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La nuit se passe en menées sourdes. Dès la pointe du jour on affiche la pétition sur tous les murs de la capitale; on annonce que tous ceux qui voudront la signer auront à se rendre au Champ de Mars. Bien avant l'heure du rendez-vous, l'autel de la patrie était déjà couvert de groupes de toute sorte d'individus des deux sexes. Tout à coup on découvre sous l'estrade deux hommes, qui, pour manger leur déjeuner sans être incommodés des ardeurs du soleil, s'y étaient blottis ; l'un était un pauvre perruquier, l'autre un invalide avec une jambe de bois. La fièvre insurrectionnelle fait voir en eux des conspirateurs, payés pour miner et faire sauter l'autel de la patrie avec tout le peuple qui s'y trouvait rassemblé. Ils sont saisis, et, sans autre forme de procès, des forcenés leur scient plutôt qu'ils ne leur coupent la tête, pour en faire un hideux trophée, porté dans quelques rues de Paris afin d'y répandre ce qu'on appelait déjà la terreur patriotique. Vers une heure la foule était déjà prodigieuse, et attendait impatiemment la pétition pour la signer. Quelques obscurs jacobins arrivent enfin avec cette pièce. Des feuilles séparées sont distribuées pour recevoir les signatures; on en recueillit environ six mille, en comptant pour des signatures une foule de croix, la plupart des signataires ne sachant pas écrire. Les préposés à ce grand acte de la souveraineté du peuple furent : Santerre, Chaumette, Hébert, Henriot, des misérables que nous verrons figurer en première ligne dans les scènes les plus horribles de 93. Danton, Fréron, Camille Desmoulins, ce hardi follicu

grande vogue, et de telles sorties devaient porter l'irritation de la multitude à son comble.

laire, tous s'étaient enfuis, dès la veille, à la campagne. Marat se cacha, comme d'ordinaire, au fond de son souterrain. Robespierre ne se montra pas non plus, la panique l'avait fait fuir aussi, et plusieurs jours durant il n'osa pas coucher dans son logis. La terreur avait réellement saisi les principaux chefs ou plutôt les instigateurs de cette insurrection de la canaille (1).

Le tumulte devenait effrayant; les meneurs parlaient de se porter en masse sur l'assemblée nationale, tout en hâtant les signatures.

L'assemblée ayant enjoint aux pouvoirs exécutifs, notamment à la municipalité, d'employer tous les moyens dont elle disposait pour assurer la tranquillité publique, le corps municipal arrêta que la loi martiale serait de suite publiée. Aussitôt trois officiers municipaux descendent de la maison commune pour la proclamer; le drapeau rouge est suspendu à une des fenêtres de l'hôtel. Le maire et une partie des officiers municipaux se mettent en marche, précédés d'un détachement de cavalerie, de trois pièces de

"

(1) On lit dans les Mémoires de madame Roland les lignes suivantes, t. I, p. 356 : « Je ne connais pas d'effroi comparable à celui de Robespierre dans ces circonstances..... Nous nous inquiétames véritablement «< sur son compte, Roland et moi. Nous nous fimes conduire chez lui à « onze heures du soir, pour lui offrir un asile; mais il avait déjà quitté « son domicile. Nous nous rendimes après chez Buzot. Buzot hésita quel« que temps: Je ferai tout, dit-il enfin, pour sauver ce malheureux jeune homme (Robespierre), quoique je sois loin de partager l'opinion « de certaines personnes sur son compte; il songe trop à lui pour tant aimer la liberté; mais il la sert, et cela me suffit. »

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C'était là le langage, la conduite ordinaire des chefs des insurrections il leur suffisait que tel ou tel individu servit, secondat avec zèle leurs desseins; libre à lui, après, de se conduire comme bon lui sem. blerait.

canon, du ́drapeau rouge, et suivis d'un bataillon de la garde nationale. Dès que cette force armée paraît au Champ de Mars, des cris, des huées s'élèvent ; elle est assaillie d'une grèle de pierres. Un homme tire sur la Fayette et le manque; cet homme est arrêté et amené devant le commandant, qui le fait mettre en liberté. Ces agressions flagrantes ne permettaient pas les sommations que la loi prescrivait. La Fayette fait tirer quelques coups en l'air : la multitude paraît céder; mais à peine les fuyards se sont-ils aperçus qu'il n'y a point de blessés qu'ils se rallient et recommencent à lancer des pierres. Une seconde décharge fut sérieuse, et la cavalerie acheva de disperser ces tourbes. Les journaux révolutionnaires évaluèrent à cent le nombre des morts, et la cavalerie surtout fut l'objet de leurs reproches. La Fayette assura que ce nombre avait été follement exagéré, et que les cavaliers n'avaient blessé personne.

De retour en ville, la force armée qui avait dissipé toute cette plèbe voulut abattre à coups de canon le bâtiment où siégeaient les jacobins; le petit nombre de gens qui s'y trouvaient encore, effrayés de cette seule menace, s'enfuit à toutes jambes à travers les huées, les sarcasmes les plus grossiers du peuple, et les prétendus chefs ne couraient pas le moins vite (1).

Le lendemain l'assemblée nationale reçut à sa barre le corps municipal, et elle donna, par l'organe de son président, une pleine approbation à la conduite des magistrats. Le moment était propice pour prévenir une fois pour

(1) Beaulieu.

laire, tous s'étaient enfuis, dès la veille, à la campagne. Marat se cacha, comme d'ordinaire, au fond de son souterrain, Robespierre ne se montra pas non plus, la panique l'avait fait fuir aussi, et plusieurs jours durant il n'osa pas coucher dans son logis. La terreur avait réellement saisi les principaux chefs ou plutôt les instigateurs de cette insurrection de la canaille (1).

Le tumulte devenait effrayant; les meneurs parlaient de se porter en masse sur l'assemblée nationale, tout en hâtant les signatures.

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L'assemblée ayant enjoint aux pouvoirs exécutifs, notamment à la municipalité, d'employer tous les moyens dont elle disposait pour assurer la tranquillité publique, la loi martiale serait de suite corps municipal arrêta que publiée. Aussitôt trois officiers municipaux descendent de la maison commune pour la proclamer; le drapeau rouge est suspendu à une des fenêtres de l'hôtel. Le maire et une partie des officiers municipaux se mettent en marche, précédés d'un détachement de cavalerie, de trois pièces de

(1) On lit dans les Mémoires de madame Roland les lignes suivantes, t. I, p. 356 : « Je ne connais pas d'effroi comparable à celui de Robes<< pierre dans ces circonstances..... Nous nous inquiétames véritablement << sur son compte, Roland et moi. Nous nous fimes conduire chez lui à «< onze heures du soir, pour lui offrir un asile; mais il avait déjà quitté << son domicile. Nous nous rendimes après chez Buzot. Buzot hésita quel« que temps: Je ferai tout, dit-il enfin, pour sauver ce malheureux jeune homme (Robespierre), quoique je sois loin de partager l'opinion <«< de certaines personnes sur son compte; il songe trop à lui pour tant « aimer la liberté; mais il la sert, et cela me suffit. »

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C'était là le langage, la conduite ordinaire des chefs des insurrections il leur suffisait que tel ou tel individu servit, secondȧt avec zèle leurs desseins; libre à lui, après, de se conduire comme bon lui semblerait.

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canon, du drapeau rouge, et suivis d'un bataillon de la garde nationale. Dès que cette force armée paraît au Champ de Mars, des cris, des huées s'élèvent; elle est assaillie d'une grêle de pierres. Un homme tire sur la Fayette et le manque; cet homme est arrêté et amené devant le commandant, qui le fait mettre en liberté. Ces agressions flagrantes ne permettaient pas les sommations que la loi prescrivait. La Fayette fait tirer quelques coups en l'air la multitude paraît céder; mais à peine les fuyards se sont-ils aperçus qu'il n'y a point de blessés qu'ils se rallient et recommencent à lancer des pierres. Une seconde décharge fut sérieuse, et la cavalerie acheva de disperser ces tourbes. Les journaux révolutionnaires évaluèrent à cent le nombre des morts, et la cavalerie surtout fut l'objet de leurs reproches. La Fayette assura que ce nombre avait été follement exagéré, et que les cavaliers n'avaient blessé personne.

De retour en ville, la force armée qui avait dissipé toute cette plèbe voulut abattre à coups de canon le bâtiment où siégeaient les jacobins; le petit nombre de gens qui s'y trouvaient encore, effrayés de cette seule menace, s'enfuit à toutes jambes à travers les huées, les sarcasmes les plus grossiers du peuple, et les prétendus chefs ne couraient pas le moins vite (1).

Le lendemain l'assemblée nationale reçut à sa barre le corps municipal, et elle donna, par l'organe de son président, une pleine approbation à la conduite des magistrats. Le moment était propice pour prévenir une fois pour

(1) Beaulieu.

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