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Cependant un groupe de brigands du Midi venait d'arriver; les chefs du complot jugèrent que le moyen le plus propre à raviver l'énergie révolutionnaire était de faire paraître au sein de l'assemblée une bande de ces brigands connus sous le nom de Marseillais, se disant députés de la ville de Marseille. Son orateur parla en ces termes : « La liberté française est en péril. Les hommes <«< libres du Midi sont prêts à marcher pour la défendre. « Le jour de la colère du peuple est enfin arrivé; il veut << anéantir les conspirateurs. La force populaire fait votre « force: employez-la; point de quartier, puisque vous « n'en avez point à espérer! Ordonnez, et nous marche«< rons vers les frontières. Le peuple veut absolument ache« ver une révolution qui doit assurer son bonheur. » — L'assemblée ne se contenta pas d'applaudir cette harangue : elle en décréta l'impression et l'envoi aux quatre-vingttrois départements (1). L'arrivée de ces soi-disant Marseillais coïncidait singulièrement avec le mouvement projeté par les girondins.

Toutes ces agitations partielles allaient être régularisées par les chefs du mouvement qui se préparait. Dès le 16 juin, une pétition fut adressée au conseil général de la commune, au nom des citoyens des faubourgs, demandant la permission de s'assembler le 20, anniversaire du serment du Jeu de paume, avec les armes qu'ils avaient portées à la fête de la grande Fédération, 14 juillet 1790. Le conseil général, considérant que la loi interdisait tout rassemblement armé du peuple, passa à l'ordre du jour;

(1) Moniteur, t. XII, p. 710.

mais les chefs déclarèrent hautement que ce refus d'obtempérer à la demande des pétitionnaires ne les empêcherait pas de se réunir en armes.

Bien que Louis XVI semblât résolu un moment à sanctionner le décret touchant le camp de 20 mille fédérés, il se ravisa cependant, et le ministre Duranthon vint annoncer à l'assemblée le veto du roi, non-seulement au décret relatif à la déportation des prêtres insermentés, mais aussi à celui du camp de 20 mille fédérés. Dès lors l'insurrection devint imminente.

Tandis que le ministre donnait connaissance à l'assemblée du veto du roi sur les deux décrets, Santerre, qui commandait alors la garde nationale de Paris, annonçait à l'hôtel de ville, au maire et aux autres municipaux, que rien au monde ne pourrait empêcher les citoyens de marcher le lendemain avec leurs armes, que toute représentation était inutile, et qu'à tout ce qu'on pouvait leur dire ils répondaient : « On ne doit pas agir avec nous autrement qu'avec « les autres que l'assemblée a bien accueillis (1). »

Le plan et la direction du complot s'organisèrent dans la nuit du 19 au 20 juin à Charenton, à la suggestion de la Gironde, dans une réunion où figuraient les plus ardents jacobins. Le maire de Paris, qui était parfaitement

(1) Depuis la déclaration de la guerre à l'Autriche, des pétitionnaires s'étaient présentés à la barre de l'assemblée, lui offrant leurs bras pour la défense de la patrie, et avaient obtenu la permission de défiler tout armés à travers la salle. Cette condescendance avait rendu illusoires tous les règlements faits contre les attroupements, et conséquemment toute garantie contre les émeutes et les séditions. C'est à cette condescendance de l'assemblée qu'avaient trait les paroles de Santerre que nous venons de rapporter.

Cependant un groupe de brigands du Midi venait d'arriver; les chefs du complot jugèrent que le moyen le plus

propre à raviver l'énergie révolutionnaire était de faire paraître au sein de l'assemblée une bande de ces brigands connus sous le nom de Marseillais, se disant députés de la ville de Marseille. Son orateur parla en ces termes : « La liberté française est en péril. Les hommes <«< libres du Midi sont prêts à marcher pour la défendre. << Le jour de la colère du peuple est enfin arrivé; il veut «< anéantir les conspirateurs. La force populaire fait votre << force: employez-la; point de quartier, puisque vous «< n'en avez point à espérer! Ordonnez, et nous marche<< rons vers les frontières. Le peuple veut absolument ache« ver une révolution qui doit assurer son bonheur. » L'assemblée ne se contenta pas d'applaudir cette harangue : elle en décréta l'impression et l'envoi aux quatre-vingttrois départements (1). L'arrivée de ces soi-disant Marseillais coïncidait singulièrement avec le mouvement projeté par les girondins.

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Toutes ces agitations partielles allaient être régularisées par les chefs du mouvement qui se préparait. Dès le 16 juin, une pétition fut adressée au conseil général de la commune, au nom des citoyens des faubourgs, demandant la permission de s'assembler le 20, anniversaire du serment du Jeu de paume, avec les armes qu'ils avaient portées à la fête de la grande Fédération, 14 juillet 1790. Le conseil général, considérant que la loi interdisait tout rassemblement armé du peuple, passa à l'ordre du jour;

(1) Moniteur, t. XII, p. 710.

mais les chefs déclarèrent hautement que ce refus d'obtempérer à la demande des pétitionnaires ne les empêcherait pas de se réunir en armes.

Bien que Louis XVI semblât résolu un moment à sanctionner le décret touchant le camp de 20 mille fédérés, il se ravisa cependant, et le ministre Duranthon vint annoncer à l'assemblée le veto du roi, non-seulement au décret relatif à la déportation des prêtres insermentés, mais aussi à celui du camp de 20 mille fédérés. Dès lors l'insurrection devint imminente.

Tandis que le ministre donnait connaissance à l'assemblée du veto du roi sur les deux décrets, Santerre, qui commandait alors la garde nationale de Paris, annonçait à l'hôtel de ville, au maire et aux autres municipaux, que rien au monde ne pourrait empêcher les citoyens de marcher le lendemain avec leurs armes, que toute représentation était inutile, et qu'à tout ce qu'on pouvait leur dire ils répondaient : « On ne doit pas agir avec nous autrement qu'avec « les autres que l'assemblée a bien accueillis (1). »

Le plan et la direction du complot s'organisèrent dans la nuit du 19 au 20 juin à Charenton, à la suggestion de la Gironde, dans une réunion où figuraient les plus ardents jacobins. Le maire de Paris, qui était parfaitement

(1) Depuis la déclaration de la guerre à l'Autriche, des pétitionnaires s'étaient présentés à la barre de l'assemblée, lui offrant leurs bras pour la défense de la patric, et avaient obtenu la permission de défiler tout armés à travers la salle. Cette condescendance avait rendu illusoires tous les règlements faits contre les attroupements, et conséquemment toute garantie contre les émeutes et les séditions. C'est à cette condescendance de l'assemblée qu'avaient trait les paroles de Santerre que nous venons de rapporter.

au fait de toutes ces trames, et qui en était souvent un des principaux instigateurs, les laissait se développer avec toute la facilité possible.

Le matin, à cinq heures, 20 juin, invalides, gardes nationaux, hommes à piques et sans armes, femmes, enfants, tout se réunit au faubourg Saint-Marcel. Des commissaires y sont envoyés par la municipalité. Ils trouvent des hommes armés, canons en tête; et cette phalange allait s'accroître d'une multitude d'autres individus, de femmes même armées. Rien n'était de force à arrêter ces masses insurgées, bien que les chefs ne cessassent de protester de leurs intentions pacifiques. Enfin, un cri général se fit entendre: En avant! et tous se mirent en marche.

Au faubourg Saint-Antoine, le même jour, le mouvement fut plus nettement caractérisé : bien qu'à cinq heures du matin Santerre n'eût pas encore quinze cents hommes réunis, cette troupe se grossit considérablement en se portant vers les Tuileries. Une foule d'individus de toute espèce s'y incorporaient, qui, sans s'informer de ce qu'on allait demander au roi, sans aucun dessein prémédité, insouciants et gais à la fois, s'agitaient, menaçaient, riaient, chantaient, et leur allure offrait un mélange bizarre de férocité sauvage et grotesque (1). On remarquait surtout dans cette cohue Théroigne de Méricourt, qui allait passer du vice aux forfaits les plus abominables : elle portait des vêtements d'homme, un sabre à la main, un fusil sur l'épaule; un canon lui servait de char auquel s'étaient attelés des ouvriers aux bras nus. On

(1) Burette, t. II, p. 115.

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