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chappe aux amis de la liberté. Ils vous redemandent le dépôt de l'opinion publique dont vous n'êtes que les organes l'Europe étonnée vous regarde; l'Europe, qui peut être ébranlée jusque dans ses fondements par la propagation de vos principes, s'indigne de leur exagération. Le silence de ses princes est peut-être celui de l'effroi. Eh! n'aspirez pas au funeste honneur de vous rendre redoutables par des innovations immodérées, aussi dangereuses pour vous-mêmes que pour vos voisins! Ouvrez encore une fois les annales du monde; appelez à votre aide la sagesse des siècles: voyez combien d'empires ont péri par l'anarchie!

« Il est temps de faire cesser celle qui nous désole, d'arrêter les vengeances, les séditions et les émeutes, de nous rendre enfin la paix et la confiance. — Pour arriver à ce but salutaire, vous n'avez qu'un moyen, et ce moyen serait, en révisant vos décrets, de réunir et de renforcer des pouvoirs affaiblis par leur dispersion, de confier au roi toute la force nécessaire pour assurer la puissance des lois, de veiller surtout à la liberté des assemblées primaires, dont les factions ont éloigné tous les citoyens vertueux et sages. Croyez-vous que le rétablissement du pouvoir exécutif puisse être l'ouvrage de vos successeurs? Non, ils arriveront avec moins de forces que vous n'en avez; ils auront à conquérir cette opinion populaire, dont vous avez disposé. Vous pouvez seuls recréer ce que vous avez détruit ou laissé détruire. Vous avez posé les bases de cette constitution raisonnable, en assurant au peuple le droit de faire des lois et de statuer sur l'impôt. L'anarchie anéantira ces droits eux-mêmes,

si vous ne les mettez sous la garde d'un gouvernement actif et vigoureux ; et le despotisme vous attend, si vous ne le prévenez par la protection tutélaire de l'autorité royale.

« J'ai recueilli mes forces pour vous parler le langage austère de la vérité. Pardonnez à mon zèle et à mon amour pour la patrie ce que mes remontrances peuvent avoir de trop libre, et croyez à mes vœux ardents pour votre gloire, autant qu'à mon profond respect.

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Le fragment suivant de l'Histoire de la Révolution de M. Dahlmann, que M. Albert de Boys a consigné dans son ouvrage Des principes générateurs de la Révolution française, se rapporte à la page 296 de ce volume.

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«L'assemblée nationale avait nommé un comité de constitution. Au lieu de fixer la forme fondamentale de l'Etat tout entier, ce qui aurait dû être la première occupation de l'assemblée, on vint proposer de mettre en tête de la constitution une déclaration des Droits de l'homme, idée importée des États-Unis d'Amérique par la Fayette. Les Américains, pour se disculper du reproche de rébellion, s'étaient attachés à prouver de point en point au roi d'Angleterre qu'il avait porté atteinte à leur égard aux droits les plus naturels de l'humanité. Plus tard, la plupart des États particuliers de l'Union suivirent cet exemple sans aucun motif dans leurs constitutions respectives; au point qu'on vit l'étrange spectacle des droits

naturels de l'homme réservés et proclamés là même où l'esclavage était maintenu. Et le comité de constitution fut un moment d'avis (sur la proposition de Mirabeau) que la déclaration des droits devait être ajournée jusqu'au moment où toutes les autres parties de la constitution seraient terminées.

<< Mais on ne s'arrêta nullement à ce plan; et à peine la question des droits de l'homme eut-elle été proposée dans le comité de constitution, que la Fayette s'élança avec sa légèreté ordinaire pour recommander à l'acceptation de l'assemblée la déclaration de ces droits. En partant du principe de la liberté et de l'égalité naturelles de tous les hommes, il en déduisit, comme conséquence pour chacun d'eux en particulier, l'existence d'un grand nombre des droits de l'homme innés et imprescriptibles pour la totalité des citoyens, en somme la souveraineté du peuple.

Sans nous engager dans les subtilités qui dérivent de ce principe, et pour nous en tenir seulement à la base fondamentale de ce projet, il est évident qu'il est totalement faux : car ni les hommes ne sont libres et égaux par nature, ni l'état ne peut être considéré comme une institution artificielle qu'aurait enfantée un état de nature sans organisation.

« Chaque homme grandit dans un état de besoin et de dépendance, et quand il est arrivé à l'âge de raison, il se voit entouré d'hommes auxquels il est inégal en figure, en capacités, en rang, en bien-être. Voulait-on donner au peuple français des preuves logiques et persuasives des bienfaits de la nouvelle constitution, il aurait fallu s'engager dans une voie entièrement opposée; on aurait dû re

connaître hautement les inégalités établies par Dieu, par la nature et par des traditions historiques; on aurait dû mettre en dehors de toute contestation que le but de toute bonne constitution, de toutes les lois en général, est de corriger ce qu'il y aurait d'oppressif dans ces différences, et de procurer à tous, dans un degré proportionnel et convenable, tout ce qu'on peut raisonnablement accorder aux hommes en fait de liberté et d'égalité.

« La reconnaissance des droits de l'homme préexistants à toute société plaça les Français à un point de vue tel que chaque frein imposé à la liberté et à l'égalité de la nature leur parut, sinon injuste, au moins très-regrettable; et c'est ce qui fit craindre que les docteurs des droits de l'homme n'essayassent de franchir l'espace qui sépare les droits de l'État du droit privé, et qu'ils n'en vinssent, de conséquence en conséquence, à décréter le partage égal de toutes les propriétés.

« Mirabeau reconnut toute la faiblesse de ces arguments; aussi dit-il à l'un de ses amis : « Ces droits imprescriptibles du bon la Fayette ne tiendront pas un « an. » Aussi le grand orateur persistait-il dans son avis, que la rédaction définitive de ces droits de l'homme devait être différée jusqu'à l'achèvement de toutes les autres parties de la constitution; mais l'assemblée finit par mettre en tête de sa constitution la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. (Histoire de la révolution, par M. DAHLMANN.)

FIN DU DEUXIÈME VOLUME.

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