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dispositions la conséquence de l'art. 100 ne pouvait servir d'excuse ni aux auteurs ou complices des crimes prévus par les art. 86, 87 et 91, ni à ceux qui se sont rendus coupables des crimes définis et réprimés par la loi spéciale et postérieure du 24 mai 1834, la Cour d'assises n'a fait qu'une saine interprétation de l'art. 1001. » Il résulte de cet arrêt que, toutes les fois que la bande a eu pour objet les crimes prévus par les art. 86, 87 et 91, ou toutes les fois que l'un de ses membres s'est rendu personnellement coupable de l'un des faits prévus par la loi du 24 mai 1834, l'art. 100 cesse d'être applicable.

506. Il nous reste l'examen de l'art. 99, qui porte: « Ceux qui, connaissant le but et le caractère desdites bandes, leur auront, sans contrainte, fourni des logements, lieux de retraite ou de réunion, seront condamnés à la peine des travaux forcés à temps. » Cet article, qui doit être conféré avec les art. 61 et 268 du Code, prévoit, comme eux, un cas de complicité par recélé; il faut même, pour son application, que cette complicité soit complétement établie, car l'une des conditions de la peine. est que les recéleurs aient connu le but et le caractère de la bande. De là il suit que, dans l'esprit de l'article, quoiqu'il garde le silence à cet égard, il est nécessaire que les lieux de retraite ou de réunion aient été fournis habituellement; car le fait d'avoir reçu l'association une seule fois n'indiquerait point une complicité suffisante, et la peine des travaux forcés serait excessive pour un tel délit. Une deuxième conséquence est que cette peine ne semble point en harmonie avec le crime auquel elle est appliquée; en effet, dès qu'il s'agit d'un acte de complicité du crime prévu par les art. 96, 97 et 98, il s'agit d'un crime politique, et dès lors la peine devrait être la détention. Il est à remarquer que le projet de l'art. 99 portait: « Ceux qui auront obéi à ces bandes ou à partie de ces bandes. » La suppression de ces derniers mots doit-elle faire penser que le crime n'existe qu'autant que le logement a été fourni à la bande entière? Ce qui nous porterait à adopter l'affirmative, c'est que le recélé d'une bande organisée fait plutôt présumer dans le recéleur la connaissance du but et du caractère de ces bandes.

1 Cass., 15 nov. 1855, Bull. n. 356.

Cependant, si cette connaissance est établie par d'autres circonstances, nous ne pensons pas que l'absence ou le défaut de quelques membres de l'association pût faire obstacle à l'application de la peine.

§ III.

Quels instruments sont réputés armes.

507. Après avoir défini les crimes commis par des bandes armées, le législateur a dû déterminer quels objets seraient considérés comme des armes, et il a saisi cette occasion de poser une règle générale qui s'applique à tous les crimes commis avec des armes, et qui par conséquent domine tout le Code. Nous ne nous écarterons point ici de ce plan, et nous allons examiner, dans ce paragraphe, quelle est, d'après la loi et la jurisprudence, la signification du mot armes.

Tous les législateurs ont considéré l'usage ou même la simple possession d'une arme comme une circonstance aggravante de certains délits. On trouve, en effet, dans cette possession ou cet usage l'indice d'une intention plus coupable qui confère à l'action un caractère plus grave. Dans la plupart des cas, cette circonstance a eu pour résultat l'aggravation de la peine; dans quelques hypothèses spéciales, elle a suffi pour entraîner l'accusé devant une juridiction extraordinaire. C'est ainsi que l'article 9 de la loi du 18 pluviôse an ix attribuait à des tribunaux spéciaux la connaissance des vols commis dans les campagnes, lorsqu'ils l'avaient été avec port d'armes, et que la loi du 13 floréal an xi plaçait dans les attributions des cours spéciales les délits de contrebande commis avec attroupement et port d'armes. Dans l'état actuel de la législation, le port d'armes peut encore modifier le caractère du fait, en imprimant à un délit correctionnel le caractère du crime; mais cette circonstance n'a en général d'autre effet que de faire aggraver la quotité de la peine. Il n'est pas moins important de préciser les objets que la loi répute des armes.

Les fragments du Digeste renferment plusieurs définitionsqui se confondent peut-être au fond, mais qui diffèrent essentiellement dans l'expression. Ainsi, d'abord, on trouve cette énumécation: Arma sunt omnia tela, hoc est, et fustes et lapides;

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non solum gladii, haste, frameæ, id est, romphœœ1. On lit encore dans un autre fragment: Armorum appellatio non utique scuta et gladios et galeas significat, sed et fustes et lapides. Mais Gaïus a formulé cette définition avec plus de précision: Teli appellatione et ferrum et fustis et lapis et denique omne quod nocendi causâ habetur, significatur. Il suit de ces termes que l'arme puise son caractère non pas tant dans la matière qui la forme que dans l'usage auquel elle est destinée; tout ce qui peut nuire, omne quod nocendi causâ habetur, tous les objets avec lesquels on peut tuer ou blesser peuvent devenir des armes. Cette définition, plus générale dans les termes, est cependant plus restrictive que les premières, par le but moral qu'elle exige dans la possession d'un objet pour que cet objet soit réputé une arme.

508. L'ancienne législation n'a défini ce qu'elle entendait par des armes, que pour en interdire le port: les armes défendues étaient les armes à feu, les dagues, épées, poignards et bâtons ferrés, balles de plomb au bout d'une courroie; mais les simples bâtons, les cannes et les pierres n'étaient pas compris et ne pouvaient l'être sous ce nom. Le Code pénal de 1791 n'avait donné aucune explication; mais les lois du 13 floréal an xi et du 19 pluviôse an xш renfermaient une disposition identique ainsi conçue: «Le délit sera réputé commis avec armes, lorsqu'il aura été fait avec fusil, pistolets et autres armes à feu, sabres, épées, poignards, massues, et généralement avec tous instruments tranchants, perçants ou contondants. Ne seront pas réputés armes, les cannes ordinaires sans dard ni ferrement, ni les couteaux fermants et servant habituellement aux usages ordinaires de la vie. » L'art. 101 du Code pénal s'est éloigné de cette disposition, d'abord en ce que, dans son premier paragraphe, il donne au mot armes un sens plus étendu; ensuite, en ce qu'il range dans la catégorie des armes

1 L. 3, § 2, Dig. de vi et vi armatâ.

2 L. 41, Dig. de verb. significatione. 3 L. 54, § 2, Dig. de furtis.

4 Ord. de 1487; décr. du 9 mai 1539, art. 1er et 5, du 5 août 1560; éd. du 20 oct. 1561, art. 3; décl. du 19 août 1563, du 4 déc. 1679; ord. du 9 sept. 700, et du 2 juill. 1716.

les couteaux de poche et les cannes simples, lorsqu'il en a été fait usage. En voici le texte : « Sont compris dans le mot armes, toutes machines, tous instruments ou ustensiles tranchants, perçants ou contondants. Les couteaux et ciseaux de poche, les cannes simples, ne seront réputés armes qu'autant qu'il en aura été fait usage pour tuer, blesser ou frapper. »

La commission du Corps législatif avait proposé de simplifier cette disposition. «Comme les termes en sont généraux, porte son rapport, qu'on n'y trouve pas les armes à feu ou à vent, que le mot machines peut donner lieu à des interprétations arbitraires, la commission croit que le premier paragraphe ne serait pas nécessaire, et qu'il suffirait de s'en tenir au second. » Mais le conseil d'Etat pensa qu'en substituant les mots sont compris aux mots sont désignés, que portait le projet, on remédierait à l'inconvénient signalé par la commission: cette modification fit conserver le premier paragraphe.

509. Avant d'examiner les difficultés que l'interprétation de l'art. 101 a fait naître, il est important de poser une règle générale : c'est que cet article ne fait qu'établir une présomption légale que la preuve contraire peut toujours combattre. En saisissant dans la main des coupables des machines, des instruments propres à exécuter leur dessein, la loi suppose qu'ils avaient l'intention de les employer à l'exécution, et elle les frappe en conséquence d'une peine plus grave. Mais cette présomption doit céder dès que le prévenu donne à la possession de l'instrument une cause légitime. Ainsi, lorsqu'il est prouvé que cet instrument se trouve accidentellement entre ses mains, et qu'il ne l'a pas pris en vue du délit, sa possession cesse d'être une circonstance aggravante du crime, alors même que la loi comprendrait cet instrument parmi les armes. Tel serait un chasseur qui, dans un accès instantané de colère ou de jalousie, aurait dirigé son arme sur la victime; tel serait encore un ouvrier qui, portant entre les mains les ustensiles de sa profession, se serait accidentellement mêlé à un mouvement insurrectionnel. «Il serait absurde, dit un criminaliste, de prétendre qu'un cordonnier serait un homme armé parce qu'il se trouverait porteur de son tranchet, qu'un tonnelier le serait parce qu'il aurait sa doloire sur l'épaule, et un coupeur de bois,

parce qu'il aurait sa cognée à la main '.» Ce qu'il faut discerner, c'est si le prévenu s'est muni de l'instrument avec le dessein de s'en servir à l'exécution du crime, nocendi causâ. Telle est aussi la distinction faite par les docteurs: Secundùm propriam et strictam armorum significationem, eorum appellatione non veniant nisi ea quæ principaliter secundùm ordinationem naturæ nocere possunt, non autem ea quæ ad alium usum destinata sunt'. Et en effet, ici comme dans toutes les questions criminelles, on doit discuter le fait matériel et l'intention; la possession d'un instrument que la loi classe parmi les armes, et l'intention qui a mis cet instrument dans les mains du coupable. Cette distinction est importante dans le cas même où il en aurait fait usage, puisqu'elle servirait à établir s'il y a eu préméditation.

510. L'art. 101 distingue deux espèces d'armes : les unes dont la seule possession, concomitante avec le délit, peut former une circonstance aggravante de ce délit ; les autres qui ne constituent cette aggravation qu'autant que l'auteur du délit s'en est servi pour tuer, blesser ou frapper. La raison de cette distinction est évidente. Les armes de la première espèce ne sont pas d'un usage ordinaire dans les habitudes de la vie, et dès lors le fait seul de s'en trouver muni semble révéler dans l'auteur du crime la préméditation de s'en servir. Celui qui est arrêté au sein d'une rébellion avec un fusil, un sabre, un pistolet, est présumé avoir pris ces armes pour en faire usage dans la rébellion. Les armes de la seconde espèce, les couteaux, les ciseaux, les cannes simples, ne sont point au contraire, à proprement parler, des armes; ce sont des ustensiles d'un usage journalier. Le rebelle, le voleur lui-même, peut en être muni sans que cette possession révèle la pensée de s'en servir dans la perpétration du délit; c'est l'usage seul qui peut prouver cette pensée.

511. Deux questions se sont élevées sur l'application du mot armes il s'agissait d'y comprendre et les bâtons et les pierres. La première difficulté s'est soulevée sous l'empire de la loi

1 Carnot, Comment., t. 1er, p. 281.

2 Farinacius, quæst. 108, n. 88; Julius Clarus, quæst. 82, in stat. 6, n. 4

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