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eux-mêmes un attentat, mais donnent appui à la révolte qui tente de le commettre, ou entravent l'action de l'autorité publique dont le devoir est de l'empêcher. »>

476. La définition de chacun de ces actes donnée par la loi nous dispense d'en analyser les éléments. Mais on ne doit pas perdre de vue que deux principes dominent toute incrimination dans cette matière: il est nécessaire que l'acte, quel qu'il soit, ait été commis dans un mouvement insurrectionnel; c'est là ce qui fait son péril; et que cet acte ait été commis avec une intention criminelle, car sans volonté coupable il n'y a point de crime; cette règle plane sur toutes les dispositions de cette loi spéciale, et s'incorpore avec chacune de ses dispositions pénales. Aussi, et à l'occasion de cet art. 9, un député avait demandé que le mot volontairement y fût inséré. On répondit que cette insertion était inutile, et que l'art. 64 du Code pénal excusait d'ailleurs les personnes qui n'auraient pas agi volontairement'.

Deux dispositions complètent le système de la loi du 24 mai 1834 la première, introduite par l'art. 11 de cette loi, permet dans tous les cas qu'elle a prévus, s'il existe des circonstances atténuantes, de faire l'application de l'art. 463 du Code pénal: cette application fait aujourd'hui partie de notre système pénal; pour l'écarter il eût fallu sortir du droit commun. La seconde autorise la Cour d'assises à prononcer la surveillance, dans le cas où la peine est atténuée, pendant un temps qui ne peut excéder le maximum de la durée de l'emprisonnement prononcé par la loi. Cette dernière disposition, attaquée dans la discussion, a donné lieu aux explications qui suivent : « Les faits que la loi que nous discutons a pour objet de punir, a dit le rapporteur, entraînent de plein droit le renvoi sous la surveillance de la police, puisqu'ils sont punis de la détention, peine criminelle. Mais comme cette loi porte que, dans tous les cas, les peines prononcées par elle pourront être modifiées par l'art. 463, la peine de la détention peut descendre jusqu'à un emprisonnement qui ne pourra jamais être moindre d'une année. Dans ce cas, nous avons dû examiner s'il fallait abandon

1 Journ, da dr. crim., 1834, p. 173.

ner ou retenir la faculté de renvoyer en surveillance. L'art. 19 du Code pénal nous a paru décisif; il porte: « Devront être renvoyés sous la surveillance de la haute police ceux qui auront été condamnés pour crimes ou délits qui intéressent la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat. Mais pourquoi donc redire ce que l'art. 49 a déjà dit? Parce que cet article rend la surveillance obligatoire et perpétuelle, et que nous avons voulu la rendre facultative et limitée. » On doit, au reste, remarquer que par cet article, de même que par l'art. 2 de la loi du 10 avril 1834 sur les associations, la durée de la surveillance est déterminée par la durée de la peine prononcée par la loi, et non de la peine prononcée par le jugement. Le minimum de cette peine est d'une année.

Nous terminons ici l'exposé du système de la loi du 24 mai 1834. Il était indispensable d'en parcourir avec quelque detail les principales dispositions, puisque ces dispositions, complémentaires de celle du Code sur l'attentat, et étroitement liées avec elles, ne doivent plus en être séparées dans la pratique. C'est désormais dans la combinaison de ces lois diverses que les crimes contre la sûreté intérieure de l'Etat doivent trouver leur répression. Cette grande accusation de l'attentat, dont les preuves étaient péniblement édifiées, se dissémine en accusations moins graves, mais plus positives et plus faciles à constater. L'accusation devra donc examiner si les actes qui semblent manifester un complot ou un attentat ont une relation directe avec ces crimes, et si cette relation peut être prouvée. Si cette preuve existe, ils seront poursuivis comme éléments de l'attentat et en vertu des dispositions du Code pénal; si le lien qui unit ces actes au complot échappe aux investigations de la justice, ils pourront encore être l'objet de ses poursuites, en vertu de la loi du 24 mai 1834, non plus comme actes d'exécution de l'attentat, mais comme crimes distincts, et puisant toute leur criminalité dans les faits isolés qui en forment la base.

477. Il nous reste maintenant à examiner les cas nouveaux, non d'attentats, comme les avait qualifiés la loi du 9 septembre 1835, mais d'attaque ayant le même but que l'attentat, et qui ont été ajoutés au Code pénal par des lois subséquentes. Ces espèces nouvelles sont au nombre de trois : la provocation,

non suivie d'effet, aux crimes prévus par les art. 86 et 87 du Code pénal; l'offense envers le prince commise par la même voie; enfin, l'attaque contre le principe et la forme du gou

vernement.

La qualification d'attentat à la sûreté de l'Etat, que la loi du 9 septembre 1835 aujourd'hui abrogée avait attribuée à ces différentes attaques, appelle en premier lieu notre attention. La discussion législative a longtemps contesté cette qualification; mais le grand intérêt de cette controverse était d'écarter la juridiction de la Cour des pairs, question dont nous n'avons pas à nous occuper ici. La seule question qui doit nous intéresser est la qualification en elle-même, abstraction faite des règles de compétence qu'on pouvait y puiser.

Le rapporteur s'exprimait en ces termes : « Le législateur a toujours le droit, suivant les périls sociaux, d'ériger certains faits coupables en attentats; la charte n'a pas décrété l'immutabilité de nos lois pénales; son article 28 réserve, au contraire, formellement le droit de la législation future. Ce serait, il est vrai, un subterfuge indigne de la charte que d'étendre la Juridiction de la chambre des pairs, en qualifiant attentats à la sûreté de l'Etat des faits dont la nature répugnerait à ce caractère; mais la provocation à la révolte est bien évidemment dirigée contre la sûreté de l'État; l'offense à la personne du roi est elle-même placée par le Code pénal au nombre des délits contre la sûreté de l'État; il y a mieux, de tels faits ne sont délits et crimes que parce qu'ils intéressent la sûreté de l'Etat, et à raison du péril qu'ils lui font courir. Or, la provocation et l'offense sont punies aujourd'hui du maximum des peines correctionnelles; l'intérêt de la société commande l'aggravation de la peine la loi les frappe de la moins élevée des peines criminelles. Par là même, ainsi que par leur propre nature, ces faits deviennent des crimes; et comme, à l'époque où ils étaient simples délits, la loi les déclarait délits, contre la sûreté de l'Etat, leur nature ne s'affaiblit pas quand ils deviennent crimes, et ils sont nécessairement des crimes contre la sûreté de l'Etat. >>

Le rapporteur de la commission de la chambre des pairs. soutenait le même système. «Si le délit et l'attentat avaient reçu

de la loi une définition tirée de la nature des choses, a dit l'orateur, si le législateur avait cherché pour les classer des differences fondamentales, tenant à une essence différente de criminalité, il est clair qu'appeler un délit attentat serait un imensonge de la loi, et qu'il y aurait iniquité à déduire des conséquences de ce qu'on a imposé le même nom à deux actes essentiellement différents; mais le Code pénal n'a point donné une définition morale et essentielle du délit et du crime, il les a classés par la peine que la loi applique à chacun. L'infraction que la loi punit d'une peine correctionnelle est un délit ; l'infraction que la loi punit d'une peine afflictive et infamante est un crime; de sorte que, si par teile ou telle circonstance le législateur change la peine, l'infraction peut changer de dénomination sans mensonge, sans que le sens légal du mot soit faussé ni contraint. Par là nous rentrons tout simplement dans le fond de la question convient-il de regarder comme plus grave qu'autrefois l'acte de provocation ou d'offense au roi ? A-t-il ou n'a-t-il pas une similitude avec les actes qualifiés attentats?»

Cette théorie ne fut pas admise sans contradiction. Plusieurs orateurs soutinrent que l'attentat a sa définition dans sa nature même, et qu'il ne dépendait point du législateur d'étendre cette qualification à des actes qui n'offrent pas les éléments constitutifs exigés par les principes généraux de la législation. «Tous les criminalistes, a-t-on dit, ont défini l'attentat un acte matériel d'attaque contre une personne ou contre la société. Ainsi le meurtre est un attentat contre une personne; la prise d'armes contre le pouvoir établi est un attentat contre la société. Il est évident qu'il ne saurait y avoir d'attentat sans un acte matériel, car il est l'attaque matérielle et ne peut être autre chose. » — « Qu'est-ce donc qu'un attentat? a ajouté M. Nicod: c'est la force brutale attaquant les pouvoirs sociaux; c'est une action matérielle et violente qui est directement, immédiatement destructive de l'ordre social et de la paix publique; c'est une attaque à force ouverte et à main armée. Voyez les exemples qu'en donne le Code pénal : dans les cas qu'il spécifie, vous voyez des faits matériels, vous voyez éclater la force, vous voyez une action violente et destructive. »

TOME 11.

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Il est hors de doute que ces caractères appartiennent, ainsi qu'on l'a vu plus haut, aux crimes que le Code pénal a qualifiés attentats, mais ce Code n'a défini nulle part l'attentat à la sûreté de l'Etat; il en a incriminé des espèces; le genre est resté dans le domaine du législateur. Cette interprétation était conforme à la charte, qui déclarait que les attentats à la sûreté de l'Etat seraient définis par la loi. La loi avait donc conservé le pouvoir soit de tracer cette définition, soit de créer de nouvelles espèces de ce crime. Dans la pensée du législateur, l'attentat à la sûreté de l'Etat est un crime qui intéresse la société entière, qui jette la perturbation dans son sein, et qui compromet sa sécurité; et c'est à la loi qu'il appartient d'en définir les caractères et d'énumérer les espèces, suivant les temps et les nécessités toujours variables de la société. De sorte qu'il pourrait arriver que certains faits qualifiés crimes contre la sûreté de l'Etat par le Code pénal, ne fussent pas considérés par le législateur comme attentats à la sûreté de l'Etat, et que certains autres, qui ne sont pas encore définis comme crimes, dussent à une loi nouvelle et cette définition et le titre d'attentats. De là cette distinction que l'attentat prévu par le Code et l'attentat prévu par la loi du 9 septembre 1835 ont chacun leurs caractères propres et leurs éléments distincts, qu'ils forment des espèces différentes d'un même crime, et que les règles qui s'appliquent à chacune de ces espèces sont en général inapplicables à l'autre. Tel est le principe qui dominait la loi du 9 septembre 1835.

478. Cela posé, il importe de parcourir succinctement les trois espèces d'attaques introduites dans la législation.

L'art. 102 du Code pénal réputait complices des complots et attentats, « tous ceux qui, soit par discours tenus dans les lieux ou réunions publics, soit par placards affichés, soit par des écrits imprimés, auront excité directement les citoyens ou habitants à les commettre ». Mais dans un deuxième paragraphe ce même article prévoyait le cas où ces provocations n'auraient été suivies d'aucun effet, et leurs auteurs étaient punis du bannissement. Cet article a été abrogé par l'art. 26 de la loi du 17 mai 1819, et remplacé par les art. 1 et 2 de la même loi. L'art. 1er répute complice «quiconque, soit par des discours, des cris ou

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