffrages non exprimés, de manière à élever les votes obtenus par un candidat à un chiffre supérieur à celui qui lui appartenait, est un acte équivalent à celui que produirait l'addition aux billets émanant des électeurs des billets fabriqués; qu'augmenter matériellement le nombre des

billets contenant les suffrages, ou augmenter, par des signes destinés à les représenter, le chiffre qui, dans le contrôle final de l'opération de l'élection, doit déterminer la quotité de ces suffrages, c'est réaliser également la fraude que la loi a voulu punir'. » Cette solution devrait encore être suivie; car il est plus conforme à l'esprit de la loi de considérer l'altération du chiffre des suffrages comme une addition ou une soustraction de bulletins, que de la considérer, ce qui aurait pu être soutenu, comme la falsification d'une écriture ayant pour objet de constater un fait.

L'admission faite sciemment d'électeurs rayés de la liste rentre dans les termes de l'art. 102 de la loi du 15 mars 1849 et de l'art. 35 du décret du 2 février 1852. Si, dans ce cas, celui qui est chargé de recevoir les suffrages n'a pas jeté de faux bulletins dans l'urne, il a commis un acte qui a les mêmes effets, il a admis de faux électeurs, il a par conséquent ajouté les bulletins de ces électeurs au scrutin, il en a altéré la sincérité; c'est la même fraude et le même résultat, le délit ne peut être douteux. C'est ainsi que l'a jugé la Cour de cassation.

La Cour de cassation a également jugé, sous l'empire du Code pénal, « que des prévenus qui ont contraint par violence le maire à livrer la clef du scrutin électoral, qui ont brisé les scellés et brûlé les bulletins restants et les feuilles du dépouillement des bulletins recensés, se sont rendus passibles des peines prononcées par l'art. 109, puisqu'ils ont, en annulant un scrutin, empêché l'élection, et conséquemment empêché les citoyens d'exercer leurs droits civiques. » Ce fait rentrerait aujourd'hui dans les termes des art. 112 et 113 de la loi du 15 mars 1849 et 45 et 46 du décret du 2 février 1852.

Enfin la Cour de cassation avait jugé que la loi du 15 mars 1849 ne pouvait être étendue aux élections départementales et municipales, parce que, ainsi que le décret du 2 février 1852 l'a fait depuis, elle ne s'occupait que des élections politiques, et « que les lois pénales doivent être renfermées dans leurs

1 Cass., 15 juin 1848, Bull. n. 180.

2 Cass., 22 déc. 1871.

3 Cass., 18 janv. 1849, Bull. n. 12.

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