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nette gardait toujours rancune au geólier de 1791; jamais ressentiment fut-il plus intempestif! Aussi le roi avait tout à fait désespéré de l'intérieur; il tournait ses vœux du côté de l'étranger (1).

Tandis que l'assemblée était occupée de la lettre de la Fayette, que cette démarche de l'ancien commandant de la garde nationale donnait lieu à mille conjectures, aux clubs, dans les rues, la fermentation des esprits était au comble. La presse révolutionnaire désignait le roi sous le nom de M. Veto, la reine sous celui de la Tigresse, tout en donnant aux gardes nationales le surnom d'assassins du Champ de Mars.

La Fayette avait fait effacer d'un édifice public l'ins cription: Guerre aux châteaux, paix aux chaumières ; et Chabot, aux Jacobins, dénonçait cet acte comme un délit national. La garde nationale elle-même, destinée à veiller sur la paix publique, semblait divisée de sentiments, comme le reste de la population de Paris; hostile aux jacobins dans quelques bataillons, elle leur était entièrement dévouée dans d'autres, et paraissait méconnaître toutes les règles de la discipline.

(1) Ce fut vers ce temps que Louis XVI envoya un agent secret, MalletDupan, Génevois, auprès de l'Empereur et du roi de Prusse, pour leur demander avec les plus vives instances qu'ils voulussent coopérer à sa délivrance, mais de ne point se présenter sur le territoire français avec leurs troupes en ennemis de la nation, et de déclarer qu'ils ne prenaient les armes que pour combattre une faction antisociale; au reste, nous renvoyons notre lecteur à ce que nous avons déjà dit sur ce grave incident, en nous réservant de parler avec plus d'extension de ce grave épisode de l'histoire de la révolution quand il nous faudra rendre compte des grandes opérations de la coalition armée du mois de septembre suivant.

Cependant un groupe de brigands du Midi venait d'arriver; les chefs du complot jugèrent que le moyen le plus propre à raviver l'énergie révolutionnaire était de faire paraître au sein de l'assemblée une bande de ces brigands connus sous le nom de Marseillais, se disant députés de la ville de Marseille. Son orateur parla en ces termes : « La liberté française est en péril. Les hommes <«< libres du Midi sont prêts à marcher pour la défendre. « Le jour de la colère du peuple est enfin arrivé; il veut << anéantir les conspirateurs. La force populaire fait votre « force : employez-la; point de quartier, puisque vous « n'en avez point à espérer! Ordonnez, et nous marche<< rons vers les frontières. Le peuple veut absolument ache« ver une révolution qui doit assurer son bonheur. » — L'assemblée ne se contenta pas d'applaudir cette harangue : elle en décréta l'impression et l'envoi aux quatre-vingttrois départements (1). L'arrivée de ces soi-disant Marseillais coïncidait singulièrement avec le mouvement proles girondins.

jeté par

Toutes ces agitations partielles allaient être régularisées par les chefs du mouvement qui se préparait. Dès le 16 juin, une pétition fut adressée au conseil général de la commune, au nom des citoyens des faubourgs, demandant la permission de s'assembler le 20, anniversaire du serment du Jeu de paume, avec les armes qu'ils avaient portées à la fête de la grande Fédération, 14 juillet 1790. Le conseil général, considérant que la loi interdisait tout rassemblement armé du peuple, passa à l'ordre du jour ;

(1) Moniteur, t. XII, p. 710.

mais les chefs déclarèrent hautement que ce refus d'obtempérer à la demande des pétitionnaires ne les empêcherait pas de se réunir en armes.

Bien que Louis XVI semblât résolu un moment à sanctionner le décret touchant le camp de 20 mille fédérés, il se ravisa cependant, et le ministre Duranthon vint annoncer à l'assemblée le veto du roi, non-seulement au décret relatif à la déportation des prêtres insermentés, mais aussi à celui du camp de 20 mille fédérés. Dès lors l'insurrection devint imminente.

Tandis que le ministre donnait connaissance à l'assemblée du veto du roi sur les deux décrets, Santerre, qui commandait alors la garde nationale de Paris, annonçait à l'hôtel de ville, au maire et aux autres municipaux, que rien au monde ne pourrait empêcher les citoyens de marcher le lendemain avec leurs armes, que toute représentation était inutile, et qu'à tout ce qu'on pouvait leur dire ils répondaient : « On ne doit pas agir avec nous autrement qu'avec « les autres que l'assemblée a bien accueillis (1).

Le plan et la direction du complot s'organisèrent dans la nuit du 19 au 20 juin à Charenton, à la suggestion de la Gironde, dans une réunion où figuraient les plus ardents jacobins. Le maire de Paris, qui était parfaitement

(1) Depuis la déclaration de la guerre à l'Autriche, des pétitionnaires s'étaient présentés à la barre de l'assemblée, lui offrant leurs bras pour la défense de la patrie, et avaient obtenu la permission de défiler tout armés à travers la salle. Cette condescendance avait rendu illusoires tous les règlements faits contre les attroupements, et conséquemment toute garantie contre les émeutes et les séditions. C'est à cette condescendance de l'assemblée qu'avaient trait les paroles de Santerre que nous venons de rapporter.

Cependant un groupe de brigands du Midi venait d'arriver; les chefs du complot jugèrent que le moyen le plus propre à raviver l'énergie révolutionnaire était de faire paraître au sein de l'assemblée une bande de ces brigands connus sous le nom de Marseillais, se disant députés de la ville de Marseille. Son orateur parla en ces termes : « La liberté française est en péril. Les hommes <«< libres du Midi sont prêts à marcher pour la défendre. « Le jour de la colère du peuple est enfin arrivé; il veut «< anéantir les conspirateurs. La force populaire fait votre « force employez-la; point de quartier, puisque vous « n'en avez point à espérer! Ordonnez, et nous marche<< rons vers les frontières. Le peuple veut absolument ache« ver une révolution qui doit assurer son bonheur. » L'assemblée ne se contenta pas d'applaudir cette harangue : elle en décréta l'impression et l'envoi aux quatre-vingttrois départements (1). L'arrivée de ces soi-disant Marseillais coïncidait singulièrement avec le mouvement projeté par les girondins.

Toutes ces agitations partielles allaient être régularisées par les chefs du mouvement qui se préparait. Dès le 16 juin, une pétition fut adressée au conseil général de la commune, au nom des citoyens des faubourgs, demandant la permission de s'assembler le 20, anniversaire du serment du Jeu de paume, avec les armes qu'ils avaient portées à la fête de la grande Fédération, 14 juillet 1790. Le conseil général, considérant que la loi interdisait tout rassemblement armé du peuple, passa à l'ordre du jour;

(1) Moniteur, t. XII, p. 710.

mais les chefs déclarèrent hautement que ce refus d'obtempérer à la demande des pétitionnaires ne les empêcherait pas de se réunir en armes.

Bien que Louis XVI semblât résolu un moment à sanctionner le décret touchant le camp de 20 mille fédérés, il se ravisa cependant, et le ministre Duranthon vint annoncer à l'assemblée le veto du roi, non-seulement au décret relatif à la déportation des prêtres insermentés, mais aussi à celui du camp de 20 mille fédérés. Dès lors l'insurrection devint imminente.

Tandis que le ministre donnait connaissance à l'assemblée du veto du roi sur les deux décrets, Santerre, qui commandait alors la garde nationale de Paris, annonçait à l'hôtel de ville, au maire et aux autres municipaux, que rien au monde ne pourrait empêcher les citoyens de marcher le lendemain avec leurs armes, que toute représentation était inutile, et qu'à tout ce qu'on pouvait leur dire ils répondaient : « On ne doit pas agir avec nous autrement qu'avec « les autres que l'assemblée a bien accueillis (1). »

Le plan et la direction du complot s'organisèrent dans la nuit du 19 au 20 juin à Charenton, à la suggestion de la Gironde, dans une réunion où figuraient les plus ardents jacobins. Le maire de Paris, qui était parfaitement

(1) Depuis la déclaration de la guerre à l'Autriche, des pétitionnaires s'étaient présentés à la barre de l'assemblée, lui offrant leurs bras pour la défense de la patrie, et avaient obtenu la permission de défiler tout armés à travers la salle. Cette condescendance avait rendu illusoires tous les règlements faits contre les attroupements, et conséquemment toute garantie contre les émeutes et les séditions. C'est à cette condescendance de l'assemblée qu'avaient trait les paroles de Santerre que nous venons de rapporter.

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