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de magistrat municipal, administrant les affaires de la commune; ceux de magistrat de l'ordre judiciaire, président du Châtelet; et enfin, ceux d'un chef militaire, car il portait l'épée à la tête des troupes dont il avait le commandement. On retrouvait l'indice de ces divers pouvoirs dans les insignes qu'il revêtait pour les grandes cérémonies'. Une compagnie d'ordonnance, deux compagnies de sergens, l'une à cheval, l'autre à pied, étaient sous ses ordres; on appelait ces derniers sergens à verge, les autres soldats du guet; leur commandant portait le nom de chevalier du guet. Des bourgeois, élus pour chaque quartier ou paroisse, destinés à faire exécuter les réglemens de police, et que l'on nommait commissaires, jouissaient d'une considération qui diminua quand ces charges, devenues vénales, cessèrent d'être électives; ils marchaient de pair avec les officiers de la juridiction, et avaient à leur disposition chacun dix sergens.

Ne semble-t-il pas que la garde municipale, les commissaires de police et les sergens de ville actuels, soient la reproduction modifiée de ce qui existait sous le prévôt de Paris?

L'accroissement rapide de la population de la ca

1 Le prévôt de Paris y paraissait vêtu d'une robe de brocart d'or, fourrée d'hermine, sur un cheval richement caparaçonné : deux pages marchaient devant lui, portant, chacun au bout d'une lance, son casque et ses gantelets. (Dictionnaire de police, par Trébuchet, Elouin et Labat.)

pitale, l'augmentation relative de la somme des besoins du service public, multipliérent tellement les devoirs du prévôt, que ce magistrat dut se faire seconder, dans l'exercice de ses fonctions, par deux lieutenans, l'un pour les affaires civiles, l'autre pour les affaires criminelles.

Le Châtelet, dont le prévôt de Paris était le chef, renfermait dix siéges de justice. Dans ce nombre, quatre, le parc civil, la chambre civile, la chambre foraine et la chambre de police, étaient présidés par le lieutenant civil. A cette dernière chambre se jugeaient les causes concernant les droits des corps et communautés des marchands et artisans de Paris, le péril des bâtimens, la police et la propreté des rues, les enrôlemens forcés, la prostitution et les nourrices; c'est aussi à cette chambre que se faisaient les rapports des commissaires sur les contraventions aux ordonnances et réglemens de police.

Une autre, la chambre du procureur du roi, où, indépendamment des fonctions de sa charge, ce magistrat s'assurait de la promulgation des réglemens de police, ordinairement motivés sur sa réquisition et remontrance.

Une autre enfin, la chambre criminelle, présidée par le lieutenant criminel, s'occupait des causes spéciales. Ce magistrat avait aussi sous sa juridiction la sûreté de Paris contre les meurtriers, vagabonds et autres gens de mauvaise vie, ainsi que les

repris de justice; il les jugeait présidialement et sans appel.

Cet état de choses a subsisté jusqu'à l'époque où le parlement de Paris, institué par Philippe le Bel, en 1302, apporta des réformes salutaires dans toutes les branches de l'administration publique. Grâce à cette haute et nationale institution des parlemens, on vit mettre un frein à l'arbitraire des prévôts, des baillis, des sénéchaux, dans l'exercice d'un pouvoir presque illimité qu'ils avaient usurpé sur l'autorité royale. Ce fut la première atteinte portée aux prérogatives énormes du prévôt de Paris.

Cette magistrature, à son déclin, perdit son plus beau lustre et la presque totalité de ses attributions, lorsque Louis XII la dépouilla du privilége de nommer le lieutenant civil et le lieutenant criminel. Ce roi, en confirmant ces lieutenans dans un pouvoir dont ils avaient tout le fardeau, décida qu'à l'avenir ils seraient nommés à vie par le souverain, et bientôt la charge de prévôt de Paris se réduisit à un titre à peu près illusoire.

Nous voici parvenus à l'époque où le lieutenant civil, définitivement investi des attributions municipales et de la police, présidait en même temps, comme tel, les chambres du Châtelet, et jugeait les causes soumises à sa compétence.

Mais les institutions ne se développent qu'avec lenteur, ne se complètent qu'avec la succession des

temps; il faut des essais nombreux et les leçons de d'expérience pour bien distinguer, apprécier les matériaux, les classer selon leur nature, les coordonner selon leur analogie, et pour fixer d'une manière exacte la portée des attributions et la ligne qui les sépare. L'on ne sera donc pas étonné d'apprendre que, bien qu'il y eût un magistrat spécialement affecté à la direction de la police, une partie de ses attributions était encore dans les mains d'un autre pouvoir.

Ainsi, tout ce qui intéressait le commerce et l'approvisionnement de Paris par eau, les permissions d'ouverture des portes et fenêtres, les autorisations pour former des chantiers, des usines, des établissemens incommodes ou dangereux, les barraques et échoppes, la sûreté et la commodité des quais, des ports, fontaines, promenades et remparts, dépendait de la juridiction du bureau de la ville.

Ce bureau était composé:

Du prévôt des marchands, dont l'origine remonte au temps de l'occupation romaine, mais dont les attributions ne furent régularisées qu'en 1274; De quatre échevins;

D'un procureur du roi;
D'un greffier en chef,

Et d'un trésorier.

Le corps de ville se composait de vingt-six conseillers de ville, de seize quarteniers et de soixantequatre cinquanteniers.

Telle était l'organisation qui contenait les élémens dont on a formé depuis la préfecture de la Seine et le corps municipal actuel.

On concevra sans doute que le partage inégal d'attributions qui n'étaient pas assez clairement définies devenait une source de divisions et de conflits entre des autorités quelquefois rivales; il en résultait inévitablement des entraves préjudiciables aux intérêts des administrés.

Le parlement dut souvent intervenir pour mettre fin à ces démêlés, et pour déterminer le véritable sens d'une législation confuse.

Déjà ces luttes fàcheuses avaient existé entre le lieutenant civil et le lieutenant criminel; tous deux ayant des attributions de police qui précédemment étaient réunies dans une seule magistrature, celle de prévôt de Paris, il était difficile de tracer la ligne de démarcation qui séparait les droits de chacun.

Pour remédier définitivement aux inconvéniens graves que je viens de signaler, le parlement, après de longues et mûres délibérations, proposa à Louis XIV le célèbre édit 'de 1667, par lequel les attributions de police furent retirées aux deux lieutenans au Châtelet, et confiées à un nouveau magistrat qui, sous le nom de lieutenant de police, devait en représenter la juridiction, attribuée précédemment au Châtelet par les arrêts des cours et les lois du royaume.

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