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IV

Des fonds secrets.-Combien le préfet de police en reçoit-il? - Combien peut-il en employer pour les agens secrets? - Fonds secrets au temps de l'empire.

Une des nombreuses erreurs commises par le public au sujet de la police, c'est de croire que tout est mystère dans cette administration; qu'un préfet de police dispose à son gré de l'argent des contribuables; qu'il y a des ressources occultes, et que les dépenses se font selon le caprice du chef et sans contrôle. Enfin, malgré les explications données annuellement à la chambre des députés, beaucoup de personnes s'imaginent encore que la police de Paris absorbe la plus forte part des fonds secrets mis à la disposition du ministère. Combien de fois des écrivains mal éclairés ne m'ont-ils pas demandé compte des millions de fonds secrets reçus annuellement par la police!

Ce sont là autant de suppositions inexactes.

Il est vrai qu'avant moi quelques recettes de peu d'importance avaient lieu sans qu'on en rendit compte : j'en expliquerai la source et l'emploi quand je parlerai du budget de la préfecture de police; mais j'ai fait, dès la première année de mes fonctions, cesser ces irrégularités. Depuis lors, toutes les recettes sont portées en ligne de compte, et versées à la caisse de la ville. Quant aux dépenses, elles ne se font jamais que dans les limites et avec la spécialité désignées par le conseil municipal; et les pièces comptables, après avoir été examinées par le conseil, sont encore soumises au contrôle de la cour des comptes, chargée de la vérification et de l'apurement de toutes les comptabilités en matière de deniers publics.

On procède donc à l'égard de la préfecture de police comme pour la préfecture de la Seine et pour toutes les administrations publiques.

Une seule exception existe : elle concerne l'emploi des fonds secrets; et je dois faire remarquer que ce n'est point la ville de Paris qui les alloue: ce sont les chambres qui les votent; c'est la France entière qui les paie, puisqu'ils sont imputés sur les fonds de l'État.

La ville de Paris n'a donc point d'intérêt à scruter l'usage qu'on en fait; il lui suffit de la justification des dépenses dont elle a autorisé le paiement sur les fonds municipaux.

La somme totale des fonds secrets accordés annuellement par les chambres au ministre de l'intérieur s'élève de deux millions quatre cent mille francs à trois millions.

Combien le gouvernement en verse-t-il à la préfecture de police? De mon temps, le chiffre annuel était de deux cent soixante-dix mille francs; je puis le dire sans commettre d'indiscrétion, puisque c'est un fait devenu public par les discussions de la chambre, et surtout par les explications que M. de Montalivet a données à la tribune.

C'est donc avec un capital de deux cent soixantedix mille francs que j'ai fait face à toutes les dépenses secrètes, et que j'ai payé mes agens politiques. Ce fait pourra servir à détromper ceux qui pensent que la police de Paris est une lourde charge pour le pays, qu'elle peut avoir des agens par milliers, et qu'elle prodigue l'or à pleines mains. La vérité est, au contraire, qu'il fallait user d'une parcimonieuse économie pour subvenir à tous les besoins avec des moyens aussi bornés.

Dans une situation politique ordinaire, dans des temps calmes, une telle allocation serait largement suffisante; mais dans les circonstances que j'ai traversées, au milieu des dangers de tous genres qui mettaient chaque jour nos institutions en péril; quand je devais, par mes agens, être présent à toute heure, sur tous les points de la cité, être initié aux

projets menaçans des agitateurs de diverses opinions, veiller sans cesse à la sûreté des citoyens et au maintien de l'ordre, il a fallu faire un emploi sagement combiné des ressources dont je disposais pour suffire à l'étendue, à la diversité et à l'urgence des besoins.

Qu'on ne suppose pas, d'ailleurs, que cette somme de deux cent soixante-dix mille francs, appliquée à la Préfecture de police, soit entièrement employée à la rétribution des agens politiques : une portion assez considérable en est d'avance absorbée par des charges dont ce fonds est grevé, et sur lesquelles je ne crois pas devoir m'expliquer.

Je me contenterai de dire, pour terminer ces observations, que la somme restée libre et qu'il m'était possible d'affecter à mes agens secrets n'excédait pas cent quatre-vingt mille francs par année. Je crois donc, sous ce rapport, avoir fait beaucoup avec peu de moyens.

Peut-être est-il à propos de rappeler qu'une discussion s'est engagée en 1835 sur le chiffre des fonds secrets au temps de l'empire.

Quelques personnes, notamment M. Baude, soutenaient que la somme en était plus faible avant 1844 que depuis 1830.

A l'appui de cette opinion, l'on a reproduit les détails suivans consignés au budget de 1812, et dans le décret impérial du 25 février 1813, des

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