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formelle était aussi facile à prévoir qu'impossible à empêcher.

Les émigrés protestèrent en assurant que le Roi n'était point libre; ils le firent même soupçonner d'être secrètement d'accord avec eux, en publiant qu'ils recevaient chaque jour des preuves de sa bienveillance et l'invitation de prolonger leur résistance.

Léopold Les relations des cours étrangères avec le Roi devinrevient à rent néanmoins plus délicates à la suite de ces changedes idées ments; on s'était allié pour la conservation des principes ques. monarchiques, on ne pouvait les fouler aux pieds en

pacifi

venant au secours d'un Prince qui ne réclamait aucune assistance, et qui s'avouait heureux du bonheur imaginaire de ses peuples. Les Jacobins ont accusé Louis d'avoir réclamé secrètement ces secours tout en protestant du contraire; et ils ont fait, de cette duplicité, le prétexte de sa condamnation: la postérité seule jugera si ces reproches étaient fondés, et si le Roi n'y fut pas forcé par des attaques postérieures.

L'Empereur répondit tard et d'une manière vague aux dépêches qui lui notifiaient l'acceptation de la constitution; il adressa néanmoins aux cours alliées une note qui semblait vouloir revenir sur les stipulations de Pilnitz, et laissait des chances ouvertes à un arrangement: la marche rapide des événements sous l'Assemblée législative renversa bientôt cet espoir. En attendant, Léopold reconnut de nouveau l'ambassadeur de Noailles, qui n'avait pas paru à la cour depuis l'événement de Varennes; il promit même d'interposer son autorité pour empêcher les rassemblements armés, et le roi de Prusse imita son exemple. La cour d'Espagne influencée par les conseils des princes émigrés se pro

nonça plus ouvertement; le comte de Florida Blanca déclara que Louis XVI n'étant point en liberté, n'avait pu, de son plein gré, accepter une telle constitution. Le rapport, que M. de Montmorin fit à l'assemblée, le 31 octobre, jette un grand jour sur la nature des relations de la France à cette époque; et j'ai cru ne pouvoir mieux instruire mes lecteurs qu'en les renvoyant à cette pièce intéressante, annexée à la fin de ce volume (no 6). On peut croire que si l'Assemblée Constituante eût encore existé, et que ses intérêts de politique extérieure eussent été confiés à Mirabeau, la guerre n'aurait point eu lieu.

ministė

re.

Ce rapport de M. Montmorin fut le dernier acte Changed'un ministre honnête, mais faible, et peut-être im- ment de prudent; il donna sa démission, et cette démarche ne put le soustraire au glaive destructeur qui, peu de temps après, couvrit la France de deuil: il remit le porte-feuille à M. de Lessart.

Le ministre de la guerre Duportail, fit également place à M. de Narbonne; cependant l'administration, en changeant de main, n'en devint pas plus capable de sauver la France.

hostiles.

Ce fut vers ce temps, s'il faut en croire le ministre Nouveaux Servan, que Louis écrivit au roi de Prusse, pour ré- projets clamer de nouveau la médiation armée de toute l'Europe, et accréditer le ministre Breteuil, comme le seul qui possédât sa confiance. Cette démarche, faite trois mois après l'acceptation de la constitution, serait en effet blâmable si ses ennemis eussent religieusement observé ce pacte défectueux. Mais le Roi, qui l'adopta sans doute de bonne foi pour sauver la France et sa famille, fut assez fondé quelques mois après à déses

pérer de leur salut, lorsqu'il vit le mal empirer d'une manière effrayante par la composition de la nouvelle assemblée et la nature de ses premières entreprises. Ce n'est pas en 1791, qu'il faut confondre les époques; et à celle du mois de décembre, où la lettre dut être écrite, ce prince pouvait, avec les intentions les plus pures, croire sa perte certaine, et recourir à tous les moyens de sauver sa couronne et sa vie, sans qu'on fût en droit de l'accuser d'avoir voulu ressaisir l'autorité absolue.

Déclama- Cependant les négociations traînèrent encore queltion des que temps; les préparatifs continuaient avec une lenGiron - teur qui donnait encore quelque espoir aux amis de la

dins.

paix, lorsque les sorties de Brissot et du comité diplomatique vinrent attiser le feu qui couvait depuis si longtemps et ouvrir le volcan qui devait bouleverser un si grand nombre d'États et engloutir tant de victi

mes.

Le premier motif de cette explosion fut la réclamation de l'Empereur relative aux Princes possessionnés en Alsace, et le conclusum de la diète qu'elle accompagnait.

De si minces intérêts n'étaient évidemment qu'un prétexte dont les deux partis couvraient des prétentions d'un autre genre, car dans toute autre circonstance, on serait bientôt tombé d'accord sur des objets de

cette nature.

L'Assemblée et son comité s'obstinaient à considérer ces fiefs comme soumis aux lois de l'État dans l'intérieur duquel ils étaient situés ; la lettre de l'Empereur aussi bien que le conclusum de la diète parurent des actes attentatoires à la souveraineté nationale. Les rassem

blements d'émigrés armés étaient des griefs plus justes, et excitaient plus de réclamations encore. La note du prince de Kaunitz, du 21 décembre, au lieu de donner satisfaction sur ce point, ne fit qu'exciter la méfiance en paraissant vouloir soutenir l'électeur de Trèves, et parlant ouvertement d'une ligue de rois armés pour le soutien des prérogatives du trône.

former

L'Assemblée législative, jugeant que dans de sem- Décret blables circonstances, il fallait prendre une attitude pour imposante, avait décrété la formation de trois armées, trois fortes ensemble de 150 mille hommes, dont Lafayette, armées. Rochambeau et Luckner prirent le commandement. Le conseil du Roi de son côté, cherchant les moyens d'éviter la rupture dont il était menacé avec toutes les cours, se décida à envoyer MM. de Ségur à Berlin, Marbois à Vienne, et Sainte-Croix à Trèves. Cette mesure ne remplit point l'attente, et si la lettre qui accréditait secrètement M. de Breteuil est authentique, il ne faut pas s'en étonner; d'ailleurs les esprits étaient trop aigris de part et d'autre, pour espérer un rapprochement.

cain

Les Girondins, exaltés sans cesse par les rapports Le parti qu'ils établissaient entre le peuple français et le peuple républiromain, ne respiraient que la guerre ; ils y étaient en- désire la couragés par l'aspect imposant qu'offrait la nation en- guerre. tière, transforinée en un vaste camp, où deux millions de gardes nationales armées et équipées semblaient en état de braver les efforts de toutes les armées régulières de l'Europe. Les hommes qui voulaient sincèrement la république, croyaient que des victoires en faciliteraient l'établissement, et que des revers mêmes, imputés aux machinations des royalistes, précipiteraient la

chute du trône : tous s'accordaient donc à penser que la guerre serait honorable.

Cependant la situation intérieure de la France, l'état de son armée qui était de 60 mille hommes au-dessous du temps le plus fâcheux du règne de Louis XV; enfin l'embarras des finances, n'étaient pas des motifs propres à leur inspirer tant d'assurance et de présomption, et à leur faire accepter une lutte si disproportionnée contre les forces de l'Europe entière.

Il est vrai d'un autre côté, que la France possédait alors une population nombreuse et guerrière, quelques millions de jeunes gens exaltés par le fanatisme politique, des armes en abondance, des places dans le meilleur état et hors de toute proportion avec les moyens d'attaque. Mais on n'avait pas encore donné à cette masse l'organisation convenable pour la rendre utile, et ces gardes nationales n'étaient propres qu'à enfler l'orgueil de magistrats qui ne savaient pas les apprécier.

Peut-être aussi que ces enthousiastes calculèrent déjà sur le capital des fortunes particulières et sur la masse de la population, plus que sur un revenu régulier: décidés à jouer leur existence, ils pensèrent que celle de la nation devait être exposée aux mêmes chances. Déjà la planche des assignats était entre leurs mains une mine féconde en ressources, car la somme légalement émise s'élevait, dès le 1er novembre 1791, à 1400 millions, et tout portait à croire qu'elle ne s'arrêterait pas là.

Un autre moyen de succès sur lequel les Jacobins fondèrent de grandes espérances, était le système de propagande qui, promettant aux peuples les bienfaits de la liberté, opérerait sur eux un effet magique, et laisserait en un clin-d'œil les rois sans appui, sans armées et

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