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>> M. Charles de Lameth, grand conteur d'his>>toires, a rappelé, on ne sait trop à quel propos,

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plusieurs faits qui jusque alors n'avaient pas eu >> l'occasion de se produire au grand jour, mais aux>> quels se rattache pourtant un certain intérêt, »> ne fût-ce que par la date de l'époque à laquelle >> ils se sont passés.

>> Ces faits une fois soulevés, il importe qu'ils >> soient rétablis dans leur intégrité, car il est aisé » de voir qu'ils se lient intimement à la phase la >> plus critique et la plus désastreuse de la révolu>>tion de juillet. M. Charles de Lameth les a pré>>> sentés comme il lui convenait : nous allons les >> présenter à notre tour comme ils se sont passés.

» Le combat des trois jours avait cessé, l'armée » de Charles X était en fuite. Les troupes qu'il fai>> sait venir à marches forcées de divers points sur >> Paris s'imprégnaient dans leur route de l'esprit >> de la population; elles déclaraient faire cause >> commune avec la nation. La royauté était ren>> versée; l'opprobre d'un joug imposé pendant >> quinze ans par l'étranger se lavait dans le sang » des martyrs des barricades: le 29 juillet avait >> vengé Waterloo.

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>> Tout-à-coup le bruit se répand que des hom>> mes qui n'avaient voulu s'associer en aucune >> façon au mouvement populaire lorsqu'il s'agis>> sait de lui donner l'impulsion, ni s'y mêler lors

>>> que l'issue était encore douteuse, que des hom» mes qui s'étaient séparés d'un petit nombre de >> leurs courageux collègues pour s'y tenir à l'écart pendant la crise, se ravisant tout-à-coup, se rappellent ou plutôt s'imaginent qu'ils sont les re» présentans de la nation, investis du droit de la >> guider au milieu des événemens; ils veulent, ditau nom d'une constitution abolie par le fait » d'un mandat empreint de fraude, car, de l'aveu » même des membres d'alors, si on avait révisé >>> toutes les élections, on n'en eût pas trouvé trente » de valables..... (expressions de Labbey de Pom» pières), ils veulent s'arroger le droit de consti>> tuer la nation française et de lui octroyer une >> charte.

>> on,

» Au premier bruit de cette tentative que nous >> regardions comme usurpatrice et criminelle, les >> soldats de juillet s'émurent; quelques-uns encore » n'avaient pas déposé les armes. Ils se rendent au >> lieu où ces hommes étaient rassemblés; l'un d'eux, >>> celui que M. Charles de Lameth a signalé comme » le plus jeune, laisse son fusil à l'un de ses amis » et pénètre dans l'enceinte.

>> Le premier qu'il rencontre est M. de Lameth: « Vous, monsieur, dit le jeune homme vous, qui » avez vu des révolutions, vous savez que la nation » ne perd jamais ses droits, et sans doute vous ne >> vous regardez plus comme député. » M. de La

>> meth tourna le dos sans répondre; il allait, à ce » qu'il a dit, chercher un caporal et quatre hom» mes pour mettre le jeune homme en lieu de sû>> reté; mais il ignorait que le jeune homme avait » derrière lui cinquante de ces amis de la vérité >> qui se sont fait décimer dans les trois jours, et qui >> réclament l'honneur d'avoir les premiers crié aux » armes en présence des gendarmes de Charles X.

» Le jeune homme s'adressa ensuite à M. Duris>> Dufresne, qui lui dit : « Nous n'avons pas de » mandat, nous le prenons dans la nécessité et sous »notre responsabilité. »

>> On voit que, dès cette époque, l'illégalité de la >> chambre des députés était sentie, l'absence du >> mandat était reconnue et avouée; et si depuis >> un éloquent logicien a présenté cette vérité dans » tout son éclat, le bon sens du peuple l'avait devi» née avant lui, et les actes l'avaient scellée.

» Nous passons à une autre série de faits, dans » laquelle M. de Lameth a trouvé l'art d'envelopper » Benjamin Constant.

» Que Benjamin Constant ait regardé la session >> des députés de 1830 comme une usurpation >> manifeste, et leurs actes comme attentatoires à la » souveraineté du peuple, dans cette opinion il » n'est rien qui ne soit en parfait accord avec les principes politiques qu'il avait antérieurement >> professés; qu'ensuite il ait vu avec douleur la

>> tourbe aristocratique des élus à 1,000 fr. de con» tribution s'arroger, de leur autorité privée, le » droit de n'accorder au reste de la nation que la >> dose de liberté conciliable avec le maintien des

priviléges qu'ils tenaient de la Charte octroyée » là encore il n'est rien que de très-naturel. Si » même Benjamin Constant avait désiré que quel» que événement ramenât à l'accomplissement de » leurs devoirs de citoyens ces hommes profondé»ment égarés par leur égoïsme et par leur aversion » pour toute égalité réelle, il n'y aurait pas lieu >> d'en être surpris: mais que, par de sourdes me»›nées, il ait ameuté contre eux cette jeunesse qui » n'appréciait pas moins son talent que son patrio»tisme, tandis qu'ostensiblement il leur aurait » offert la sauve-garde de son immense popularité; » en dépit de M. de Lameth, voilà ce que la ca» lomnie ne saurait accréditer.

» Non, Benjamin Constant ne fut point l'insti» gateur du mouvement dirigé le 4 août contre les » députés sans mandat! Quand il se répandit que » trois cents individus, dont on avait souffert la >> réunion au palais Bourbon, s'arrogeaient le pou» voir de donner à la nation une constitution que » la nation ne pouvait tenir que d'elle-même ; quand » on sut qu'ils avaient l'exorbitante prétention de >> rendre définitive une œuvre qui ne devait au » plus être que provisoire, il n'y eut qu'un senti

>> ment dans Paris : celui que les trois cents indi>> vidus, dans l'intérêt de ce qu'ils nomment leur >>position sociale, trahissaient la cause de la révo>>lution. Alors, un petit nombre de ceux qui avaient >> fait cette révolution (les autres avaient été lancés » sur Rambouillet, parce qu'on redoutait leur pré>> sence dans la capitale) résolurent de protester >> contre une telle violation du principe révolution>> naire; et tandis que plusieurs de leurs camarades >> cherchaient à convertir ce principe tel qu'ils >> l'entendaient (le lieutenant-général), ils tentèrent >> une démonstration dont le résultat ne répondit » pas pleinement à leur attente.

>> Ce fut sur la place du Panthéon que quatre >> combattans de juillet, qui depuis fort long-temps » n'avaient eu aucune espèce de rapport avec Ben»jamin Constant, commencèrent le mouvement >> dont M. de Lameth a parlé à la tribune. L'homme » grand, gros, mais plus vieux, qui dit le lendemain » à M. de Lameth la même chose que lejeune homme » lui avait dite la veille, était l'un des quatre. De>> puis le point de départ jusqu'à leur arrivée de>> vant le palais Bourbon, ils trouvèrent sur leur » passage un tel assentiment et tant de sympathies » pour leur démarche, dont un cri très-laconique >> expliquait suffisamment le motif, que dans un si >> court trajet plus de cinq mille personnes se joi>> gnirent à eux.

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