Page images
PDF
EPUB

Assem

une gravité impertubable et une grande habitude des négociations. Ce dernier mourut malheureusement au mois de février 1787, et fut remplacé par le comte de Montmorin.

Dès-lors le contrôleur des finances resta seul en butte aux menées d'une foule d'ambitieux, qui trouvaient dans la disposition générale des esprits et des affaires, de puissants auxiliaires pour le renverser. Il n'avait point le genre de talent convenable pour lutter contre la masse d'obstacles qui lui étaient opposés ; et les vices de son administration mirent le comble à son malheur en ouvrant un vaste champ aux accusations de ses ennemis. Ils lui reprochèrent la dilapidation des deniers que Necker prétendait avoir laissés dans l'état le plus prospère.

Cependant l'esprit de fronde augmente chaque jour; l'opinion publique s'exalte de plus en plus; les désordres de l'administration vont toujours croissant. Le Roi effrayé par l'impossibilité d'opérer le bien au milieu de tant d'oppositions, désire plaire à tous, et ménager tous les intérêts. Il recommande sans cesse à ses ministres des réformes, des emprunts, plus de nouveaux, impôts, plus de résistances des parlements. Vues assez difficiles à concilier avec la situation de l'État, et qui font plus d'honneur à la philanthropie du monarque qu'à sa sagacité.

La difficulté de découvrir un moyen de se tirer blées des d'embarras, ne dispensait pas de l'obligation de le notables.chercher. M. de Calonne crut l'avoir trouvé dans une

assemblée de notables, qu'il espérait entraîner par l'amour du bien public, ou dominer par son ascendant, de manière à faire cesser la résistance que les cours de

magistrature opposaient depuis longtemps à l'enregisment de tous les édits.

Son plan reposait sur la répartition égale de l'impôt, sur l'établissement d'états provinciaux dans tout le royaume, et l'abolition de plusieurs droits vexatoires dont on se plaignait avec raison.

On ne peut qu'applaudir aux principes développés dans le mémoire intéressant que ce ministre soumit au Roi ; mais en réfléchissant à l'état réel de l'esprit public, on doit avouer qu'il reposait sur de belles chimères.

Par un calcul ou un désintéressement difficile à concevoir, M. de Calonne avait provoqué lui-même l'influence de ses plus ardents détracteurs dans l'assemblée des notables, et particulièrement celle de l'archevêque de Toulouse, intrigant sans morale comme sans moyens, qui aspirait à le remplacer. Enfin cette assemblée regardée comme la dernière arche de salut fut installée; M. de Calonne fit avec le talent oratoire qui le distinguait, un tableau séduisant de la situation prospère où se trouvait la France depuis l'heureuse issue de la dernière guerre. Ce tableau, quoique fidèle, était malheureusement terminé par un aveu pénible de l'embarras des finances et d'un déficit de 1400 millions, qu'il fallait couvrir par une augmentation de charges annuelles de 127 millions. En vain le ministre propose des moyens d'y subvenir et fait ressortir la faiblesse du sacrifice imposé à la France, en comparaison des heureuses destinées qui l'attendent. On oublie tout ce que ce souvenir avait de glorieux, pour se rappeler que six ans auparavant, Necker promettait un excédent annuel de dix millions. On ne peut concevoir qu'outre les revenus ordinaires du fisc, on ait dévoré dans ce court

Chute de

Calonne.

espace de temps, et en plaine paix, des sommes si exorbitantes; et l'on observe d'ailleurs que le nouveau projet repose sur la suppression des priviléges pécuniaires auxquels on attache tant de prix.

Les détracteurs de M. de Calonne ne manquent pas M. de de tirer parti de la contradiction apparente qui existe entre les assertions du contrôleur et le compte-rendu de son prédécesseur, et croyant y trouver la preuve d'énormes déprédations, ils l'accusent hautement. Ce fonctionnaire devient en un instant l'objet de l'animadversion générale; perdu dans l'esprit des grands et du clergé, accusé par le tiers-état d'avoir augmenté les charges et détourné les derniers publics pour fournir à tous les débordements des courtisans, il est forcé de quitter le ministère, et de se retirer chez l'étranger, où son activité et ses intrigues ne tardent pas à faire un mal irréparable à la France et à la famille qu'il voulait

sauver.

Peut-être trop de facilité dans les paiements faits à la cour et aux pensionnaires de la liste civile, donna-t-elle prise aux inculpations dont il fut la victime toutefois il semble plus juste de croire que les calculs de Necker étaient inexacts. Le déficit provenait en majeure partie des efforts pour la guerre d'Amérique, Necker ne l'avait pas comblé; et si M. de Calonne y ajouta quelques millions, ce n'était pas une raison de lui imputer tout le mal.

Les Notables satisfaits de la retraite du ministre, cédant néanmoins à la nécessité de ne pas détruire lės espérances que leur réunion avait fait naître, ou inspirés par un reste de patriotisme qui leur commandait de porter remède aux maux de l'État, adoptèrent

en grande partie les projets de l'homme qu'ils venaient de sacrifier.

Les corvées furent abolies, la gabelle jugée, la libre circulation intérieure et la liberté du commerce des grains consacrées, la subvention territoriale établie; mais les parlements qui ont joué un rôle si contradictoire sous ces deux derniers règnes, sans cesser pour cela de prouver leurs orgueilleuses prétentions, luttèrent encore cette fois contre le bien public pour soutenir les prérogatives des corps privilégiés.

Sur ces entrefaites, l'archevêque de Toulouse, plus connu dès-lors sous le titre d'archevêque de Sens ou cardinal de Loménie, avait atteint son but : investi d'un pouvoir immense et nommé principal ministre, il sem blait que sa dictature pût seule sauver la monarchie, et elle en accéléra la perte. Ce ministre d'un caractère au fond pusillanime, n'avait d'énergie que par emporte

ment.

Brienne.

La résistance des parlements ne lui déplut point, Bévues tant qu'elle porta sur les projets de Calonne, puisqu'elle de M. de justifiait ses intrigues contre lui: mais lorsque cette résistance se prolongea et heurta toutes les mesures de l'administration, le cardinal imagina de mettre les parlements en vacances, et de substituer au consentement de ces magistrats frondeurs, celui d'une cour plénière. C'était une assemblée de députés de chaque ordre, calquée, disait-on, sur les plus anciennes institutions de la monarchie; mais toutes les magistratures voyant dans cette innovation une menace sérieuse contre leurs prérogatives, excitèrent un mécontentement universel. La Bretagne se constitua en révolte ouverte; la noblesse se mit à la tête des opposants, et

par une bizarrerie qui caractérise au reste toute la mar. che de cette révolution, les bourgeois de Rennes et de Nantes furent les plus ardents défenseurs des corps privilégiés, tant l'esprit de résistance à la cour, quel qu'en fût le motif, semblait une preuve de patriotisme ou d'attachement à la liberté !

Trop faible pour vaincre larésistance qu'il éprouvait, et trop inhabile pour la détourner, le nouveau ministre après avoir employé tour-à-tour une violence outrée, mais partielle, et une faiblesse qui n'était rien moins que de la modération, dut renoncer à son projet de cour plénière. Cependant l'État dépérissait et le mal ́augmentait de jour en jour sans que personne y trouvât même un palliatif. Le cardinal acheva de perdre toute considération par la faiblesse qu'il montra lors de l'invasion des Prussiens en Hollande, et en précipitant par cet oubli de la politique nationale, la république des Provinces-Unies sous l'influence anglaise. Cette ineptie qui fit perdre d'un seul trait tout le fruit de la paix de 1783, dut paraître d'autant plus extraordinaire aux hommes-d'État de tous les pays, que l'alliance de de la cour de Vienne et la bonne intelligence avec la Russie eussent aisément donné les moyens de s'opposer à cette invasion. On lui reprocha également de n'avoir point su mettre à profit l'occasion qui lui fut offerte par Tippo-Saïb pour chasser les Anglais de l'Inde.

Dans la lutte qui s'était établie entre les parlements et le ministère, les premiers avaient prononcé le mot d'états-généraux. En vain leur observe-t-on que cette assemblée nationale, qui n'a pas été réunie depuis 1614, et l'a été sans succès, restreindra probablement

« PreviousContinue »