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Ministère

du Roi sur les notes des 3 et 21 décembre, et le nouveau message du prince de Kaunitz, qui en était le résultat. Dépassant ainsi les bornes que la constitution avait mise aux droits de l'assemblée dans les négociations, il provoqua, par une discussion publique, les agressions directes qui devaient mettre plus d'aigreur dans les relations des deux États.

Cette réponse rédigée du reste avec sagesse, et forte d'arguments, jettera un grand jour sur les véritables dispositions des puissances alliées à cette époque. Le parti républicain se vengea bientôt sur de Lessart des vérités que le prince de Kaunitz avait dévoilées. Le ministre fut décrété d'accusation et traduit à la hautecour nationale.

La famille royale éperdue, n'avait aucune confiance de dans ses conseillers qui ne pouvaient plus rien; on reDumourier et de courut dans cette extrémité au moyen dangereux qui Roland. avait coûté la vie à Charles 1er, en déterminant Louis

Mort de

à renouveler entièrement son ministère, et à se jeter franchement entre les bras du parti des Girondins. Dumourier fut appelé aux affaires étrangères, Roland à l'intérieur, Servan à la guerre ; fatale résolution qui précipita la chute du monarque imprudent.

Les esprits s'aigrissaient de plus en plus; les discours dont la tribune retentissait chaque jour, portaient dans toutes les cours, des sentiments naturels de haine et de vengeance. Les armements, les préparatifs dont l'Europe était agitée, venaient à leur tour jeter en France une défiance et un haine non moins fortes.

Dans un tel état de choses, il ne fallait qu'une étinLéopold. celle pour faire éclater l'incendie, et les premiers jours du mois de mars 1792, furent signalés par plusieurs

événements qui en provoquèrent l'explosion. L'Empereur termina sa carrière le 1er mars; dès cet instant les affaires prirent une tournure beaucoup plus hostile, soit que le successseur de Léopold, plus jeune que lui, fût moins prudent et plus disposé à la guerre, soit que la situation relative de la France et le caractère des nouveaux ministres accélérassent aussi la rupture.

est

Au moment même où ces grands changements avaient Gustave lieu, Gustave III était assassiné dans un bal masqué assassiné. (16 mars), et sa mort en renversant toutes les espérances que les émigrés avaient placées en lui, enlevait à la coalition le chef que l'opinion générale des royalistes lui assignait.

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D'après l'examen de toutes ces circonstances, on voit qu'il serait difficile d'affirmer, sur les actes connus à quel parti on doit attribuer les premiers torts de l'agression. Les puissances du Nord et de l'Allemagne se lièrent par des traités menaçants, et parurent vouloir la guerre. Lorsque le parti républicain fut informé à son tour de l'existence d'une coalition, il craignit d'être prévenu, attaqué dans l'intérieur et livré à la vengeance de la noblesse qu'il avait outragée. Il prit alors l'initiative; et le renouvellement du ministère dont nous avons parlé, devait être le signal du commencement des hostilités.

rier fait

Dumourier ayant une tête ardente, et quelques ta- Dumoulents militaires qu'il estimait bien au-dessus de leur déclarer réalité, désirait les occasions de se signaler, sans trop la s'arrêter aux conséquences qui en résulteraient. Il flat- gerre. tait les Girondins de la conquête immédiate des PaysBas, car l'armée autrichienne n'excédait pas quarante mille hommes, et n'avait aucune place pour baser ses

opérations. En prenant l'initiative de la déclaration de guerre, on pouvait espérer des succès certains sur une armée qui ne se trouvait pas encore en mesure : en restant au contraire sur la défensive, on laissait amonceler l'orage prêt à fondre sur la France, et le succès devenait douteux. Guidé par ces considérations, Dumourier avait pressé M. de Noailles d'obtenir des réponses satisfaisantes de la cour de Vienne, et voyant qu'elles n'ar rivaient point, il proposa, le 20 avril, 1792 de déclarer la guerre au roi de Bohême et de Hongrie, ce qui eut lieu dans la même séance.

Le roi de Prusse, par suite de ses traités offensifs et défensifs, devait nécessairement prendre à cette guerre une part active. Ses manifestes ne tardèrent pas à en donner l'assurance, et les mouvements de ses troupes la confirmèrent bientôt.

Le roi de Sardaigne lié également avec le cabinet de Vienne auquel son ministre était vendu, non moins intéressé d'ailleurs au soutien de la famille des Bourbons, ne pouvait manquer d'y intervenir. Mais cela ne suf fisait pas aux desseins du cabinet britannique, et le point le plus important de son projet consistait à mettre aux prises toutes les puissances maritimes, dont l'alliance en 1780 lui avait été si funeste. Les raisons d'État les plus puissantes semblaient apporter un obstacle invincible à l'exécution d'un tel plan, mais tous les intérêts nationaux devaient se taire, lorsque des passions habilement excitées eurent porté les peuples au plus haut degré de folie, et les princes au comble de l'exaspération.

La haine du Stathouder pour le parti qui avait si sonvent mis des bornes à son autorité et qui l'avait même

compromise, l'aversion non moins forte que le roi d'Espagne manifestait pour les ennemis de l'autorité des Bourbons, pouvaient en un instant renverser les longs calculs d'une politique sage, détruire les fruits de l'heureuse guerre d'Amérique, et procurer aux Anglais l'alliance de deux puissances rivales qui n'auraient jamais dû déployer leur pavillon que contre eux. Dès-lors plus de balance dans la lutte maritime, plus d'incertitude sur la perte de la marine et des colonies françaises, plus de doute sur l'empire absolu des mers, que les passions de ces deux cabinets imprudents devaient livrer d'un trait de plume à celui de Saint-James.

Mais il ne faut pas anticiper sur les événements, et avant de revenir sur ce qui se passa en France aussitôt après la déclaration de guerre, il est convenable de tracer l'état des différentes armées européennes à cette époque, et de raconter les premiers événements militaires qui eurent lieu en Belgique.

CHAPITRE IV.

Coup-d'œil sur la constitution des différentes armées européennes à l'époque de la déclaration de guerre en 1792.

Les vainqueurs de Leuthen, de Rosbach, de Torgau sont venus prouver dans les plaines de la Champagne et à Jéna, que les armes sont journalières, et qu'il faut plus que du courage pour triompher de ses ennemis

et pour

constituer une bonne armée.

Les causes générales qui ont tant d'influence sur les destinées des nations, exercent le même empire sur leur état militaire. Les victoires proviennent en partie de ces causes, et développent les talents des généraux comme le courage des soldats. Toutefois on ne peut se dissimuler, qu'abstraction faite de la situation intérieure des empires, une armée ne possède en ellemême les principes de sa supériorité ou de son infériorité, par la nature de son organisation, son esprit, et le caractère de ses chefs.

La force réelle d'un État se compose donc de l'espèce et de l'esprit de ses soldats et de ses officiers; De ses moyens de recrutement;

Des institutions organiques des corps;

Des talents et de l'instruction de ses états-majors; Du génie des généraux qui les commandent;

Enfin, de l'esprit national à l'époque où la guerre

éclate.

Les grands résultats ne s'obtiennent que par la réunion de ces moyens, car s'il est vrai que l'habileté du

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