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prescrire toutes les mesures d'ordre commandées par l'intérêt public.

Chez toutes les nations civilisées, les lois ont défendu le meurtre, l'incendie, le vol et presque tous les actes qualifiés erimes ou délits par nos codes. Il a donc fallu, dans toute société régulière, une magistrature chargée de punir les coupables; mais les lois n'ont pas pu embrasser dans leurs dispositions une foule de cas, d'incidens qui, bien que d'un ordre moins grave, n'en sont pas moins préjudiciables au bien-être des administrés. C'est pourquoi, dans tous les temps, dans tous les pays, et quelle qu'ait été la forme du gouvernement, les lois ont sagement confié à une autorité analogue à notre pouvoir municipal le soin de suppléer, en bon père de famille, au silence de la législation '.

1 Je ne veux pas faire ici de l'érudition, en puisant dans les annales anciennes de nombreux exemples à l'appui de mon raisonnement; je me bornerai à rappeler deux faits qui sont généralement

connus.

Les archontes, à Athènes, joignaient à des pouvoirs plus étendus des fonctions de magistrats municipaux. Il en fut de même à Thèbes; on sait notamment qu'Epaminondas ne crut point déchoir du haut rang où il s'était placé dans l'estime de ses compatriotes en se chargeant de faire observer des mesures de propreté et de salubrité... Auguste créa un préfet de ville (prefectus urbis), ayant sous ses ordres d'abord quatorze, bientôt vingt-huit magistrats, pour l'administration des vingt-huit quartiers de Rome; et il lui confia des attributions qui étaient à peu près les mêmes que celles dévolues à Paris au préfet de police.

Les premières dispositions législatives en matière de police, dans notre pays, font partie du recueil de lois publié par Clovis dès le commencement de son règne. Ce recueil est parvenu jusqu'à nous, et se trouve dans Baluze (Capitularia regum francorum, t. Ier, p. 284); il se compose de soixantedouze titres réglant les divisions de la propriété, les droits de succession, les devoirs envers le chef de l'État, et les rapports des individus entre eux; c'est là ce que nous appelons la loi salique.

Elle contient des dispositions sur la responsabilité des maîtres pour les méfaits de leurs esclaves ou de leurs serviteurs, et pour les dommages causés par les animaux domestiques : elle prononce des peines sévères contre ceux qui portent atteinte aux bonnes mœurs; punit les dégradations faites aux clôtures, aux monumcns; réprime les délits de chasse, et prévoit même les cas où des accidens seraient occasionnés par l'imprudence de ceux qui exécutent des travaux de terrassement.

Dans le champ de mars tenu à Cologne en l'année 532, Childebert rendit une ordonnance sur l'administration des affaires du royaume; il y preserivit formellement l'observation des fêtes et dimanches.

Une autre charte, publiée en 554, défend aux baladins d'exercer leur profession aux fêtes de Noël et de Pâques, et à tous les citoyens de passer les

nuits à boire, à rire, à chanter, durant les grandes solennités.

Ainsi, dès les premiers temps de la monarchie, comme postérieurement, sous les rois de la seconde race, la nécessité et les détails des mesures de police, tendant à maintenir l'ordre au profit de tous, ont occupé une place dans la sollicitude des législateurs.

L'état de choses établi dans la Gaule lors de la conquête des Francs, les usages et coutumes propres à chaque localité présentaient une certaine organisation municipale fondée sous la domination romaine, et conservée par les lois saliques. Les ¡ principales villes formaient entre elles des diètes où chacune envoyait ses délégués pour délibérer sur les affaires d'intérêt commun. Les décurions, présidés par deux magistrats annuels (duumvirs), étaient chargés de l'administration des villes, et constituaient une sorte de sénat municipal dont l'action était, jusqu'à un certain point, indépendante du pouvoir suprême, et qui avait pour mandat la conservation et la défense des droits de la cité. Néanmoins, le roi désignait les comtes ou GRAFIONS qui, dans chaque ville, allaient présider aux plaids (placita minora, ou mallum), sous la condition de se faire assister par des assesseurs capables, espèces de juges nommés rachimburgs. Ces plaids, que l'on pourrait gratifier d'assises judiciaires, étaient publics.

L'affaiblissement du pouvoir gouvernemental, sous les derniers rois de la race mérovingienne, avait détendu tous les ressorts de la vie politique; mais, à l'avénement de la seconde dynastie, les institutions reprirent une nouvelle vigueur. Les assemblées générales, ou grands plaids (placita majora), qui jusque là avaient eu lieu en mars, furent reportées au mois de mai; les citoyens s'y rendirent avec zèle pour concourir aux délibérations. Là étaient discutées toutes les questions relatives aux affaires civiles et militaires; là étaient approuvés, modifiés ou rejetés, les édits, les constitutions ou chartes soumis par le roi à la sanction du peuple, et qui n'avaient force de loi qu'à cette condition; là aussi étaient jugés les procès qui, par leur nature ou par leur gravité, échappaient à la compétence des comités provinciaux (mallum). Ainsi, les membres de ces assemblées étaient tout à la fois législateurs, administrateurs et juges.

C'est de ces assemblées qu'à dater du règne de Pépin, sortirent les lois connues sous le nom de capitulaires, qui formèrent pendant deux siècles le code civil et politique des Français.

Celles de ces lois qui furent promulguées sous le règne de Charlemagne attestent que ce prince éclairé veillait à l'établissement d'une bonne police dans ses vastes états; elles contenaient des prescriptions sanitaires, des mesures relatives à la mendi

cité, au vagabondage, à la prostitution; elles réglaient les conditions requises pour l'exercice des diverses professions, fixaient le prix des denrées de première nécessité, et voulaient que, pour la vente des marchandises, les poids et mesures fussent toujours justes, toujours égaux.

Cette analyse, tout incomplète qu'elle soit, des anciens documens historiques et judiciaires, jusqu'à la fin du huitième siècle, suffira peut-être à démontrer que les questions de police municipale ont laborieusement occupé l'attention des hommes d'État, avant même que les besoins de la société aient reçu tous les développemens qu'entraîne avec elle une civilisation plus avancée.

Si je ne craignais de trop m'écarter de mon sujet, je ferais également remarquer quels rapports frappans existent entre les élémens de cette législation et les principes de l'ordre politique et légal de notre époque. En effet, n'y trouve-t-on pas le germe du système électoral? des magistrats municipaux électifs, administrant les communes; le jugement par jury; des comités cantonnaux; des assises provinciales; et enfin, les assemblées générales des champs de mars et de mai, qui, certes, offrent beaucoup d'analogie avec notre représentation nationale?

Les citoyens intervenaient dans l'administration des affaires du pays et dans la confection des lois, en ces temps voisins du berceau de la monarchie;

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