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convenable que j'eusse à ma disposition un million, pour faire face aux indemnités dues pour les revenus non perçus depuis le mois d'août 1789, sauf à rendre compte de l'emploi. Mes sollicitations sont demeurées sans effet, au moyen de quoi la négociation avec les princes palatins n'a pu avoir de suite.

Quant à celle avec M. le duc de Wurtemberg, elle a été suivie, malgré le silence du comité. Il a été ébauché un nouveau projet de convention; ce projet a encore été communiqué au comité diplomatique; il est également demeuré sans réponse de sa part, et la négociation n'a pu être terminée; elle va être reprise, et j'ai lieu d'espérer que son résultat pourra incessamment être mis sous les yeux de l'assemblée, M. le duc de Wurtemberg persistant dans l'intention de transiger.

Quant à M. le prince de Lowenstein-Wertheim, les points de l'indemnité qu'il a réclamée sont convenus et arrêtés, et ils seront incessamment portés à la connaissance de l'Assemblée Nationale. Je les avais adressés à M. le président de la dernière assemblée; mais la multitude d'autres matières, et la briéveté du temps, ont été cause qu'ils n'ont pas été mis en délibération.

Le canton de Bâle a aussi réclamé des indemnités pour des dîmes et quelques droits utiles et honorifiques. Je suis tombé d'accord sur les bases avec le député que ce canton helvétique avait envoyé à Paris; j'en ai adressé la note au comité diplomatique, mais il ne me l'a point renvoyée; ainsi je me suis trouvé dans l'impossibilité de terminer cet objet.

Le Prince-Évêque de Bâle, s'est aussi montré disposé à recevoir l'indemnité qui lui est due pour les dîmes qu'il possédait dans le département du Haut-Rhin; mais les troubles survenus dans son pays, l'ont empêché jusqu'à présent d'envoyer un fondé de pouvoirs.

Tous les autres princes possessionnés dans la ci-devant province d'Alsace, ont décliné l'invitation du Roi, ils se sont adressés à l'Empercur et à l'Empire, pour être réintégrés dans leurs droits, tant utiles qu'honorifiques. La diète a accueilli leur demande; elle a envoyé à la ratification de l'Empereur le conclusum qu'elle a pris à cet égard. Cette ratification n'a pas encore été donnée, mais il y a apparence qu'elle ne tardera pas à l'être; et ce ne sera que par les démarches qui seront faites en conséquence, que nous pourrons connaître les vues et les intentions du corps germanique, à l'égard de la France.

Messieurs, le Roi m'a autorisé à donner connaissance à l'Assemblée Nationale des réponses que Sa Majesté a reçues de diverses puissances, depuis celles que M. Montmorin a communiquées à l'assemblée. Je commencerai par la réponse de l'Empereur; cette réponse est en latin; mais la traduction que je vais vous lire est, je crois, fidéle.

«Vienne, le 23 octobre 1791.

« Très sérénissime et très puissant Prince, seigneur, notre très cher frère, cousin et allié! L'ambassadeur de Votre Majesté, nous a remis les lettres par lesquelles elle nous notifie son acceptation de la nouvelle constitution qui lui a été présentée. Plus nous sommes étroitement unis par les liens du sang, de l'amitié, de l'alliance et du voisinage, plus nous avons à cœur la conservation de Votre Majesté et de sa famille royale, de même que la dignité de sa couronne et le salut de la monarchie française. Ainsi, nous désirons avec une affection sincère, que le parti que Votre Majesté a cru devoir prendre dans l'état actuel des choses, ait le succès qu'elle en attend; qu'il réponde à ses vœux pour la félicité publique, et en même temps que les causes qui sont communes aux Rois et aux Princes, et qui, par ce qui s'est passé dernièrement, ont donné lieu å de sinistres augures. cessent pour l'avenir, et que l'on prévienne la nécessité de prendre des précautions sérieuses contre leur retour. >>

Le grand-duc de Toscane, le roi de Sardaigne, le roi de Pologne, le duc de Saxe-Gotha et la ville de Dantzig, écrivirent au Roi des lettres à peu près semblables.

L'Électeur de Mayence a fait aussi une réponse : mais la copie qui en a été remise en même temps au ministre du Roi, ainsi que cela est d'usage, ayant mis Sa Majesté à portée de connaître que cette réponse contenait le renouvellement des protestations que l'Electeur avait déjà faites au commencement de cette année, Sa Majesté a pensé qu'ayant voulu simplement donner à ce prince, une marque d'égards en lui notifiant son acceptation de la constitution, il n'avait pas dû, dans une semblable circonstance, renouveler de pareilles protestations; en conséquence, Sa Majesté a jugé à propos de renvoyer la lettre à l'Electeur sans l'ouvrir.

Après avoir fait connaître à l'Assemblée Nationale, la situation

des choses, relativement à la notification de l'acceptation du Roi de l'acte constitutionnel, je dois lui faire part des mesures prises par le Roi, concernant les Français sortis du royaume. Les rassemblements qu'ils ont formés ont eu lieu principalement dans quatre points différents: dans les Pays-Bas autrichiens, à Coblentz, ȧ Worms et à Ettenheim. Du moment où ils ont causé de l'inquiétude, le Roi s'est occupé des moyens de la faire cesser; le voisinage des Pays-Bas a dû fixer plus particulièrement l'attention de Sa Majesté; et les rapports d'alliance, d'amitié et de parenté, qui règnent entre le Roi et l'Empereur, ont procuré à Sa Majesté la facilité d'exercer une influence dont on n'a pas tardé à ressentir les effets. Dès le mois de mars et le mois d'avril de cette année, l'Empereur a fait donner les ordres les plus précis à cet égard; ces ordres ont été renouvelés par une ordonnance du mois d'août, qui défend toute espèce d'enrôlement, qui prescrit d'éloigner les réfugiés français qui s'en rendraient suspects, et généralement de veiller à ce qu'il ne soit rien donné ou fabriqué par les sujets autrichiens auxdits réfugiés ou à leurs gens qui pût servir à leur armement; enfin, de nouveaux ordres ont été donnés au mois d'octobre dernier, par le gouvernement des Pays-Bas, pour disperser les Français réunis en trop grand nombre à Ath et à Tournay, et pour leur enjoindre de se diviser, et de prendre leur asile dans plusieurs villes des Pays-Bas qui leur ont été indiquées.

La constitution de l'Empire, la position des lieux et la différence des relations, n'ont pas permis au Roi d'agir d'une manière aussi directe relativement aux autres lieux dans lesquels il s'est formé des rassemblements; mais Sa Majesté, en remerciant l'Empereur du soin qu'il a pris de faire cesser tout ce qui pouvait nous causer de l'inquiétude, a demandé à ce prince d'interposer ses bons offices et son autorité, à l'effet d'assurer dans toute l'étendue de l'Empire le respect dû au droit des gens, ainsi qu'aux lois et aux traités qui garantissent la paix et la tranquillité générale. Indépendamment de cette démarche, le Roi a fait demander directement à l'électeur de Tréves de faire cesser les rassemblements et les préparatifs qui existent dans ses États, et d'empêcher soigneusement qu'il ne s'en forme de nouveaux à l'avenir. Le Roi a adressé la même demande à l'électeur de Mayence, en sa qualité d'évêque de Worms; enfin, Sa Majesté a donné des ordres pour qu'en suivant les formes constitutionnelles du corps germanique, il soit fait de toutes parts les décla

rations et réquisitions nécessaires pour dissiper et pour prévenir toute espèce de rassemblements, pour s'opposer aux enrôlements, pour empêcher qu'il ne soit fourni des armes ou des munitions de guerre, pour faire cesser, en un mot, tout ce qui pourrait avoir l'apparence de projets hostiles. Sa Majesté veillera avec le plus grand soin à ce que ses ordres soient fidèlement exécutés ; elle emploira tous les moyens de confiance et d'autorité qui sont en son pouvoir; et comme elle aura partout à faire valoir l'exemple imposant du chef de l'Empire, elle espère que le succès de ses mesures répondra au désir qu'elle a de procurer efficacemant la sûreté et la tranquillité de l'État.

N° 7.

Discours prononcé par Brissot, dans la Séance du 19 décembre 1791.

Il est donc enfin arrivé, le moment où la France doit déployer aux yeux de l'Europe le caractère d'une nation libre qui veut défendre et maintenir sa liberté; de grandes mesures doivent être prises, mais il faut les faire précéder d'une discussion calme et salutaire. Représentants du peuple français, organes de sa volonté, dépositaires de son bonheur, vous ne pouvez porter trop d'attention, trop de maturité dans l'examen de ces mesures; vous devez appeler toutes les lumières, vous devez vous en environner. C'est de l'or, c'est du sang des Français que vous allez disposer. Vous allez juger la cause des rois étrangers : montrez-vous dignes de cette auguste fonction, mettez-vous au-dessus d'eux, ouvous seriez au-dessous de la liberté. Vous aviez porté un décret contre les rebelles, le veto du Roi en a suspendu l'effet; les ennemis de la révolution ont continué leurs menaces et leurs rassemblements hostiles, le pouvoir exécutif a continué son indulgence; enfin vous avez adressé un message au Roi, pour dissiper ces rassemblements. Le Roi est venu vous annoncer qu'il allait faire des déclarations aux princes étrangers qui favorisent les rebelles, et prendre les mesures militaires les plus propres à suppléer à ces déclarations, si elles ne sont point écoutées. Le ministre de la guerre vous a dit que trois

armées composées de cent cinquante mille hommes, seraient nécessaires; il vous a demandé vingt millions pour les dépenses extraordinaires de cet armement. Voilà donc sur quoi nous avons à délibérer. Nous ne devons accorder ces fonds qu'autant que nous aurons reconnu que cette demande est juste. utile, indispensable. Le bon sens, la dignité du corps législatif, l'intérêt du peuple, tout vous démontre la nécessité de convaincre la nation de la bonne harmonie qui règne entre les deux pouvoirs. De l'exécution vigoureuse des mesures que le Roi prendra, va dépendre le salut de l'Empire. Le Roi seul a le droit de diriger les armées; ce droit, c'est la constitution qui le lui donne; mais souvenons-nous que le Roi n'est que le bras de l'Empire dont nous sommes la tête; souvenons-nous que c'est à la tête à diriger le bras. Avant d'accorder la somme demandée par le ministre de la guerre, il faut examiner si nous avons besoin d'une force considérable pour repousser les forces qui nous menacent, il faut avoir sous les yeux le tableau de notre situation politique. Si nous avions la certitude de ne rencontrer sur le champ de bataille que nos chevaliers errants, que les électeurs et quelques petits princes allemands, sans doute l'appareil d'une force imposante serait extravagant ; vingt mille hommes suffiraient pour balayer ces attroupements de rebelles. Mais les émigrés ne peuventils pas former une coalition avec les grandes puissances qui nous environnent? Cette coalition ne mettra-t-elle pas dans le plus grand danger, ne renversera-t-elle pas notre constitution? Voyons donc ce que nous avons à craindre des puissances étrangères ?

La révolution française a bouleversé toute la diplomatie: quoique les peuples ne soient pas libres encore, les rois sont forcés de compter leurs vœux pour quelque chose. Les sentiments des Anglais ne sont plus douteux sur notre révolution, parce qu'ils y voient un point d'appui pour la stabilité de leur propre liberté. Il est probable que le gouvernement anglais n'osera jamais, quand il en aurait les moyens, attaquer la constitution française ; et cette probabilité se change en certitude, quand on considère les agitations du parlement, l'énormité de la dette publique, la triste situation des affaires de l'Inde.

Ce n'est ni dans la déclaration faite par le roi d'Angleterre, comme électeur d'Hanovre, ni dans sa lettre au roi des Français, en réponse à la notification qu'il lui a faite de son acceptation de la constitution, ni dans ses protestations amicales, que nous devons voir l'assurance

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