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mises dans un état prospère par les soins du contrôleur Orry. L'armée fut portée sur un pied respectable par d'Argenson. La marine et les relations-exterieures restèrent en souffrance; mais une impulsion vigoureuse fut donnée, avec assez de promptitude, à une narchie qui semblait décrépite comme le ministre qu'elle venait de perdre.

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L'invasion de la Belgique fut résolue; on sait avec quel succès le maréchal de Saxe l'exécuta. La Hollande soumise à l'influence anglaise figurait toujours parmi les ennemis de la France: elle commença cette guerre avec son or, et la finit avec le sang précieux de ses peuples; celui des Hollandais, qui coula à grands flots à Fontenoi, à Raucour, à Laufeld, fut versé pour expier de longues erreurs; il scella pour ainsi dire, la charte oppressive de Cromwell, prépara les trophées maritimes de l'Angleterre, et lui assura les avantages incalculables qu'elle recueillit dans la guerre suivante.

Les revers essuyés par les armes hollandaises et les succès menaçants du maréchal de Saxe furent mis à profit par le ministère anglais, habile à tirer parti de toutes les circonstances. Le cabinet de Londres crut s'attacher irrévocablement la politique des Provinces-Unies en protégeant l'autorité de la maison d'Orange. Le danger de la république rappelait les services rendus par Guillaume dans des circonstances à peu près semblables. Les États-Généraux crurent trouver le remède à tous les maux en rétablissant la dignité stadhouderienne avec toutes ses prérogatives, et en la rendant héréditaire dans la famille d'Orange; mais une nouvelle défaite à Laufeld prouva que les hommes et les siècles ne se ressemblent pas.

La paix d'Aix-la-Chapelle mit fort heureusement fin à cette guerre, dans laquelle les États-Généraux humiliés perdirent la considération passagère et l'éclat trompeur auxquels ils avaient sacrifié le bien public et celui de leur pays en particulier. La Hollande fut redevable à la modération excessive et peut-être à la faiblesse du ministère de Louis XV, de se tirer à si bon marché d'une querelle où une fausse politique l'avait engagée. Cette leçon aurait dû déterminer les ÉtatsGénéraux à un changement absolu de système, mais il ne firent que le modifier, en lui substituant celui de neutralité qui n'était guère plus convenable, parce que les demi-mesures sont rarement bonnes en politique. La suprématie anglaise, décidée dans la guerre suivante, rejeta la république à un rang au-dessous de celui qu'elle craignait tant d'occuper sous Louis XIV. L'Espagne, plus sage, était revenue à ses relations naturelles avec la France, aussitôt que les griefs de Philippe V eurent cessé d'exister par l'avénement de Louis XV au trône et de Fleury au ministère. Cette puissance était en guerre depuis 1739 avec les Anglais, qui portèrent la terreur dans l'Amérique espagnole, prirent et saccagèrent Porto-Bello, mais échouèrent devant Carthagène. La marine des alliés parut dans la Méditerranée en forces inférieures; cependant elle lutta avec assez d'honneur à Toulon contre l'amiral Mathews (1744).

Les Français s'emparèrent aux Indes orientales de l'importante place de Madras: l'habile Dupleix porta. pendant longtemps les armes victorieuses de la compagnie sur tous les rivages de l'Inde : mais il ne fut pas soutenu, et ses efforts glorieux finirent par une catastrophe.

En Europe, les armées espagnoles eurent d'abord de brillants succès; toute l'Italie méridionale subit leur loi. La scène changea de face quand Frédéric eut fait sa paix séparée avec Marie-Thérèse, et que l'impératrice, débarrassée du gros de ses ennemis en Allemagne, fit porter un renfort de trente mille hommes en Lombardie, qui lui assura la supériorité. Les Espagnols furent repoussés sur Naples: la France se hâta alors d'envoyer une petite armée aux ordres de Maillebois les soutenir, mais des moyens insuffisants et des fautes firent perdre aux alliés la bataille de Plaisance; les Impériaux portèrent après cette bataille leur armée jusqu'en Provence et en Dauphiné, d'où le maréchal de Belle-Isle ne tarda pas à les chasser.

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La paix d'Aix-la-Chapelle, dont nous avons parlé plus haut, vint arrêter une nouvelle invasion de l'Italie; l'infant don Philippe garda Parme et Plaisance, bien malheureuse indemnité des efforts que l'Espagne avait faits contre tous ses intérêts, au lieu de les porter vers sa marine et ses colonies. Cette paix fut sans exemple dans les annales de la diplomatie la France victorieuse fut presque humiliée; après beaucoup de débats il fut permis à Louis XV de rendre ses conquêtes en Flandre et aux Indes; à peine put-il s'affranchir de l'humiliante obligation stipulée dans le traité d'Utrecht, relativement aux fortifications de Dunkerque.

Ce traité extraordinaire, dû à la précipitation de son négociateur (M. de Séverin) autant qu'à l'esprit du ministère, alors influencé par madame de Pompadour, fut le signal de tous les malheurs qui accablèrent la France sous le règne de cette favorite. La guerre de sept ans vint bientôt y mettre le comble.

Les fautes du cabinet de Versailles, à cette époque, lui furent plus funestes que les sanglantes défaites de Louis XIV ne l'avaient été à la fin de son règne : les traités d'Utrecht et d'Aix-la-Chapelle en sont une preuve suffisante; ils démontrent qu'une nation peut éprouver des revers, mais qu'une mauvaise administration intérieure et un mauvais système fédératif sont plus nuisibles encore.

Le ministère de Versailles commença en 1755 une guerre maritime, que les Anglais provoquèrent sans doute par leurs excès, mais qu'ils n'excitèrent que d'après la connaissance qu'ils avaient du caractère des personnages appelés à gouverner la France, et de l'état où ils avaient laissé tomber sa marine. Lé mal eût été réparé, si, avant la rupture, on s'était assuré l'alliance d'une grande puissance maritime; mais, au lieu de cela, le cabinet de Versailles songea à chercher sur le continent de tristes indemnités pour ses pertes coloniales: il imagina de frapper l'Angleterre dans l'électorat de Hanovre ! Pour atteindre plus sûrement son but, il conclut en 1756 et 1758, ces fameux traités d'alliance avec l'Autriche, qui durèrent jusqu'en 1792, et qui furent le sujet de tant de controverses, et de tant de déclamations à la tribune de l'Assemblée Nationale. Ces traités, s'ils eussent été fondés sur des avantages plus réciproques, auraient peut-être bien convenu à la France, puisqu'il devait lui être avantageux d'être appuyée par une grande puissance continentale, afin de diriger tous ses efforts et ses moyens du côté de sa marine; mais les stipulations de cet acte qui nous sont connues jusqu'à ce jour, et principalement celles du traité supplémentaire de 1758, étaient tout entières

en faveur de la maison d'Autriche; la France lui payait l'entretien d'un corps considérable pour agir contre la Prusse, elle s'engagea ensuite à faire marcher cent mille hommes en Allemagne, et à couvrir la Belgique pour Marie-Thérèse. Ainsi loin d'éviter une guerre continentale, elle cut à en soutenir une aussi longue que coûteuse, et dont elle ne pouvait espérer aucune espèce d'avantage.

Le ministère de Versailles partit du faux point de vue que le Hanovre était identifié avec les intérêts de l'Angleterre, et que l'occupation de cet électorat pourrait être une compensation de la supériorité qu'on laissait prendre à cette puissance dans les deux Indes et dans la Méditerranée. Ce système ridicule aurait été tout au plus excusable s'il ne se fût agi que d'échanger des colonies perdues contre un électorat gagné; mais comment compenser les vaisseaux pris, la considération et la confiance détruites, les matelots prisonniers, le commerce anéanti?

Graces à la parcimonie mal dirigée du cardinal de Fleury, sa marine était tombée dans un état qui ne permettait pas d'entreprendre une guerre sans le concours d'une grande alliance. L'Angleterre avait cent dix vaisseaux de ligne, la France n'en pouvait armer que soixante-dix et tous les moyens de réparations et de remplacements étaient à la longue en faveur de la première de ces puissances. Néanmoins, le cabinet de Versailles engagea imprudemment des hostilités auxquelles il ne s'était point préparé.

Le pacte de famille, signé en 1761, décida l'Espagne à prendre part à la guerre en 1762, lorsque les pertes réitérées essuyées par la France depuis sept ans

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