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à plus de périls qu'il n'en pouvait espérer de succès, et fit sa paix particulière avec la Russie, à Varela, le 14 août de la même année.

Cependant les Polonais, animés du désir de mettre un terme aux abus qui avaient causé tous leurs maux, procédaient à cette régénération avec un calme inconnu dans leurs diètes depuis plus d'un siècle, et qui prouvait d'autant mieux les sacrifices particuliers qu'ils faisaient tous pour atteindre au but louable de sauver leur patrie.

Cette constitution si vivement désirée, si impatiemment attendue, parut enfin le 3 mai 1791. Elle rendit le trône héréditaire, afin d'éviter les commotions éternelles que le système électif avait occasionnées. La princesse de Saxe et sa descendance mâle furent appelées à la succession, après la mort de Stanislas-Auguste. La puissance royale, rendue plus fixe, se trouva limitée par de sages institutions, et le bonheur de la Pologne semblait assuré,

Pendant que la diète croyait poser les bases de la félicité publique, les Russes, abandonnés par les Autrichiens dans leurs opérations contre les Turcs, n'en avaient pas moins continué la guerre avec vigueur. Le visir Jussuf moins heureux contre le prince Repnin, e qu'il ne l'avait été contre le cordon de Lascy, fut totalement défait à Matzin: Suwarow emporta Ismaël, après un carnage affreux qui coûta la vie à 20 mille Turcs; Warna allait succomber, et l'armée du grandvisir était en danger d'être coupée.

Ces succès menaçants réveillèrent Frédéric-Guillaume. Ce prince versatile avait trop bien jugé néanmoins la politique de son illustre prédécesseur, pour

qu'il ne revînt pas, par la force des circonstances, au système de Hertzberg. Il sentit le besoin de se prononcer; mais, toujours guidé par le même esprit de parade, il se borna à une guerre de plume, Cathe, que rine apprécia à sa juste valeur; et pendant que les ministres prussiens remettaient des notes dont on s'amusait, Potemkin, Repnin et Suwarow gagnaient des batailles, et menaçaient d'aller à Constantinople.

Cependant le danger devint tellement pressant, que Frédéric-Guillaume crut enfin devoir rassembler ses troupes aux frontières de Russie. La diète polonaise détermina aussi le secours à donner à ces mêmes Musulmans que Sobieski avait vaincus devant Vienne cent ans auparavant. La Suède s'arma de nouveau, et tout annonça qu'un orage, plus violent que le premier, allait bientôt éclater sur la Russie, et bouleverser tout l'Orient.

les

Catherine, qui avait cru pouvoir résister, en 1786, avec l'alliance des Autrichiens, ne jugea pas devoir conjurer seule cette tempête plus alarmante. Les succès de ses armées achetés des flots de sang, par avaient d'ailleurs presque autant affaiblies que des défaites. Au moment où l'Europe s'y attendait le moins, où ses partisans tremblaient pour elle, la czarine sut prendre un parti décisif; profitant des ouvertures de médiation de l'Angleterre, elle fit remettre des notes très pacifiques à toutes les cours, et Repnin conclut en effet, à Galatz, des préliminaires avec les Turcs, qui, au moment le plus critique, furent fort surpris de recouvrer plus qu'ils n'avaient osé demander, et d'en être quittes pour la cession du petit district d'Oczacow, consacrée par le traité définitif de Jassy (janvier 1792).

Telle fut la fin d'une guerre dont l'intérêt disparaît maintenant à nos yeux par l'importance de celle qui devait bientôt embraser l'Occident, mettre tous les trônes en péril, occuper et agiter les quatre parties du Monde.

CHAPITRE II.

Coup-d'œil sur les Causes et les premiers Événements de

la Révolution.

Pour présenter le tableau complet de ces scènes extraordinaires, il faudrait un talent que nous sommes loin de posséder.

Notre projet est d'indiquer seulement les catastrophes principales qui signalèrent la chute de l'antique. monarchie française, afin que nos lecteurs puissent rattacher les opérations des armées, avec ce qui se passait dans l'intérieur, et ne pas séparer des faits qui se lient essentiellement leurs combinaisons comme par par leurs résultats.

entre eux,

Des écrivains plus habiles que nous, Ségur, Lacretelle et Bertrand de Molleville, ont déjà esquissé de main de maître, les traits principaux de ces événements. Si leurs raisonnements diffèrent quelquefois s'ils se sont ressentis de leur situation personnelle et de l'influence de l'esprit du temps, on ne peut se dissimuler néanmoins les droits que ces historiens ont acquis à l'estime de la postérité, et le lecteur éclairé saura trouver, entre leurs assertions, le terme moyen convenable pour asseoir ses jugements.

Avant de procéder à cet examen, il ne sera pas inutile d'indiquer les principes qui nous servirent de guides; s'ils nous mettent en butte aux critiques de tous les partis, ce sera une preuve qu'ils sont dépouillés d'exagération.

Nous respectons ces doctrines de vraie liberté qui

sont si propres à élever le cœur de l'homme, mais qui ont si souvent égaré sa tête. Nous estimons ces citoyens de toutes les conditions qui, animés par ces brillantes théories, ont voulu faire le bonheur et la gloire de leur pays en les y propageant. Nous sommes même convaincus que, si un peuple pouvait s'isoler des autres, l'application de ces dogmes deviendrait pour lui un besoin préférable au repos et à la prospérité intérieure. Mais nous pensons aussi que dans le labyrinthe politique où l'Europe semble jetée depuis le règne de Charles-Quint, un État doit conserver toute sa force, non-seulement pour faire face aux ennemis extérieurs, mais encore pour ne pas les exciter, par des discordes intestines, à intervenir dans des intérêts qui devraient leur être étrangers. Une administration vigoureuse dans ses formes, limitée par un très petit nombre de principes fondamentaux, mais composée d'hommes généreux et libéraux, paraît donc la seule qui garantisse l'ordre au dedans, la considération et la force au dehors, l'indépendance envers et contre tous. Une telle administration loin d'être incompatible avec les maximes de liberté civile et d'égalité en droits politiques, seules théories de gouvernement que la raison doive admettre, pourrait être regardée comme la meilleure garantie de ces droits précieux.

Si les discussions à la tribune contribuent au perfectionnement de l'administration publique quand les législateurs sont animés d'un grand dévoûment national, elles semblent d'autant plus nuisibles et dangereuses lorsqu'ils sont dominés par un esprit de caste ou de parti. Il ne faut point oublier que si les débats des parlements 'anglais ont contribué à la gloire de la Grande-Bretagne,

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