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que active et dévouée qu'elle ait pu être, ait eu la moindre influence sur l'accomplissement de cette œuvre; et si, pour être conséquent avec le plan que je me suis tracé, je me vois obligé de dire les choses qui me sont personnelles, je prie mes lecteurs de croire que je le fais avec toute l'humilité possible, et avec la conscience de la très-minime part dévolue à chacun dans une révolution à laquelle tout le monde a concouru, et dans laquelle tout le monde a fait son devoir.

Les ordonnances avaient paru au Moniteur dans la matinée du 26 juillet.

Le même jour, à une heure, les membres des bureaux définitifs aux dernières élections se considérant, avec quelque fondement, comme les organes du corps électoral qui les avait choisis, se réunirent spontanément dans les bureaux du National, dont MM. Thiers et Mignet étaient alors les principaux rédacteurs.

Les électeurs renouvelèrent dans cette circonstance l'exemple donné en 89 par leurs devanciers, qui, le jour même de la prise de la Bastille, se constituèrent à l'hôtel de ville pour agir au nom de la

cité.

On ne doutait pas que Charles X ne tentat les efforts les plus désespérés pour soumettre le pays à l'obéissance; on pressentait l'imminence des dangers qui menaçaient les hommes assez courageux

pour proclamer la résistance; et cependant on fut unanime sur ce point, qu'il fallait résister.

Ce principe admis, il devenait essentiel de s'entendre sur les moyens d'exécution. L'assemblée décida qu'une nouvelle réunion aurait lieu le même soir, à sept heures.

Celle-ci, beaucoup plus nombreuse, ne fut pas moins unanime dans la volonté d'agir. Cette fois, on en discuta les moyens; mais il convenait de communiquer aux députés cette grave détermination des mandataires de la capitale.

Plusieurs députés se trouvaient réunis chez M. Delaborde. Comme la démarche proposée tendait également à provoquer de leur part une protestation anologue, cinq commissaires furent chargés de cette mission: c'étaient MM. Mérilhou, Boulay de la Meurthe, Hubert, Féron et moi.

Aucun retard n'avait été mis dans notre démarche; mais les députés réunis chez M. Delaborde ayant jugé leur nombre insuffisant pour donner un caractère définitif à leurs délibérations, venaient de s'ajourner au lendemain chez Casimir Périer, chargé de convoquer tous ses collègues de l'opposition présens à Paris.

La réunion eut lieu le jour suivant, à deux heures. Les cinq commissaires-électeurs y furent admis. M. Mérilhou porta la parole en notre nom, et fit connaître en peu de mots la volonté populaire

dont nous étions les interprètes. Les députés nous ayant écoutés en silence, et aucun d'eux ne répondant à l'orateur, l'un de nous, M. Boulay de la Meurthe, leur fit observer qu'étant venus au nom de la ville de Paris exprimer ses intentions, nous avions à rendre compte du résultat de notre démarche. « Pouvons-nous faire espérer à nos com>> mettans, s'empressa-t-il d'ajouter, que vous vous » associerez à notre résistance, ou, du moins, » que vous protesterez contre un attentat aux li>> bertés nationales? Que dirons-nous à ceux qui » nous envoient? »

M. Labbey de Pompières, en sa qualité de doyen des députés présens, nous répondit « que leur >> réunion n'avait pas un caractère officiel; que >> son but était de se concerter sur ce qu'il conve>>> nait de faire; que, d'ailleurs, ses collègues et lui »ne formaient qu'une fraction de la chambre, et » que par conséquent aucun d'eux n'avait le » droit de parler au nom de la représentation na» tionale. » Puis il ajouta « qu'en ce qui le >> concernait personnellement, il s'associait d'in>>>tention aux efforts des bons citoyens, et qu'il >>> faisait des vœux pour le succès de leur généreuse entreprise. >>

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Nous quittâmes la réunion pour rendre compte à nos amis, dans les bureaux du National, de l'accomplissement de notre mission; et nous convin

mes de nous retrouver le même soir, 27 juillet, chez M. Cadet de Gassicourt.

Je m'y rendis à sept heures et demie. Bientôt l'assemblée fut assez nombreuse pour que nous pussions nous occuper utilement.

Les boutiques étaient fermées, les réverbères brisés; plusieurs barricades avaient été détruites par les troupes royales; des charges de cavalerie venaient d'avoir lieu dans la rue Saint-Honoré, devant la maison de M. Gassicourt. C'était le commencement du combat entre la troupeetles citoyens.

Il fut décidé que douze commissaires seraient nommés, un pour chaque arrondissement, afin d'imprimer à la résistance une sage direction, et d'établir des centres d'action sur les points principaux de la capitale. On choisit, séance tenante, les douze commissaires, et l'on me désigna pour le deuxième arrondissement 1.

Dans la nuit du 27 au 28, et dans la matinée suivante, je fis tout ce qu'on attendait de moi pour seconder le mouvement 2.

1 A cette réunion se trouvaient, entre autres, MM. Thiers, Schonen, Chevalier, Cauchois-Lemaire, Béranger (le poète), Boulay de la Meurthe, etc.

2 Ces faits et la plupart des précédens sont consignés dans un ouvrage contenant l'historique de la RÉVOLUTION DE JUILLET, dont je crois pouvoir extraire le passage qui suit : « La nuit du 27 au 28 » et la journée du 28 furent consacrées à faire des barricades, à ras> sembler des armes, à organiser des points de résistance. M. Audry

Le 28, tandis que la fusillade s'engageait vivement, je dus, comme juge, aller siéger au tribunal de commerce. L'imprimeur du Courrier français avait refusé à ce journal l'usage de ses presses, se fondant sur la défense de l'autorité et le cas de force majeure. Sur la plaidoirie de M. Mérilhou en faveur de cette feuille, le tribunal rendit un jugement qui, dans ce moment, exerça une grande et salutaire influence.

La section du tribunal qui le rendit était composée de MM. Ganneron, Lemoine Tacherat, Lafont fils, Truelle et moi. Après les plaidoiries, nous nous retirâmes dans la salle des délibérations, et là nous fûmes tous d'accord pour condamner l'imprimeur, sans avoir égard aux ordonnances. Il n'y eut pas, sur le principe, la moindre discussion.

En sa qualité de président, et conformément à l'usage, M. Ganneron rédigea le projet de jugement. Les motifs développés dans les considérans ne m'en parurent pas assez énergiques, et, sur l'observation que j'en fis avec M. Truelle, M. Ganneron voulut bien adopter et écrire les deux paragraphes principaux, tels que j'en avais proposé la

» de Puyraveau et M. Gisquet secondèrent le mouvement de tout » leur pouvoir. M. Gisquet rassembla dans sa maison, rue Bleue, » de la poudre et des armes, et sa maison fut, pendant les journées » du 28 et du 29, le centre de réunion de tous les patriotes, qui, déjà » dès le 28, avaient élevé les barricades de la rue Cadet. » Deux ans de règne, page 66.

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