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turiers, vivant au jour le jour, peu scrupuleux sur les moyens de satisfaire leurs besoins et leurs passions.

Il suffit de quelques hommes intelligens, habiles, pour recruter cette lie sociale, pour l'égarer avec peu d'argent et des promesses séduisantes : tous se lèveront, n'importe pour quelle utopie; tous, n'ayant rien à perdre, seront prêts à tout entreprendre.

Tels auraient pu être, dès ce moment, les auxiliaires des républicains; mais heureusement l'influence de Lafayette et de quelques autres notabilités populaires jeta de l'hésitation et mit la division dans leurs rangs; les principaux chefs, tels que Cavaignac, Guinard, Trélat, etc., sans se rattacher précisément à la pensée dominante, ne se mirent pas encore en état d'hostilité; mais quelquesuns de leurs co-religionnaires politiques, moins en évidence, moins éclairés, et, par cette raison, plus disposés à méconnaître la voix de l'intérêt public pour n'écouter que la brutalité de leur emportement, révélèrent leurs prétentions, et firent tous leurs efforts pour s'opposer à l'élection du duc d'Orléans. Qu'on juge si les amis de l'ordre durent s'alarmer; car on n'ignore pas que, si les chefs d'une faction peuvent avoir des intentions loyales, s'ils agissent par conviction, la tourbe ignorante qu'ils ont appelée à leur aide, qu'ils ont flattée pour

s'en servir, les dépasse bientôt, les entraîne malgré eux dans un torrent d'iniquités, et que, souvent, les moteurs de ces bouleversemens en sont les premières victimes.

Le bon sens public avait compris qu'il fallait se hâter de réédifier un gouvernement, de lui donner la consistance nécessaire. Tous les excès étaient à craindre chaque retard créait un danger.

Ceux qui s'imagineraient que la révolution de juillet a été faite dans la pensée d'abolir la monarchie, ou de substituer seulement au roi déchu un prince de la même famille, seraient sous l'empire d'une étrange erreur. La nation a voulu soutenir ses droits, se délivrer des chaînes de la restauration, faire une révolution politique, non une révolution de palais, encore moins une révolution sociale.

La population de la France, notre civilisation. avancée, nos habitudes, l'expérience acquise sous la république et sous l'empire, tout s'accorde pour faire prévaloir une seule forme de gouvernement. Nous voulions donc tous, aux exceptions près que j'ai signalées, une monarchie avec de bonnes, de libérales institutions.

Ce point convenu, quel homme pouvait offrir plus de garanties que le duc d'Orléans? Dans les souvenirs de la vie et de la mort de son père existent des précédens qui ont toujours séparé ses intérêts de ceux des Bourbons répudiés par le pays.

Soldat de la révolution dans sa jeunesse, il fut nourri des principes que nous avons adoptés. Depuis son retour en France, il a toujours entretenu des liaisons avec les principaux organes de l'opposition libérale.

On se disait ces choses, et on ajoutait : Éclairé, instruit, il a dû former son caractère dans les vicissitudes de la fortune, mettre à profit l'expérience des hommes et des temps; riche, il coûtera moins à la France; économe dans la gestion de ses propres affaires, il sera d'autant plus ménager de l'argent des contribuables. Enfin, l'intérieur de sa famille parlait hautement de ses vertus domestiques.

La nation, quoi qu'on ait pu dire, avait besoin du maintien de la paix, et le choix du duc d'Orléans semblait de nature à nous préserver de la guerre. Toute autre forme de gouvernement, tout autre chef de l'Etat, nous exposait aux chances d'une lutte nouvelle, peut-être même d'une restauration imposée.

En présence de tant et de si graves considérations, à ce moment où les factions s'agitaient, où quelques jours perdus dévouaient infailliblement le pays aux calamités de l'anarchie, les élus de la France s'empressèrent de mettre un terme à la vacance du trône, et de proclamer Louis-Philippe roi des Français.

Je viens de dire quelques mots des efforts tentés

par les républicains pour s'opposer à ce grand résultat, et j'ai dit aussi que les élémens de ce parti existaient dans les journées de juillet. C'est un fait qui me paraît trop généralement reconnu pour avoir besoin de le démontrer par des preuves nombreuses : je me bornerai à citer quelques paroles prononcées à ce sujet par M. Raspail devant la cour d'assises, et une lettre que je copierai, malgré sa longueur. Ces deux citations suffiront pour éclairer les incrédules, s'il en existait encore.

Extrait du discours prononcé par M. Raspail devant la Cour d'assises de Paris, le 11 janvier 1832.

« La Société des Amis du Peuple naquit des bar» ricades; ses premiers membres avaient tous com» battu, et la plupart appartenaient à ce vaste réseau » de carbonari qui, pendant quinze ans, ont sou>> tenu la lutte contre la restauration, aux dépens de » leur repos, de leurs libertés et de leur fortune. >>> Artisans immortels d'une révolution sans tache, » ils en réclamèrent les conséquences, et ils s'em» pressèrent de siéger, pour ainsi dire en armes, >> à la seule nouvelle que des intrigans, sortis depuis » un jour de leurs caves, se groupaient autour d'un >> homme sorti du fond de ses paisibles jardins, pour » exploiter tous ensemble une révolution qui s'était » faite sans eux.

» Mais l'argent l'emporta sur la parole, et la cor>> ruption sur le courage. Nos efforts furent inu» tiles : une chambre sans mission replâtra une >> charte et improvisa un roi; il aurait fallu du » sang pour dissoudre cet ouvrage. La société pré>> féra avoir recours au véhicule de l'influence et à >> celui de la persuasion. Le pouvoir, qui débutait >> alors dans la carrière de la déception, fabriqua » une émeute de poltrons dirigée par des stipen>> diaires, et la société, ayant horreur de la guerre » civile, voulut bien faire, ce jour-là, abnégation >>> de sa force; elle se réfugia dans une enceinte >> inaccessible au public, avec lequel elle communi» qua, plus tard, par l'intermédiaire de la presse. » Ce que la société voulait alors, vous pensez bien » qu'elle le veut davantage aujourd'hui.

Copie d'une lettre écrite par MM. Flocon et Lhéritier, insérée dans la Tribune du 25 mars 1832.

DEUX FAITS DE LA RÉVOLUTION DE 1830.

AU RÉDACTEUR DE LA TRIBUNE.

« Monsieur,

>> Nous vous prions de vouloir bien accueillir » dans votre journal la réponse suivante aux as>> sertions émises samedi dernier par M. de Lameth » à la tribune de la chambre des députés.

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