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S'ils marchent à la guerre, c'est moins par goût que pour acquitter un devoir envers le Souverain et l'État; ils se montent et s'équipent à leurs frais; le gouvernement ne leur donne absolument rien que l'ordre de monter à cheval: de-là le penchant qu'ils ont au butin, et qui est assez commun à toutes les troupes irrégulières. Tant qu'ils furent en petit nombre et mal dirigés, ils ont fait plus de bruit que de besogne; mais conduits aujourd'hui par l'élite de la noblesse et les officiers les plus zélés, tels que les Orlof, les Lapuckin, les Kudaschof, les Benkendorf, ils sont devenus d'excellents soldats, infatigables, adroits, intelligents, doués surtout d'un coup d'œil parfait pour saisir un point faible et mal gardé, et s'y précipiter avec une vivacité inconcevable. Aucune troupe n'est plus redoutable pour harceler l'ennemi en retraite, pour inquiéter ses communications, enlever ses convois, gêner ses mouvements, entraver de mille manières ses opérations; c'est le fléau des généraux en chef, dont ils mettent souvent en défaut les combinaisons les plus sages et les plus méthodiques. On a voulu leur donner de l'artillerie ils se sont faits canonniers; a on cherché à les utiliser à pied dans des coups de vigueur, ils ont monté à l'assaut d'Ismaël la pique à la main. Il y a au reste un certain nombre de cosaques réguliers, qu'il ne faut pas confondre avec la levée en masse faite dans les derniers temps, ni avec ces bandes insignifiantes de Tartares, Kalmucks et Baschkirs.

Les cosaques qui ont fait la guerre du Caucase forment surtout une excellente cavalerie, qui ne le cède à aucune au monde, si ce n'est aux Tschirkis et aux Kabardiens, leurs redoutables adversaires; troupes dont

TOM. I.

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les Européens peuvent se faire une idée en se rappelant les Mamelucks (1). Mais je m'aperçois qu'entraîné par mon sujet, je m'étends beaucoup trop sur une armée qui n'a pris qu'une part indirecte à ces premières campagnes, et dont je me trouve plus à même de retracer l'état actuel que celui de 1792.

(1) Depuis 30 ans, la Russie est en guerre avec les Tschirkis, quoiqu'ils soient habitants de provinces soumises à sa domination; on y a perdu un nombre considérable d'hommes, sans faire pour ainsi dire de prisonniers ; ils se tuent plutôt que de se rendre, et leurs femmes même se détruisent plutôt que de tomber dans les mains de leurs ennemis. Ils ont des chevaux qui grimpent les rochers comme les chevreuils; tout leur bonheur consiste à posséder un beau cheval, une masse d'armes, une carabine et une cote de maille, qui sont ordinairement du plus grand prix; c'est la cavalerie légère la plus redoutable qui existe.

PIECES JUSTIFICATIVES (1).

N° 1.

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Entrevue de Mantoue au mois de mai 1791. Projet communiqué au comte d'Artois par l'empereur Léopold.

« L'EMPEREUR fera filer trente-cinq mille hommes sur la frontière » de la Flandre et du Hainaut; à la même époque, les troupes des >> Cercles se porteront au nombre de quinze mille hommes au >> moins, sur l'Alsace. Les Suisses, en même nombre, se présen>> teront sur la frontière du Lyonnais et de la Franche-Comté. Le >> roi de Sardaigne, sur celle du Dauphiné, avec treize mille hom>> mes. L'Espagne a déjà rassemblé douze mille hommes dans la » Catalogne, et portera à vingt mille, les troupes qui menaceront >> les provinces méridionales. Tous ces différents corps formeront >> une masse de cent mille hommes ou environ, qui se portera en >> cinq colonnes, sur chacune des frontières auxquelles ces diffé>> rents états correspondent. A ces armées, se joindront des régi>>ments restés fidèles, des volontaires armés dont on est sûr, et >> tous les mécontents des provinces.

>> L'Empereur est assuré des bonnes dispositions du roi de » Prusse, et Sa Majesté impériale s'est chargée elle-même de la » correspondance directe avec la cour de Berlin. Le roi d'Angle

(1) Quoique ces pièces aient été publiées, on ne les trouvera pas déplacées ici; les militaires pour qui ce livre est destiné, ne pouvant recourir à tous les ouvrages existants. D'ailleurs, il nous a paru utile de rassembler tout ce qui peut fixer l'opinion sur l'origine de la guerre.

>> terre, en sa qualité d'électeur de Hanovre, désire aussi d'entrer >> dans la coalition, qu'il faudra tenir très secrète, jusqu'au mo>> ment de l'explosion; c'est pourquoi on fera en sorte d'empêcher >> toute insurrection partielle dans l'intérieur.

>> Tout étant ainsi disposé pour la fin de juillet, la protestation de » la maison de Bourbon paraîtra : elle sera signée du roi d'Espagne, >> du roi de Naples, de l'infant de Parme, et des princes du sang >> qui sont libres. Le manifeste des puissances paraîtra immédiate>>tement après.

>> Quoique l'Empereur soit l'ame et le chef de l'entreprise, il >> serait peut-être dangereux pour la Reine, qu'il parût en être le >> premier mobile; et on ne manquerait pas d'attribuer à la maison » d'Autriche, ce plan que l'Assemblée s'efforcera de faire paraître >> odieux au peuple.

>> L'Empereur écrit au roi d'Espagne de hâter ses préparatifs, >> et l'exhorte à signer sans délai la protestation de la maison de >> Bourbon. Le roi et la reine de Naples, qui la connaissent, n'at>> tendent que la signature de l'Espagne, pour donner la leur.

>> Les dispositions du roi de Sardaigne sont excellentes. Il n'at>> tend que le signal de l'Empereur. La diète de Ratisbonne, qui a >> reçu le décret de commission, va prendre ses dernières réso»lutions.

>> On compte beaucoup sur la neutralité de l'Angleterre. Tout >> étant ainsi combiné avec les puissances, on doit regarder ce plan » comme arrêté, et prendre garde qu'il ne soit contrarié par des >> idées disparates; c'est pourquoi Leurs Majestés doivent éviter » avec grand soin de diviser la confiance et de multiplier les entre>>mises, ayant déjà éprouvé que cette manière d'agir ne servirait >> qu'à nuire, retarder et embarrasser.

» Les parlements sont nécessaires pour le rétablissement des >> formes. On continuera, en conséquence, d'entretenir une corres>> pondance suivie avec plusieurs membres dispersés des cours sou» veraines, pour pouvoir les rassembler aisément quand il en sera >> temps.

» Quoique l'on ait désiré, jusqu'à présent, que Leurs Majestés >> pussent elles-mêmes se procurer leur liberté, la situation pré» sente engage à les supplier très instamment de n'y plus songer. >> Leur position est bien différente de ce qu'elle était avant le 18 » avril, avant que le Roi eût été forcé d'aller à l'Assemblée et de

>> faire écrire la lettre aux ambassadeurs. L'unique objet dont Leurs >> Majestés doivent s'occuper, est d'employer tous les moyens pos>>sibles à augmenter leur popularité, pour en tirer parti, quand le >> moment sera venu, et de manière que le peuple effrayé à l'ap>> proche des armées étrangères, ne voie son salut que dans la mé>> diation du Roi, et dans sa soumission à l'autorité de Sa Majesté. >> Telle est l'opinion de l'Empereur. Il attache uniquement à ce plan >> de conduite, le succès des mesures qu'il a adoptées, et il demande » surtout qu'on éloigne toute autre idée. Ce qui arriverait à leurs » Majestés, si dans leur fuite, elles ne pouvaient échapper à une >> surveillance barbare, le fait frémir d'horreur. L'Empereur croit >> que la sauve-garde la plus sûre pour leurs Majestés est le mouve>> ment des armées des puissances, précédé par des manifestes >> menaçants. >>

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<< Leurs Majestés l'Empereur et le roi de Prusse, ayant entendu » les désirs et les représentations de Monsieur, frère du roi de >> France, et de son altesse le comte d'Artois, déclarent conjointe>>ment qu'elles regardent la situation'où se trouve actuellement le >> roi de France, comme un intérêt commun à tous les souverains » de l'Europe. Ils espèrent que cet intérêt ne peut manquer d'être >> reconnu par les puissances dont les secours sont réclamés, et >> qu'en conséquence elles ne refuseront pas d'employer conjointe>>ment avec leurs susdites Majestés, les moyens les plus efficaces, >> relativement à leurs forces, pour mettre le roi de France en état >> d'affermir dans la plus grande liberté, les bases d'un gouverne>> ment monarchique, également convenable aux droits des souve>> rains, et au bien-être de la nation Française. Alors et dans ce leurs susdites Majestés l'Empereur et le roi de Prusse, sont >> résolues d'agir promptement, d'un mutuel accord, avec les forces >> nécessaires pour obtenir le but proposé en commun. En atten>> dant, elles donneront à leurs troupes, les ordres convenables » pour qu'elles soient à portée de se mettre en activité.

» cas,

» Donné à Pilnitz, le 27 d'août 1791.

» Signé, LEOPOLD-FRÉDÉRIC-GUILLAUME.

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