Page images
PDF
EPUB

toyens qui s'étaient le plus illustrés par leur désintéressement en Grèce et à Rome (1).

Le comité proposa encore l'article suivant : « Les mi<«< nistres auront entrée à l'assemblée législative, et seront << entendus sur tous les objets pour lesquels ils demande« ront à l'être. » Mais sur l'avis de quelques députés de la gauche cet article fut changé, et on stipula que les ministres seraient « entendus sur les objets relatifs à leur «< administration, même sur des objets qui y seraient étran«gers, mais seulement quand l'assemblée leur accor« derait la parole. »

Telles sont à peu près les seules modifications que reçut l'acte constitutionnel présenté par le comité. Cette espèce de révision s'était cependant prolongée durant une longue suite de séances. — Le député Guillaume avait indiqué « des omissions très-graves, que les vrais amis de la

[ocr errors]

(1) Une adresse du club de Marseille au peuple français fait voir jusqu'à quel point était déjà poussé l'enthousiasme fanatique dont Robespierre était l'objet. On y lisait, entre autres : « Français ! hommes vraiment li«< bres de quatre-vingt-trois départements, vos frères et amis les Marseil<«< lais vous invitent à rendre hommage à Robespierre, ce digne représen<«< tant de la nation, à cet apôtre de la liberté..... Il est cette sentinelle vigilante que rien n'a pu surprendre, cet unique émule de Fabricius. « Voûtes sacrées des Jacobins, pourrez-vous retentir de plus de vérités «que Robespierre et Danton ne vous en ont fait entendre? Prolongez-en « les sons dans tous les clubs de l'empire..... Sachez, Français, que vos « frères de Marseille ont juré de veiller à la conservation précieuse de ces « hommes rares que la capitale a l'heureux avantage de posséder dans « son sein... Répondez-nous de la vie de Robespierre et de Danton; que « vos corps leur servent de remparts. Les Marseillais, à la moindre lueur « de danger, voleront auprès de vous, et, suivis des excellents patriotes « des départements, ils iront dans la capitale arracher le masque aux hypocrites, et placer la vérité entre Robespierre et Danton. »

[ocr errors]

Cette adresse fut rédigée par Barbaroux, que Robespierre, en 1793, envoya à l'échafaud.

« liberté avaient cru apercevoir... » Mais de nombreuses voix s'élevèrent contre; on entendit même des cris : « A « l'ordre! à l'Abbaye! » tant il tardait à ces représentants de clore leur session.

Tandis que ces débats avaient lieu au sein de l'assemblée, les clubs des provinces exerçaient presque partout une autorité supérieure à celle des administrations locales; ils mandaient à leurs barres les maires et les autres fonctionnaires, fouillaient leurs papiers, les avilissaient par d'insolentes provocations. Dans plusieurs départements, les percepteurs de deniers publics étaient chassés, meurtris. Pour augmenter le nombre des partisans du régime républicain qu'on avait déjà en vue, les agitateurs parlaient au peuple d'un partage égal des terres, comme de la conséquence immédiate de cette autre forme de gouvernement. L'évêque constitutionnel Fauchet appelait la loi agraire dans ses sermons et dans ses mandements Mais cela ne suffisait point aux novateurs depuis longtemps ils convoitaient le comtat d'Avignon, enclavé dans le territoire de la France, et propriété des souverains pontifes depuis le quatorzième siècle. Plusieurs fois le projet de cette spoliation avait été écarté par la majorité de l'assemblée nationale. Maintenant que le côté droit se taisait, les députés de la gauche sentaient qu'il leur

serait plus facile que par le passé de parvenir à leurs fins, et ils s'empressèrent de remettre cette question sur le tapis.

De longue main les agents des clubs fomentaient des troubles dans le Comtat; les propriétaires aisés durent, comme de raison, succomber dans cette lutte inégale. « Il faut, » déclamaient les membres de l'extrême gauche, « il faut arracher ce peuple infortuné à des discordes in<< testines et cruelles; il faut se hâter de satisfaire au vœu « de la majorité de la population de ce pays, qui de« mande avec ardeur sa réunion à l'empire français... « Il ne s'agit point ici d'une conquête, d'un agrandisse« sement territorial, l'acte constitutionnel nous l'in« terdit, mais du résultat évident des droits de l'homme, qui lui laissent toute faculté de se choisir le <«< ment qui lui plaît. »

[ocr errors]

gouverne

L'abbé Maury, né dans le comtat d'Avignon, employa toute la verve de son éloquence, toutes les ressources de sa dialectique serrée, pour démontrer le machiavélisme des meneurs de ce parti; il prouva que le vœu en faveur de la réunion n'était pas à beaucoup près celui de la majorité de la population de ce pays. Il présenta en même temps un acte d'accusation signé par lui, dans lequel il demandait à être autorisé à poursuivre, sous sa responsabilité, devant le tribunal de la haute cour nationale, les commissaires de l'assemblée envoyés à Avignon, comme s'étant rendus coupables, dans l'exercice de leurs fonctions, de la protection la plus scandaleuse envers tous les brigands, etc., se soumettant, dans le cas où son accusation serait jugée calomnieuse, à toute la sévérité de la loi con

tre les dénonciateurs infidèles. La lecture des pièces contenant les preuves les plus évidentes de toutes ces malversations, était sans cesse interrompue par des clameurs ou des injures adressées à l'abbé. Les accusés, admis à la barre, ne répondaient au véhément orateur que par des faux-fuyants ou par de misérables sarcasmes. —Au fait, qu'avaient-ils besoin de se voir justifiés; ils étaient fortement appuyés par le côté gauche et les tribunes, et l'assemblée finit par déclarer que, « conformément au vœu « librement et solennellement émis par la majorité des ci<< toyens des états réunis d'Avignon et du comtat Venais« sin, lesdits états vont faire dès ce moment partie in<< tégrante de l'empire français. »

«

Toutefois, pour la forme, le décret ajoutait que « le pouvoir exécutif serait prié d'ouvrir des négociations << avec la cour de Rome, pour traiter des indemnités et « dédommagements qui pourraient lui être dus (1). » Clause qui jamais n'a été mise à exécution (2).

Au moment où on allait fermer les discussions concernant la révision de l'acte constitutionnel, on crut devoir

(1) Moniteur, t. IX, p. 662. (2) Cette manière de procéder, s'emparer, fut toujours pratiquée

Bertrand de Moleville, Lacretelle. envers des pays dont la France voulait depuis par les divers gouvernements qui se succédèrent durant la révolution, comme nous le verrons dans la suite de ces Études.

régler le cérémonial selon lequel la constitution serait présentée à l'acceptation du roi. Robespierre prit d'abord la parole. Il commença par signaler les immenses extensions d'autorité que la nation accordait au roi par l'acte constitutionnel; les grands revenus qu'elle lui avait alloués, énumération qui excita de longs murmures. « Le sort de « la constitution, » dit-il enfin, « est indépendant de la « volonté de Louis XVI; ce principe est déjà reconnu << par l'assemblée. Je ne comprends pas le mot de li«< berté ou de contrainte appliqué à cette circonstance. Je «ne conçois point comment l'acceptation de Louis XVI « pourrait être supposée avoir été forcée; car la présen<< tation de cet acte peut être traduite par ces seuls mots : « La nation vous offre le tróne le plus puissant de l'u «nivers; voici le titre qui vous y appelle, voulez-vous l'accepter ou non? Mais que signifient ces bizarres scrupules sur la liberté de l'acceptation? Eh! dans quel <«< lieu de l'empire Louis XVI peut-il être plus en sûreté <«< qu'au milieu de la garde nombreuse et fidèle des ci<< toyens qui l'environnent? Je ne présume pas non plus qu'il existe dans cette assemblée un homme assez lâche « pour transiger avec la cour sur aucun article de notre «< code constitutionnel, assez perfide pour faire proposer << par elle des changements nouveaux que la pudeur ne «<lui permettrait pas de proposer lui-même. » Ici, on vit l'orateur ombrageux s'interrompre brusquement; il prie enfin le président d'ordonner à Duport de ne pas l'insulter. Plusieurs députés placés auprès de Duport assurent qu'ils n'ont rien entendu (incident qui provoque de longs éclats de rire sur plusieurs bancs). Robespierre, un

[ocr errors]

"

« PreviousContinue »