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triste résultat : un roi sans autorité, un peuple sans frein.
C'est en vous livrant aux écarts des opinions que vous
avez favorisé l'influence de la multitude et multiplié à
l'infini les élections populaires. N'auriez-vous pas oublié
que les fréquentes élections, que les élections sans cesse
renouvelées, et le peu de durée des pouvoirs, sont une
source de relâchement dans les ressorts politiques? N'au-
riez-vous pas oublié que la forme du gouvernement doit
être en raison de ceux qu'il doit soutenir ou qu'il doit
protéger? Vous avez conservé le nom de roi; mais dans
votre constitution il n'est plus utile, et il est encore dange-
reux. Vous avez réduit son influence à celle que la cor-
ruption peut usurper; vous l'avez, pour ainsi dire, invité
à combattre une constitution qui le montre sans cesse ce
qu'il n'est pas et ce qu'il pourrait être. Voilà déjà un vice
inhérent à votre constitution, un vice qui la détruira si
vous ou vos successeurs ne vous hâtez de l'extirper.

« Je ne vous parlerai point des fautes qui peuvent être
attribuées aux circonstances, vous les apercevrez vous-
mêmes; mais le mal que vous pouvez détruire, comment le
laisseriez-vous subsister? Comment, après avoir déclaré le
dogme de la liberté des opinions religieuses, souffrez-vous
que des prêtres soient accablés de persécutions et d'ou-
trages? Comment, après avoir consacré les principes
de la liberté individuelle, souffrez-vous qu'il existe dans
votre sein une constitution qui serve de modèle et
de prétexte à toutes les inquisitions subalternes qu'une
inquiétude factieuse a semées dans toutes les parties
de l'empire? Comment n'êtes-vous pas épouvantés de
'audace et du succès des écrivains qui profanent le nom

garder. Quels hommes que ceux qui, laissant à leur patrie tous les biens qu'ils ont su lui faire, acceptent et réclament pour eux seuls les reproches qu'ont pu mériter des maux réels, des maux graves, mais dont ils ne pouvaient aussi accuser que les événements! Je vous crois dignes d'une si haute destinée, et cette idée m'invite à vous retracer sans ménagement ce que vous avez attaché de défectueux à la constitution française.

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Appelés à régénérer la France, vous deviez considérer d'abord ce que vous pouviez conserver de l'ordre ancien, et, de plus, ce que vous ne pouviez pas en abandonner. La France était une monarchie: son étendue, ses besoins, ses mœurs, l'esprit national s'opposent invinciblement à ce que jamais des formes républicaines puissent y être admises sans opérer une dissolution totale de l'empire. Le pouvoir monarchique était vicié par deux causes : les bases en étaient entourées de préjugés, et ses limites n'étaient marquées que par des résistances partielles. Épurer les principes, en asseyant le trône sur sa véritable base, la souveraineté de la nation; poser les limites, en les plaçant dans la représentation nationale, était ce que vous aviez à faire. Et vous croyez l'avoir fait! Mais, en organisant les deux pouvoirs, la force et le succès de la constitution dépendent de leur équilibre. Vous n'aviez à vous défendre que contre la pente actuelle des idées; vous deviez voir que, dans l'opinion, le pouvoir des rois décline et que les droits des peuples s'accroissent : ainsi, en affaiblissant sans mesure ce qui tend naturellement à s'effacer, en fortifiant dans la source ce qui tend naturellement à s'accroître, vous arrivez forcément à ce

triste résultat: un roi sans autorité, un peuple sans frein.
C'est en vous livrant aux écarts des opinions que vous
avez favorisé l'influence de la multitude et multiplié à
l'infini les élections populaires. N'auriez-vous pas oublié
que les fréquentes élections, que les élections sans cesse
renouvelées, et le peu de durée des pouvoirs, sont une
source de relâchement dans les ressorts politiques? N'au-
riez-vous pas oublié que la forme du gouvernement doit
être en raison de ceux qu'il doit soutenir ou qu'il doit
protéger? Vous avez conservé le nom de roi; mais dans
votre constitution il n'est plus utile, et il est encore dange-
reux. Vous avez réduit son influence à celle que la cor-
ruption peut usurper; vous l'avez, pour ainsi dire, invité
à combattre une constitution qui le montre sans cesse ce
qu'il n'est pas et ce qu'il pourrait être. Voilà déjà un vice
inhérent à votre constitution, un vice qui la détruira si
vous ou vos successeurs ne vous hâtez de l'extirper.

« Je ne vous parlerai point des fautes qui peuvent être
attribuées aux circonstances, vous les apercevrez vous-
mêmes; mais le mal que vous pouvez détruire, comment le
laisseriez-vous subsister? Comment, après avoir déclaré le
dogme de la liberté des opinions religieuses, souffrez-vous
que des prêtres soient accablés de persécutions et d'ou-
trages? Comment, après avoir consacré les principes
de la liberté individuelle, souffrez-vous qu'il existe dans
votre sein une constitution qui serve de modèle et
de prétexte à toutes les inquisitions subalternes qu'une
inquiétude factieuse a semées dans toutes les parties
de l'empire? Comment n'êtes-vous pas épouvantés de
'audace et du succès des écrivains qui profanent le nom

de patriote? Vous avez un gouvernement monarchique, et ils le font détester; vous voulez la liberté du peuple, et ils veulent faire du peuple le tyran le plus féroce. Vous voulez régénérer les mœurs, et ils commandent le triomphe du vice et l'impunité des crimes. Je ne vous parlerai pas de vos opérations de finances; à Dieu ne plaise que je veuille augmenter les inquiétudes ou diminuer les espérances! La fortune publique est encore dans vos mains; mais croyez bien qu'il n'y a ni impôts, ni crédit, ni recettes, ni dépenses assurés, là où le gouvernement n'est ni puissant ni respecté. Quelle sorte de gouvernement pourrait résister à cette domination des clubs? Vous avez détruit les corporations, et la plus colossale de toutes les agrégations s'élève sur vos têtes, et menace de dissoudre tous les pouvoirs. La France entière présente deux tribus très-prononcées : celle de gens de bien, des esprits modérés, classe d'hommes muets et consternés maintenant; tandis que des hommes violents s'électrisent, se serrent, et forment un volcan redoutable qui vomit des torrents de lave capables de tout engloutir. Vous avez fait une déclaration de droits, et cette déclaration est parfaite, si vous la dégagez des abstractions métaphysiques qui ne tendent qu'à répandre dans l'empire français des germes de désorganisation et de désordres. Sans cesse hésitant entre les principes qu'on empêche de modifier, et les circonstances qui vous arrachent des exceptions, vous faites toujours très-peu pour l'utilité publique, et trop pour votre doctrine. Vous êtes souvent inconstants et impolitiques au moment où vous voulez n'être ni l'un ni l'autre. Vous voyez qu'aucune de ces observations n'é

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