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petit nombre de représentants ne pouvait pas compter comme un troisième parti. Les autres étaient divisés en Jacobins et Cordeliers ou démagogues prononcés.

Les Girondins étaient ainsi appelés, parce qu'à leur tête figuraient les membres de la députation de la Gironde; Vergniaud, Guadet, Brissot, Gensonné, Condorcet, tous orateurs éloquents, pleins des souvenirs de l'antiquité, purs dans leurs intentions pour la chose publique, mais manquant essentiellement de ce coupd'œil perçant et sûr, de cet esprit vaste, fort et positif, qui distingue un véritable homme d'État : méconnaissant les premiers éléments de politique extérieure et d'administration publique, ils ne tardèrent pas à précipiter la France dans la guerre universelle, et dans l'anarchie dont ils devinrent les premières victimes.

Les Jacobins et les Cordeliers voyaient de jour en jour croitre leur influence; et déjà ils ne déguisaient plus leurs projets. Ennemis plus ardents de l'autorité royale que les Girondins, ils visaient au même but, en ne différant que sur les moyens et sur le parti qu'ils comptaient en tirer.

rités de

Par une circonstance assez remarquable, aucun des Nouvelchefs de cette secte ne faisait partie de l'Assemblée lé-les autogislative. Péthion et Robespierre ayant siégé à l'Assem- Paris. blée constituante n'étaient pas rééligibles, et les autres n'inspiraient pas assez de confiance pour l'être; mais le premier fut élu maire de Paris en remplacement du vertueux Bailly; Manuel fut nommé procureur-syndic de la commune; Danton obtint l'emploi modeste de substitut, malgré la prise de corps décrétée contre lui, et qu'on vint exécuter jusques dans l'assemblée électorale où il exerçait ses intrigues: il eut déjà assez de

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crédit pour braver les lois et faire punir l'audacieux huissier qui osa menacer le défenseur du peuple.

Les emplois de ces trois magistrats avaient acquis la plus haute importance par l'autorité que la commune s'était arrogée depuis 1789, ainsi que par l'influence qu'elle exerçait sur les sections et la garde nationale: ces éléments d'une force inouie à la disposition d'hommes si ambitieux, ne pouvaient manquer d'être mis en œuvre, et ils ne surent que trop les utiliser pour l'exécution de leurs pernicieux desseins.

Lafayette venait de résigner le commandement de garde nationale, et dans cette circonstance ce fut un nouveau malheur: sous ses ordres elle n'eût jamais servi d'instrument aux conspirateurs. On verra au chapitre VI comment ces changements survenus dans les autorités municipales de Paris, quoique peu importants en apparence, furent une des premières causes de la chute du trône, et ils expliqueront facilement l'origine et l'accroissement de la puissance de Robespierre.

Entraîné par ces digressions, je m'apperçois que j'anticipe sur les époques, et je reviens aux débats de la législature. Après avoir indiqué les éléments primitifs de ce grand bouleversement, il sera beaucoup plus facile d'en suivre la marche progressive; aussi abandonnerons-nous désormais le détail de ces tristes événements, pour nous borner au récit succinct des révolutions qui firent écrouler le trône, et renversèrent les factions qui cherchèrent successivement à s'élever Progrès sur ses débris.

de l'anar

rapides La nouvelle assemblée, réunie le 2 octobre, donna, chie. dès sa première séance, la mesure de l'esprit qui l'ani

mait. Le Roi devait y venir prononcer le discours d'ouverture; elle décréta que le titre de Majesté ne lui serait plus donné, qu'il serait placé à la gauche du président sur un siége couvert en noir comme le sien. Le Roi justement indigné prit le parti de se faire remplacer par ses ministres, et l'assemblée confuse retira son décret.

Après un pareil début, que pouvait-on attendre de ces étranges législateurs? Le système d'une liberté sage, fondée sur la raison et les principes, avait fait place à celui de nivellement; la perte du monarque. était inévitable.

Les ministres Montmorin, Duportail, Bertrand de Molleville étaient sans cesse attaqués, et les sorties les plus déplacées se renouvelaient tous les jours.

Le système d'influencer l'assemblée par les spectateurs des tribunes, avait pris naissance avec les étatsgénéraux, mais la tactique n'en avait pas été poussée aussi loin qu'elle le fut dans cette nouvelle session. La composition des tribunes devint une arme terrible dans. la main des chefs des Jacobins, qui, en y plaçant des hommes aussi audacieux que féroces, étouffèrent, par des murmures et des insultes, le peu de voix qui se faisaient encore entendre pour la raison, et se rendirent maîtres de l'opinion apparente à cette tactique, ils. joignirent plus tard celle des députations composées de la lie du peuple, osant réclamer au nom de la nation française, les lois qui leur convenaient.

Les Jacobins renforcés comme nous l'avons dit, d'une grande partie des nouveaux députés, ne tardèrent pas à s'assurer qu'ils avaient la majorité, et multipliant leur influence par les ramifications de leurs.

rieures.

clubs, ils s'apprêtèrent à porter les plus vigoureux coups à leurs ennemis.

Nous ne suivrons ni la marche de ces ambitieux, ni les débats qui signalèrent les derniers mois de l'année; nous ne retracerons pas les dégoûtantes discussions élevées par Merlin, Thuriot et Ruhle, qui, chargés de présenter des décrets à la sanction du Roi remplirent la France de leurs plaintes sur le peu de respect qu'on leur avait témoigné en les admettant dans son cabinet; ces insolentes prétentions étaient un pronostic des efforts que ces orgueilleux députés ne manqueraient pas de faire, pour se débarrasser de la gêne et de l'humiliation qu'ils éprouvaient à soumettre leurs décrets à la sanction.

Relations Si le mal que les nouveaux démagogues faisaient à exté la France se fût restreint à quelques troubles intérieurs, on aurait pu espérer quelque remède du temps et de la réflexion, mais l'influence de leurs philippiques s'étendait jusqu'aux relations extérieures les plus importantes pour la nation, les plus nécessaires à sa grandeur et à sa prospérité.

Le comité diplomatique privé des lumières de Mirabeau, mené actuellement par de violents et présomptueux déclamateurs, étrangers à tous les principes de politique, devint bientôt une arme redoutable entre les mains des révolutionnaires, et cette fatale institution ne tarda pas à développer et multiplier les germes de discorde qui devaient embraser le monde.

Jusque-là les débats extérieurs s'étaient bornés à deux points: l'un relatif aux armements que les émigrés formaient en Belgique et dans les États de l'électeur de Trèves, rassemblements hostiles contre lesquels

le ministère français avait instamment réclamé; l'autre, relatif aux intérêts des princes allemands, possesseurs de fiefs en Alsace, dont l'empereur soutenait les prétentions. L'Assemblée Nationale en décrétant, en 1790, l'abolition des droits féodaux, n'avait pas fait attention qu'elle attaquait les propriétés que les traités de cession de l'Alsace avaient conservés à plusieurs petits princes souverains, dont les États situés en Allemagne étaient soumis aux lois et aux droits germaniques. On proposa, il est vrai, des indemnités que plusieurs acceptèrent; mais cette affaire ayant été traitée un peu légèrement, sans demander au préalable l'assentiment de l'Empereur, celui-ci protesta contre une atteinte portée aux propriétés de vassaux qui relevaient de sa couronne, et réclama ces propriétés comme fiefs de l'Empire.

Brienne.

La notification aux cours étrangères de la sanction donnée par le Roi au nouveau pacte constitutionnel vint compliquer un moment les affaires. Elle ne produisit Bévues néanmoins qu'un effet bien passager. Cette démarche de M. de que l'on dût croire sincère, peut être considérée comme un véritable monument de la magnanimité de l'infortuné Louis; elle fut suivie d'un appel aux princes français et aux émigrés, pour les déterminer à rentrer dans leur patrie, et à cesser désormais contre elle des provocations qui devenaient repréhensibles, dès-lors que les destinées de la monarchie et les rapports du Roi avec son peuple, semblaient irrévocablement fixés. Toutefois ce pacte, auquel le Roi prescrivait l'obéissance, loin de calmer les passions, ne faisait que les exciter; l'abolition de la noblesse, froissait les plus grands intérêts et irritait l'orgueil. Une désobéissance

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