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cée contre les deux premiers ordres, tous ont été lésés, vexés, dépouillés; et nous aurions à réclamer tout à-la-fois les droits du clergé qui n'a voulu montrer une ferme et généreuse résistance que pour les intérêts du ciel et les fonctions du saint ministère; les droits de la noblesse qui, plus sensible aux outrages faits au trône dont elle est l'appui qu'à la persécution qu'elle éprouve, sacrifie tout pour manifester, par un zèle éclatant, qu'aucun obstacle ne peut empêcher un chevalier français de demeurer fidèle à son Roi, à sa patrie, à son honneur; les droits de la magistrature, qui regrette, beaucoup plus que la privation de son état, de se voir réduite à gémir en silence de l'abandon de la justice, de l'impunité des crimes, et de la violation des lois dont elle est essentiellement dépositaire; enfin, les droits des possesseurs quelconques, puisqu'il n'est point en France de propriété qui ait été respectée, point de citoyens honnêtes qui n'aient souffert.

Comment pourriez-vous, Sire, donner une approbation sincère et valide à la prétendue constitution qui a produit tant de maux? Dépositaire usufruitier du trône que vous avez hérité de vos aïeux, vous ne pouvez ni en aliéner les droits primordiaux, ni dėtruire la base constitutive sur laquelle il est assis.

Défenseur né de la religion de vos États, vous ne pouvez pas consentir à ce qui tend à sa ruine, et abandonner ses ministres à l'opprobre.

Débiteur de la justice à vos sujets, vous ne pouvez pas renoncer à la fonction essentiellement royale de la leur faire rendre par des tribunaux légalement constitués, et d'en surveiller vous-même l'administration.

Protecteur des droits de tous les ordres, et des possessions de tous les particuliers, vous ne pouvez pas les laisser violer et anéantir par la plus arbitraire des oppressions.

Enfin, père de vos peuples, vous ne pouvez pas les livrer au désordre et à l'anarchie.

Si le crime qui vous obsède, et la violence qui vous lie les mains, ne vous permettent pas de remplir ces devoirs sacrés, ils n'en sont pas moins gravés dans votre cœur en traits ineffaçables, et nous accomplirions votre volonté réelle, en suppléant, autant qu'il est en nous, à l'impossibilité où vous seriez de l'exercer.

Dussiez-vous même nous le défendre, et fussiez-vous forcé de vous dire libre en nous le défendant, ces défenses, évidemment con

traires à vos sentiments, puisqu'elles le seraient au premier de vos devoirs; ces défenses, sorties du sein de votre captivité, qui ne cessera réellement que quand vos peuples seront rentrés dans le devoir, et vos troupes sous votre obéissance; ces défenses, qui ne pourraient avoir plus de valeur que tout ce que vous aviez fait avant votre sortie, et que vous avez désavoué ensuite; ces défenses enfin, qui seraient impreignées de la même nullité que l'acte approbatif contre lequel nous serions obligés de protester, ne pourraient certainement pas nous faire trahir notre devoir, sacrifier vos intérêts, et manquer à ce que la France aurait droit d'exiger de nous en pareille circonstance. Nous obéirions, Sire, à vos véritables commandements, en résistant à des défenses extorquées, et nous serions sûrs de votre approbation, en suivant les lois de l'honneur. Notre parfaite soumission vous est trop connue pour que jamais elle vous paraisse douteuse. Puissions-nous être bientôt au moment heureux où, rétabli en pleine liberté, vous nous verrez voler dans vos bras, y renouveler l'hommage de notre obéissance, et en donner l'exemple à tous vos sujets!

Nous sommes, Sire, notre frère et seigneur, de Votre Majesté, Les très humbles et très obéissants frères,

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J'aurais cru que mes démarches auprès de vous, et l'acceptation que j'ai donnée à la Constitution, suffiraient, sans un acte ultérieur de ma part, pour vous déterminer à rentrer dans le royaume, ou du moins à abandonner les projets dont vous paraissez être occupés.

Votre conduite depuis ce temps, devant me faire croire que mes intentions réelles ne vous sont pas bien connues, j'ai cru devoir, å vous et à moi, de vous en donner l'assurance de ma propre main.

Lorsque j'ai accepté, sans aucunemodification, la nouvelle constitution du royaume, le vœu du peuple et le désir de la paix, m'ont principalement déterminé. J'ai cru qu'il était temps que les troubles de la France eussent un terme; et, voyant qu'il était en mon pouvoir d'y concourir par mon acceptation, je n'ai pas balancé à la donner librement et volontairement. Ma résolution est invariable; si les nouvelles lois exigent des changements, j'attendrai que le temps et la réflexion les sollicitent; je suis déterminé à n'en provoquer et à n'en souffrir aucun, par des moyens contraires à la tranquillité publique et à la loi que j'ai acceptée.

Je crois que les motifs qui m'ont déterminé, doivent avoir le même empire sur vous. Je vous invite donc à suivre mon exemple. Si, comme je ne doute pas, le bonheur et la tranquillité de la France vous sont chers, vous n'hésiterez pas à concourir, par votre conduite, à les faire renaître. En faisant cesser les inquiétudes qui agitent les esprits, vous contribuerez au rétablissement de l'ordre, vous assurerez l'avantage aux opinions sages et modérées, et vous servirez efficacement le bien que votre éloignement, et les projets qu'on vous suppose, ne peuvent que contrarier.

Je donnerai mes soins à ce que tous les Français qui pourront rentrer dans le royaume, y jouissent paisiblement des droits que la loi leur reconnaît et leur assure. Ceux qui voudront me prouver leur attachement, ne balanceront pas. Je regarderai l'attention sérieuse que vous donnerez à ce que je vous marque, comme une grande preuve d'attachement envers votre frère, et de fidélité envers votre Roi, et je vous saurai gré toute ma vie de m'avoir épargné la nécessité d'agir en opposition avec vous, par la résolution invariable où je suis de maintenir ce que j'ai annoncé.

Signé Louis.

TOM. I.

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N° 5.

Proclamation du Roi concernant les émigrations, du 14 octobre.

Le Roi, instruit qu'un grand nombre de Français quittent leur patrie et se retirent sur les terres étrangères, n'a pu voir sans en être vivement affecté une émigration aussi considérable; et quoique la loi permette à tous les Français la libre sortie du royaume, le Roi, dont la tendresse paternelle veille sans cesse pour l'intérêt général et pour tous les intérêts particuliers, doit éclairer ceux qui s'éloignent de leur patrie, sur leurs véritables devoirs et sur les regrets qu'ils se préparent. S'il en était parmi eux qui fussent séduits par l'idée qu'ils donnent peut-être au Roi une preuve de leur attachement, qu'ils soient détrompés, et qu'ils sachent que le Roi regardera comme ses vrais, ses seuls amis, ceux qui se réuniront à lui pour maintenir et faire respecter les lois, pour rétablir l'ordre et la paix dans le royaume, et pour y fixer tous les genres de prospérité auxquels la nature semble l'avoir destiné.

Lorsque le Roi a accepté la Constitution, il a voulu faire cesser les discordes civiles, rétablir l'autorité des lois, et assurer avec elles tous les droits de la liberté et de la propriété. Il devait se flatter que tous les Français seconderaient ses desseins; cependant, c'est à cette même époque que les émigrations ont semblé se multiplier. Une foule de citoyens abandonnent leur pays et leur Roi, et vont porter chez les nations voisines des richesses que sollicitent les besoins de leurs concitoyens. Ainsi, lorsque le Roi cherche à rappeler la paix et le bonheur qui la suit, c'est alors que l'on croit devoir l'abandonner et lui refuser les secours qu'il a droit d'attendre de tous. Le Roi n'ignore pas que plusieurs citoyens, des propriétaires surtout, n'ont quitté leur pays que parce qu'ils n'ont pas trouvé dans l'autorité des lois la protection qui leur était due: son cœur a gémi de ces désordres. Ne doit-on rien pardonner aux circonstances? Le Roi lui-même, n'a-t-il pas eu des chagrins? et lorsqu'il les oublie pour ne s'occuper que du bonheur commun, n'a-t-il pas le droit d'attendre qu'on suive son exemple.

Comment l'empire des lois s'établirait-il, si tous les citoyens ne se réunissent pas auprès du chef de l'État? Comment un ordre

stable et permanent, peut-il s'établir et le calme renaître, si, par un rapprochement sincère, chacun ne contribue pas à faire cesser l'inquiétude générale ; comment, enfin, l'intérêt commun prendrat-il la place des intérêts particuliers, si, au lieu d'étouffer l'esprit de parti, chacun tient à sa propre opinion, et préfère de s'exiler à l'opinion commune ?

Quel sentiment vertueux', quel intérêt bien entendu peut donc motiver les émigrations? L'esprit de parti qui a causé tous nos malheurs n'est propre qu'à les prolonger.

Français qui avez abandonné votre patrie, revenez dans son sein: c'est-là qu'est le poste d'honneur, parce qu'il n'y a de véritable honneur qu'à servir son pays et à défendre les lois. Venez leur donner l'appui que tous les bons citoyens leur doivent; elles vous rendront à leur tour ce calme et ce bonheur que vous chercheriez en vain sur une terre étrangère. Revenez donc, et que le cœur du Roi cesse d'être déchiré entre ses sentiments, qui sont les mêmes pour tous, et les devoirs de la royauté qui l'attachent principalement à ceux qui suivent la loi. Tous doivent le seconder lorsqu'il travaille pour le bonheur du peuple. Le Roi demande cette réunion pour soutenir ses efforts, pour être sa consolation la plus chère; il la demande pour le bonheur de tous. Pensez aux chagrins qu'une conduite opposée préparerait à votre Roi; mettez quelque prix à les lui épargner, ils seraient pour lui les plus pénibles de tous. Fait à Paris, au conseil d'état, le 14 octobre 1791.

Signé LOUIS.

Et plus bas : par le Roi, DE LESSART. Pour copie conforme à l'original, écrit de la main du Roi.

N 6.

Signé DE LESSART.

Rapport de M. de Montmorin sur les relations

MESSIEURS,

extérieures.

Vous avez demandé à connaître l'état de nos relations avec les

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