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fait. Au fond, cette question a les caractères d'une excuse; elle doit donc en produire les effets. La Cour de cassation a consacré cette opinion par deux arrêts successifs'. Toutefois le fait prévu par l'art. 400 n'excuse l'accusé que pour le fait de la sédition: il reste passible des peines qu'il a pu mériter à raison des crimes particuliers qu'il a personnellement commis1. Mais quels sont ces crimes? Doit-on y comprendre ceux de la bande dont il faisait partie? Oui, s'il est constaté qu'il a personnellement trempé dans ces crimes; car ils lui deviennent alors personnels. Mais toute solidarité avec les autres membres de la bande cesse d'exister; ainsi il ne pourrait plus être poursuivi comme complice des crimes commis par la bande, si sa coopération personnelle à ces crimes n'était pas positivement

établie.

L'exemption est limitée à ceux qui, ayant fait partie de ces bandes, n'y ont exercé aucun commandement et rempli aucun emploi ni fonction. Ainsi, point d'excuse pour tout individu qui non-seulement aurait commandé les bandes, mais qui y aurait rempli un emploi quelconque; la loi déploie à son card toute sa sévérité, elle dédaigne son repentir: l'art. 96 ne distingue pas même parmi les chefs, et leur applique à tous uniformément la peine de mort. On doit regretter cette confusion dans la même peine de moralités si diverses; car, en fait de pénalité, plus on subdivise les classes, plus on approche de la justice. On doit regretter surtout que le législateur n'ait pas cru devoir étendre l'atténuation des peines aux chefs mêmes des bandes qui, en se retirant avant tout commencement d'exé cution, manifesteraient leur repentir. « Pourquoi, a dit un criminaliste, les forcer à persister dans le crime par la nécessité de défendre leur vie ? Pourquoi les forcer à continuer l'emploi de tous leurs moyens de séduction et d'influence, et à entraîner sur leurs pas des complices et des victimes?» Toutefois notre pensée n'est pas qu'on dût ranger sur la même ligne, faire jouir de la même exemption, et les chefs et les simples membres des bandes. Mais le même principe peut les protéger

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1 Cass., 2 mai et 3 oct. 1833, Jɔɔrn da Ir. rim, 1 »33, p. 393 et 538. Cass, 15 nov. 1858, Buil. n. 356.

également, sauf à donner à l'atténuation de la peine des conditions et des degrés différents.

504. Les conditions de l'exemption que prononce l'art. 100 sont au nombre de deux : la première est que les individus qui ont fait partie de la bande se soient retirés au premier avertissement des autorités civiles ou militaires, ou même depuis. Quelle doit être la forme de cet avertissement? Le Code pénal ne l'ayant pas expliqué, on doit penser qu'il s'est référé à cet égard aux art. 26 et 27 de la loi du 3 août 1791, qui exigeaient trois sommations réitérées avant qu'on pût déployer la force des armes contre les attroupements séditieux. Ces articles ont été remplacés par l'art. 1er de la loi du 10 avril 1831 et l'art. 3 de la loi du 9 juin 1848, qui prescrivent à toutes personnes formant des attroupements sur la voie publique de se disperser à la première sommation des autorités civiles. Mais ce serait une erreur d'assimiler complétement les individus qui composent les bandes et les attroupements: là il s'agit d'hommes armés et organisés; ici, d'hommes fortuitement réunis et indisciplinés : le péril et la criminalité ne sont pas les mêmes; les conditions de la répression ne peuvent être identiques. Le Code pénal ne doit donc, en ce qui concerne les bandes, emprunter aux lois du 10 avril 1831 et du 9 juin 1848 que la forme de l'avertissement qu'elles décrivent; quant à ces mots même depuis, qui font jouir les rebelles du même privilége, lors même que leur retraite est postérieure à l'avertissement, il est clair qu'ils ne doivent s'appliquer qu'à une retraite volontaire. Ainsi, si la bande avait été dispersée par l'emploi de la force, les rebelles saisis dans leur fuite, même hors du lieu de la réunion, ne pourraient invoquer cette excuse.

La deuxième condition imposée par l'art. 100 est que les rebelles aient été saisis hors des lieux de la réunion séditieuse, sans opposer de résistance et sans armes. On peut se demander quelle est la signification de ces derniers termes : veulent-ils dire que l'individu qui a été saisis hors du lieu de la réunion, mais sans avoir opposé de résistance et les armes à la main, ne doit pas jouir du bénéfice de cet article? Mais alors quelle peine l'atteindra? Les art. 97 et 98 ne s'appliquent qu'aux individus saisis sur les lieux. Ils ne peuvent donc s'étendre à ceux mêmes qui ont opposé de la résistance, dès qu'ils n'ont été saisis que

hors de ces lieux. Il suit de là que la seule peine applicable aux rebelles saisis hors du lieu de la réunion, et qui ont résisté à la force publique, est celle de la rébellion envers la force publique. Mais l'interprétation devient beaucoup plus difficile, si ce individu a été pris hors du lieu de la réunion, sans opposer nulle résistance, et seulement les armes à la main. Car, si d'une part le port d'armes est une condition qui doit le priver de l'application de l'art. 100, d'une autre part les peines des art. 97 et 98 lui sont, comme on l'a dit, inapplicables; et le port d'armes, isolé de toute autre circonstance, ne constitue en lui-même aucun délit. La conséquence de l'appli cation littérale de l'art. 100 serait donc que le rebelle pris les armes à la main, hors du lieu de la réunion et sans résistance, serait traité plus favorablement que celui qui serait saisi sans armes, puisqu'on ne pourrait même lui appliquer la peine de la surveillance. Pour concilier ces diverses dispositions, il faut tenir que, par ces mots sans opposer de résistance et sans armes, la loi n'a voulu parler que des armes employées à faire résistance: celui qui n'a pas fait usage de ces armes doit, comme s'il était désarmé, profiter du privilége établi par cet article.

Il est nécessaire, au reste, que le jury constate chacune des circonstances prévues par l'art. 100, à savoir, que l'accusé n'a exercé dans la bande ni commandement ni emploi, qu'il s'est retiré soit au premier avis de l'autorité, soit depuis; entin, qu'il a été pris hors du lieu de la réunion, sans résistance et sans armes. Chacune de ces circonstances doit donc faire l'objet d'une question distincte. Toutefois la Cour de cassation a jugé, dans une espèce particulière, que le jury n'avait pas dû être interrogé sur le fait de savoir si l'accusé avait été saisi sur le lieu de la réunion séditieuse, parce qu'il était authentiquement constaté au procès qu'il avait été arrêté, sans armes ni résistance, dans la commune du lieu de son domicile, hors de toute réunion séditieuse".

505. La discussion de la loi du 24 mai 1834 a soulevé la

1 Cass, 30 août 1832, Journ. du dr. crim., 1832, p. 221.

2 Cass., 9 fév. 1832, Journ. du dr. crim., 1832, p. 25.

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question de savoir si l'art. 100 et l'art. 243, qui en a reproduit les termes, seraient applicables aux individus qui auraient porté des armes dans un mouvement insurrectionnel, et qui se seraient retirés à la première sommation de l'autorité. On a dit, pour la négative, que cette dispense de la peine ne pourrait s'appliquer sans péril dans le système de cette loi; qu'il est nécessaire d'établir que le seul fait de se rendre en armes dans un mouvement insurrectionnel est un crime; que le fait prévu par l'art. 5 de la loi a ses conditions propres et caractéristiques de la criminalité; que les individus qui, après avoir appuyé la sédition de leur présence et de leurs armes, se retirent, ne sont pas moins coupables que ceux qui ont été arrêtés avant leur défaite ou leur fuite; que la culpabilité ne dépend pas du temps où le criminel a été arrêté ; que la retraite prompte et volontaire peut être un moyen de défense mais non un motif d'amnistie. A ces objections il a été répondu qu'il y a un intérêt politique à ce que les rassemblements se dispersent d'euxmêmes; que le seul moyen d'opérer cette dissolution est de donner une preuve d'indulgence à ceux qui ne persistent pas dans le crime; qu'il ne s'agit que des seuls individus auxquels on reproche le fait préparatoire d'avoir fait partie d'un attroupement; que s'ils ont fait usage de leurs armes, c'est un crime personnel dont ils demeurent responsables; enfin, que la culpabilité n'est pas la même si les personnes qui faisaient partie de l'attroupement se sont dispersées à la voix de l'autorité qui les avertissait de leur erreur, ou si, malgré cet avertissement, elles ont persisté dans la sédition. Un membre, formulant ce système, proposa d'ajouter à l'art. 5 de la loi du 24 mai 1834 un amendement ainsi conçu : « Il n'est point dérogé par les dispositions ci-dessus aux art. 100 et 213 du Code pénal. » Mais on objecta qu'il n'y a aucune nécessité d'indiquer dans une loi les dispositions auxquelles on ne déroge pas'. La solution fut donc abandonnée à la jurisprudence. Toutefois M. Siméon, en rappelant à la Chambre des pairs la discussion de la Chambre des députés, a dit : « Que l'on soit arrêté sur le lieu de l'insurrection ou après, on sera susceptible d'accusation si

1 Moniteur du 16 mai 1834, 1er suppl.

l'on était en armes; mais, si l'on se retire sur la première sommation, on pourra invoquer la disposition du Code pénal qui exempte de la peine. Si l'on ne s'est retiré que depuis, le jury décidera, d'après les défenses et les débats, si la retraite, quoique tardive, a été l'effet d'une bonne intention, ou seulement la suite d'une défaite, d'obstacles indépendants de la volonté. » Ainsi M. Siméon regardait l'application des art. 100 et 213 au cas prévu par la loi du 24 mai 1834, comme parfaitement conciliable avec le texte de cette loi. Nous pensons aussi que tel est le vrai sens de la loi. En effet, les art. 100 et 213 sont l'expression d'un principe général qui domine cette mitière ; il suffit donc que la loi du 24 mai 1834 n'y ait point déroge pour que de plein droit ils doivent recevoir leur application, dès que les cas pour lesquels ils ont été créés se représentent. Ainsi nous pensons que l'accusé du crime prévu par l'art. 3 de cette loi peut réclamer la position d'une question d'excuse dans les termes des art. 100 et 213, pourvu toutefois que les diverses conditions énumérées par ces articles coexistent et soient établies.

Cette solution n'a pas été admise par un arrêt qui déclare : <« que l'art. 100, qui complète les art. 97 et 98, ne profite qu'à la simple adjonction à une bande et ne s'étend pas à ceux qui, isolément ou dans une bande, se sont, par des actes personnels, constitués auteurs ou complices des attentats prevus par les art. 86, 87 et 94; que s'il pouvait être prudent et politique d'ouvrir à ceux des séditieux qui ne sont qu'égarés la voie du repentir et de la retraite par l'espoir du pardon, avant qu'ils aient commis le crime, on ne comprendrait pas pourquoi, après que l'attentat aurait été consommé, la loi assurerait l'impunité à ceux qui en seraient reconnus les auteurs personnels, parce qu'après leur crime ils se seraient retirés sur un avertissement de l'autorité ou même depuis; que tels ne peuvent être le sens et la portée de l'art. 100; que le contraire s'induit de ce que cet article ne prononce la réduction de peine à celle de la surveillance que pour le fait de sédition, et qu'il laisse formellement à la charge de ceux qui se sont retirés dans les conditions par lui déterminées la responsabilité pénale des crimes particuliers qu'ils auraient personnellement commis; qu'en tirant de ces

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