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tamer une négociation pour leur réunion à la France; décrète en outre que son président enverra une expédition du présent décret au peuple d'Avignon pour l'engager à ne se rappeler les malheureux événements qui ont eu lieu dans cette ville que pour mieux y maintenir l'union et la paix.

M. CLERMONT-TONNERRE: Il est impossible de rien ajouter aux principes sagement énoncés par M. Tronchet. L'Assemblée a déclaré qu'elle ne voulait pas s'agrandir par des conquêtes. Si elle s'écartait de cette belle maxime, il faudrait bientôt classer une déclaration qui a fait votre gloire parmi les principes immoraux de la diplomatie des despotes. La ville d'Avignon sera comme la chaumière du pauvre dans le domaine d'un grand roi, un exemple de justice. Je conclus à ce que le projet du comité soit adopté dans son entier.

M. CHARLES LAMETH: Je demande l'ajournement, attendu que toutes les objections contre le décret n'ont pas été proposées. Vous voulez mettre en liberté les oppresseurs, qui, à Avignon comme à Paris, n'ont pas été les plus forts.

M. BARNAVE: Je suis d'avis que les prisonniers doivent être provisoirement élargis; mais le surplus du décret doit être renvoyé à une séance du matin. La matière est assez importante.

M. AMBLY: J'appuie la motion de M. Barnave, à condition qu'on annulera les décrets rendus le 19 juin dans la séance du soir.

M. CRILLON LE JEUNE : L'Assemblée, par un décret formel, a renvoyé la discussion à la présente séance. La proposition de M. Barnave doit donc être sans effet. M. Montmorency demande l'ajournement du fond et l'élargissement des prisonniers.

M. MALOUET: Je requiers qu'il soit fait dans le décret une mention tendante à pourvoir à la subsistance des prisonniers.

Après d'assez longs débats sur la priorité des diverses motions, l'Assemblée l'accorde à celle de M. Montmorency.

L'article III du projet de décret est adopté avec l'addition proposée par M. Malouet.

La séance est levée à 11 heures.

SÉANCE DU SAMEDI 28 AOUT.

M. BOUCHE: L'ajournement indéfini prononcé dans la séance d'hier au soir, sur le fond de l'affaire d'Avignon, pourrait avoir des suites très fâcheuses. La tranquillité de la ville d'Avignon et celle des provinces du Midi est attachée à une prompte décision de l'Assemblée nationale. Je demande que cet ajournement soit fixé à la séance de ce soir, ou qu'il en soit indiqué une extraordinaire à lundi prochain.

L'Assemblée décide qu'elle s'occupera de cette motion à l'ordre de deux heures.

- On fait lecture d'une lettre de M. Bailly, qui présente

l'adresse et le désaven des sections du Roi de Sicile et de la

place Vendôme sur la pétition des representants de la commune pour la diminution des charges publiques de la ville de Paris.

Autre lettre de M. Pierre Riolles, qui sollicite l'élargisse

ment de son père détenu dans les prisons de l'abbaye SaintGermain.

L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité des rapports.

-M. LAROCHEFOUCAULT: Par un de vos décrets vous avez chargé votre comité d'aliénation de se concerter avec les commissaires de la commune, pour la vente des biens qui se trouvent dans l'enceinte du département de Paris; l'estimation d'un grand nombre de ces bious a été faite, les soumissions sont remplies, les acquéreurs se présentent. Voici le décret que votre comite d'aliénation a l'honneur de vous proposer:

« L'Assemblee nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité d'aliénation de la soumission faite par les

commissaires de la commune de Paris, le 26 juin dernier, dénommés....., declare vendre à la municipalité de Paris les pour, entre autres biens nationaux, acquérir ceux ci-aprè

biens ci-dessus pour le prix de 3,591,740 liv., aux clauses, charges et conditions portées dans l'instruction concernant la vente et l'aliénation des biens nationaux. >> Ce décret est adopté sans discussion.

M. le président annonce qu'il vient de recevoir de M. Lambert, contrôleur général des finances, un mémoire sur l'impôt du tabac.

L'Assemblée en ordonne le renvoi à son comité d'impo

sition.

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—M. REGNIER, au nom du comité des rapports: M. Tillard a fait connaître à la municipalité de Luton, en Angoumois, le décret qui porte que les fermiers des biens ecclésiastiques jouiront de leurs baux. La municipalité a refusé l'exécution de ce décret, et a mis aux enchères les biens dont M. Tillard était fermier. Deux lettres à ce sujet ont été successivement écrites à la municipalité, l'une par le comité ecclésiastique, l'autre par ce même comité et par celui des rapports. La municipalité de Luton n'y a eu aucun égard; les enchères ont été continuées : cette municipalité s'est portée à des voies de fait contre M. Tillard; elle a saisi ses récoltes. Ce citoyen s'est déterminé à venir lui-même solliciter votre justice, et il a appris qu'on menaçait de brûler les bâtiments de sa ferme. Le comité à pensé qu'il était nécessaire de réprimer ces excès; il vous propose en conséquence un projet de décret conçu en ces termes :

« L'Assemblée nationale improuve la conduite de la municipalité de Luton, comme contraire à ses décrets sanctionnés par le roi; ordonne que son président se retirera par-devers le roi, pour le supplier d'ordonner au directoire du département de prendre les mesures nécessaires pour faire assurer à M. Tillard la libre administration de ses fermages, et la restitution de ce qui lui aurait été enlevé; comme aussi d'ordonner aux tribunaux de justice des lieux, d'informer contre les auteurs, fauteurs et complices des désordres exercés contre M. Tillard. >>

Ce décret est adopté.

Après quelques difficultés sur l'ordre du jour, on arrête que la discussion sera continuée sur la liquidation de la dette publique.

M. GOUY: Notre position vis-à-vis de nous-mêmes et vis-à-vis des étrangers n'est pas heureuse; mais les embarras qui assiégent le royaume tiennent tous au délabrement de ses finances; il faut en sortir par un généreux effort. Nous devons une somme énorme; la totalité de la dette publique est de 4 milliards 800 millions; mais la dette constituée, viagère et perpétuelle, s'élevant à 2 milliards 400 millious, et n'étant point exigible, il ne faut pas songer, quant à présent, à la rembourser. Reste donc à payer la dette à terme, qui se monte également à 2 milliards 400 millions. Eh bien! acquittons-nous une bonne fois par une seule opération, grande, simple, magnifique; que la nation puisse enfin dire, je ne dois rien. Elle sera peut-être la seule de l'Europe à qui il soit permis de tenir ce langage. Mais quelque brillant que semble ce dessein il ne serait pas digne des législateurs de la France, si lui-même, avantageux à la nation, utile aux créanciers le systême que je vous propose n'était pas juste en de l'Etat, favorable à ceux à qui l'Etat ne doit rien, exempt de tous inconvénients importants, préférable aux autres plans publiés.

Rien de plus juste que de s'acquitter, non seulement des dettes actuellement échues, mais de celles qui sont plus exigibles, de leur nature, à des termes préfixes. Rien de plus avantageux à la nation, car cette dette courte étant un intérêt de 120 millions par année qu'il faut imposer sur les peuples, c'est soulager le pauvre peuple d'un fardeau énorme, que de faire ce remboursement salutaire. Rien de plus utile aux créanciers de l'Etat, car dans l'état actuel on ne leur paie point les capitaux échus, et l'on paie mal les arréra

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Constituante. 262 liv.

ges. C'est donc les ramener au bonheur, les sauver du désespoir, les rendre à l'industrie, au commerce, à l'agriculture, que de les rembourser de ce qui leur est dû, et les mettre enfin à même d'échanger un titre vacillant contre une terre nationale, la plus solide de toutes les possessions. Rien de plus favorable à ceux à qui l'Etat ne doit rien, car, par l'émission de 400 millions d'assignats, et par le décret qui ordonne la vente des biens du clergé, tous les propriétaires de terres sont ruinés. Tel héritage qui valait trois cent mille livres ne se vendrait aujourd'hui que deux cents. Mais lorsque par une émission considérable de valeurs, vous aurez mis tous les créanciers en état d'acquérir des biens nationaux, il s'établira une concurrence qui rendra à toutes les terres des particuliers leur ancienne et véritable valeur.

Ce systême est exempt de tous inconvénients capitaux. La plus forte objection qu'on puisse lui opposer est celle du danger qu'il peut y avoir à mettre en cirtulation deux milliards et demi de numéraire fictif. Il Existe déjà pour deux milliards et demi d'effets non circulants, qui entravent le commerce et attirent vers eux des fonds qui seraient si précieux à l'industrie nationale; il serait donc utile de changer ces papiers stagnants contre des feuilles plus légères, qui auraient toute la mobilité et tous les avantages de la monnaie: la circulation n'en peut recevoir d'atteinte; elle n'aspirera pas plus de numéraire qu'elle ne peut en contenir. Plongez une éponge dans un vase ou dans l'Océan, elle ne s'imbibera pas davantage. Ce systême paraît préférable aux autres plans publiés. Celui de M. Clavières est d'accord avec mes principes. Si ce célèbre Genevois n'a d'abord demandé une émission que d'un milliard, c'est qu'il a craint de perdre la cause entière en prenant des conclusions trop étendues.

M. l'évêque d'Autun voudrait que la dette constituée et la dette exigible entrassent en concurrence dans l'achat des biens nationaux. Mais ces biens ne pouvant suffire à acquérir l'une et l'autre de ces dettes, il serait absurde et injuste d'accorder la même faveur à des titres aussi dissemblables. Il en résulterait d'ailleurs que les contrats anciens, qui ont déjà perdu 30 et 40 pour cent, pourraient enchérir avec trop d'avantage sur les terres ecclésiastiques, qui finiraient par devenir la propriété des anciens créanciers qui n'ont aucun droit à exiger un remboursement; et les créanciers à terme, lorsqu'ils se présenteraient, ne trouvant plus de terres à acquérir, montreraient en vain à la nation leur titre échu, son décret et son impuissance....

J'ai été surpris hier de voir le ministre des finances, qui jusqu'ici n'a présenté aucun plan, n'a offert que des moyens partiels, que des palliatifs inutiles; qui n'a proposé que de misérables impôts, qu'une alliance monstrueuse avec la caisse d'escompte, que ce ministre, dis-je, vint attaquer le seul plan général et suffisant qu'on ait proposé.

richir les créanciers de l'Etat et de ruiner ceux qui ne sont pas créanciers. Les assignats perdent en ce moment, et cependant il n'y en a que pour 400 millions opposés à deux milliards de numéraire effectif. Ils perdront 30 pour cent, quand la somme des assignats sera égale à celle du numéraire effectif. D'après cette première donnée, je dis que tous ceux qui ne sont pas créanciers de l'Etat éprouveront une perte considérable: si leur fortune consiste en une créance sur des particuliers, ils seront payés en assignats qui perdront. On dira qu'ils pourront convertir ces effets en domaines nationaux, mais ces domaines auront une hausse momentanée. Quatre millions de pères de famille n'ont pas dans l'année pour deux cents livres de paiements à faire; ils se trouveront à la merci des capitalistes. Avec de l'argent on fait tout ce qu'on peut faire avec des assignats; avec des assignats on ne fait pas tout ce qu'on peut faire avec de l'argent. L'effet de leur émission sera le désespoir de tous les citoyens qui ne sont pas créanciers de l'Etat, c'est-à-dire des plus fidèles amis de la Constitution.

M. L'ABBÉ GOUTTES: Je ne crois pas qu'il soit possible d'ajouter quelque chose à ce qui a été dit hier par le rapporteur du comité des finances et par M. Riquetti l'aîné; je présenterai seulement quelques considérations. Nous devons, il faut payer: nous n'avons que des fonds pour nous acquitter, il faut les vendre : si nous trouvons moyen d'accélérer ces ventes, il faut l'adopter. En donnant des quittances de finances, on aurait des intérêts à payer. Les biens nationaux mal administrés, s'ils n'étaient pas vendus, ne produiraient pas assez de revenus pour payer ces intérêts; ainsi le peuple surchargé se plaindrait de votre opération, et peut-être de la Constitution. En créant des assignats, vous n'avez plus ces dangers à craindre : vous détruisez des papiers livrés aux agioteurs, des papiers qui corrompent les mœurs, et vous les remplacez par un numéraire fictif qui les protége; vous favorisez l'agriculture et le commerce, en forçant le créancier à tourner ses spéculations sur le commerce et l'agriculture. Il faut aider le peuple à faire de petits achats; les petits propriétaires sont les plus utiles. Je réclamé pour le peuple des assignats de petites sommes, ou bien que pour l'achat des valeurs peu considérables. l'argent soit admis en concurrence avec les assignats; c'est le seul amendement que j'aie à faire au projet de M. Riquetti l'aîné.

M. REWBELL: On a proposé, pour éteindre la dette publique et se débarrasser des biens nationaux, une création d'assignats sans intérêts. Le ministre a dit qu'il y avait des dangers, parce que les assignats ne sont pas au pair. Il aurait été utile d'attaquer cette objection. Pourquoi les assignats ne sont-ils pas au pair? C'est parce qu'ils ne peuvent servir aux besoins usuels; c'est parce qu'il n'y a pas assez de numéraire effectif pour ces besoins. Cette objection n'existerait Si je connaissais moins, dit-il, la pureté des inten- plus, si l'on créait pour 30 millions de monnaie de tions de M. Necker, je croirais qu'il a voulu continuer billon. Je n'ai pris la parole que pour demander qu'on d'être nécessaire, car vous sentez que lorsque vous s'occupât de cette création. Un député extraordinaire aurez tout payé, il n'y aura plus de finances, et par d'Alsace est venu solliciter à ce sujet; partout il a conséquent plus de ministre des finances. Je conclus: trouvé des visages de glace.... Je demande seulement: 1° à une émission de 2 milliards 400 millions d'assi- 1o qu'on décrète dès aujourd'hui que le prix des do gnats-monnaie, forcés, sans intérêt d'aucune espèce; maines nationaux ne pourra être effectué qu'en assi2o à ce que les écus soient exclus de l'achat des biens gnats; 2o qu'il sera créé pour 30 millions de monnaie nationaux qui ne pourront se vendre que contre assi- de billon, et que tout porteur d'un billet de 200 livres gnats; 3° à ce que cette grande et importante question pourra le présenter pour un paiement de 6 livres, et soit discutée aujourd'hui, et ajournée ensuite à quin- que le reste du montant de ce billet lui sera fourni en zaine, pour avoir le temps de consulter l'opinion pu-billon; 3° que dès demain on fera le rapport sur la fablique, qui seule doit faire loi en matière si intéressante. brication des monnaies de billon et sur la vente des Če discours a été très applaudi. cloches.

M. BRILLAT-SAVARIN: En proposant une émission d'assignats pour deux milliards, on s'est trop retenu dans les bases, et l'on ne s'est pas assez occupé de l'application de ce systême, dont l'effet certain serait d'en

M. LEBRUN, membre du comité des finances: C'est à regret que j'ai vu présenter à votre délibération le projet qui vous occupe en ce moment: je ne m'attenpas à lui voir obtenir ce dangereux honneur Ce

dais

projet, je l'avais désapprouvé dans le sein du comité,, comme un rêve dont les ministres ignorants berçaient des despotes soumis. On a dit qu'il était juste, grand, salutaire, qu'il était l'unique remède à vos maux; on vous a dit: Hâtez-vous; ne voyez-vous pas l'hiver qui s'approche et ses longues nuits, et les calamités qu'elles nous préparent, etc., etc.

:

térêt des créanciers, de celui du commerce et de celui des propriétés. Quant à l'intérêt de l'Etat, la vente des biens domaniaux est nécessaire, non seulement relativement au besoin de payer la dette de l'Etat, mais encore relativement à la Constitution. Tant que les biens nationaux, ci-devant ecclésiastiques, ne se ront pas aliénés, tant que vous aurez à craindre la résurrection d'un corps de prêtres riches, vous ne pourrez compter sur la liberté; vous devez donc hater la vente des biens nationaux. Vous ne parviendrez pas à la réaliser sans une émission d'assignats-monnaie. A défaut de cette émission, quels seraient vos moyens? D'une part, le numéraire existant; de l'autre, les titres des créances; le numéraire est déjà insuffisant, il le sera bien davantage quand vous augmenterez le nombre de fonds en circulation. Le sixième des fonds actuellement dans le commerce ne peut être vendu, parce que les capitaux ne sont pas disponibles. On propose des quittances de finances; mais elles porteraient des intérêts, et il est de l'intérêt de l'Etat de rendre l'impôt le moins lourd possible.

Ainsi en vous remplissant d'espérance et de terreur, on s'est flatté de vous entrainer; mais ce n'est pas avec de pareils leviers qu'on peut mouvoir une Assemblée législative. Hier vous n'entendiez que vanter un projet désastreux, vous le discutez aujourd'hui: hier c'était un orviétan merveilleux qui devait sauver la France et cicatriser ses blessures, aujourd'hui c'est un fatal poison qui doit tuer l'Assemblée nationale et la Constitution. Vous avez donc une dette d'environ 3 ou 4 milliards; sans doute il serait avantageux de l'éteindre si le moyen qu'on vous propose est juste, s'il ne doit pas amener une fatale convulsion, il faut l'adopter dès aujourd'hui; mais examinons les procédés de cette opération. On sépare la dette exigible de la dette constituée: rien de plus juste. Avec quoi la Les assignats-monnaie procureront aux contribuarembourse-t-on? avec des biens ecclésiastiques. Sont-bles un soulagement de 100 millions; les impôts se ils égaux à cette dette? Eh! qu'importe s'ils ne le sont paieront mieux, puisqu'ils seront diminués et que les pas? Il faut qu'ils le deviennent. Je rembourserai avec moyens de payer seront augmentés. Ainsi donc l'émisun bel et bon papier territorial qui ne portera passion des assignats-monnaie présente de grands avand'intérêt; mes créanciers ne pourront faire qu'un seul usage de ce papier, ils en seront embarrassés; les capitaux tomberont dans le discrédit : on prendra peu de biens territoriaux pour beaucoup de papier, et j'aurai remboursé la dette. Cette opération est une injustice; c'est outrager l'Assemblée nationale que de la lui proposer. Si vous voulez manquer aux engagements de l'Etat, manquez-y du moins avec un peu de loyauté; dites à vos créanciers: Nos ressources sont grandes, mais c'est au temps à les féconder; la vente des fonds nécessaires pour nous acquitter avec vous ne peut se faire que d'une manière lente; s'il fallait vous payer des intérêts, nous serions écrasés; nous serons justes, dans deux ans nous vous rembourserons les capitaux, nous vous paierons les intérêts. Vous n'avez pas de créancier qui n'acceptât des conditions aussi franches....

Vous jetez 19 cents millions de papier à vos créanciers; ils n'ont ni pain ni argent, il faudrait donc que votre papier devint du pain et de l'argent. Tout dans le gouvernement se changera en papier. Est-ce avec du papier qu'on paiera des employés, qu'on paiera l'armée? est-ce avec du papier que vous mettrez en mer des vaisseaux qui attendent leur armement? Vous ferez des assignats de 24 liv., mais il faudra donc que toutes les denrées valent 24 liv. Je ne parle pas des défaveurs du change; je ne parle pas de l'intérêt du commerce et des manufactures.... On dit que ces belles opérations sauvent la Révolution, moi je dis qu'elles tuent la Révolution et l'Assemblée nationale. Avant que ces 18 cents millions d'assignats soient mis en circulation, l'argent disparaîtra. Les provinces s'animent; vous tombez avec l'opinion; la Constitution tombe avec vous. Ses ennemis ont des propriétés et du crédit; le clergé pourrait revivre; en modifiant les dimes on contenterait le cultivateur; les biens des moines se vendraient sans obstacles, et dans quelques mois votre Constitution ne serait qu'un souvenir. Je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les propositions qui vous sont faites. (Il s'élève beaucoup de murmures.)

tages pour l'Etat. Vous avez encore l'espérance raisonnable de parvenir à la diminution du taux de l'intérêt ce taux se soutient à raison du besoin du plus grand nombre des emprunteurs et du plus petit nombre des prêteurs. En diminuant la masse des capitaux, la concurrence des prêteurs sera plus grande, celle des emprunteurs diminuera et les conditions seront meilleures. Voilà les considérations qui me font penser que l'intérêt de l'Etat est engagé à l'émission d'assignats proposée. J'examine ensuite cette opération sous le rapport de l'intérêt des créanciers de l'Etat. Ils ont intérêt à être payés, à l'être solidement. Vous satisfaites cet intérêt, et créant un papier dont la solidité est supérieure à celle même du numéraire effectif, ils sont payés, ils le sont solidement; vous leur donnez non seulement du numéraire, mais encore une fraction de propriétés territoriales. Vous devez leur remettre une valeur effective dont ils puissent disposer comme de l'argent qu'ils ont prêté à l'Etat. Si vous leur fournissez une quittance de finance, ce nouveau titre ne les remettra pas dans la position où ils étaient lorsqu'ils ont fait leur prêt.

On dit que le papier n'aura pas la valeur du numéraire effectif; mais les assignats sont le type essentiel de la terre, qui est la source de toute valeur. Vous.ne pouvez distribuer la terre en valeur circulante, mais le papier devient la représentation de cette valeur; ainsi il est évident que les créanciers de l'Etat n'éprouveront nul préjudice. On objecte que les biens nationaux ne sont pas seulement l'hypothèque de la dette exigible, mais encore des créanciers porteurs de titres constitués; mais ceux-ci n'ont pas compté sur ce gage, ils n'ont donc rien à demander. En mettant entre les mains des créanciers de l'Etat l'équivalent de leur prêt, ils n'ont donc aucun reproche à vous faire. Ici vient naturellement une observation. M. Riquetti l'aîné a proposé que l'acquisition des domaines nationaux ne pût être faite qu'avec des assignats; il me semble d'abord que cette proposition n'a en soi aucune réalité celui qui aura de l'argent achètera des assiM. CHABROUD: Il y a deux manières de discuter une gnats pour acquérir des terres; ainsi il aura toujours question, celle des adeptes et celle des apprentis. Un acheté des fonds territoriaux avec de l'argent. Cette arithméticien chiffre ce qu'une femme compte sur ses illusion n'a d'autre objet que d'attirer une plus grande doigts. Cette dernière méthode est la mienne, et je confiance à un papier qui n'en a pas besoin. Je dis de dentaude la permission de raisonner un moment sur plus que si cette proposition avait quelque réalité, cette grande question, avec ceux qui ont besoin qu'on elle aurait des dangers certains. En effet, si les assila simplifie pour qu'elle soit mise à leur portée. Je gnats-menmaie étaient le seul moyen d'acquisition, l'envisage sous le rapport de l'intérêt de l'Etat, de l'in-ils obtiendraient trop de préférence sur l'argent. Is

passeront nécessairement dans les mains des capitalistes et dans celles des personnes d'offices, ou ces créanciers achèteront eux-mêmes des biens nationaux et ne se dessaisiront pas de leurs assignats; alors il n'y aura pas de concours dans les ventes et les fonds ne s'élèveront pas à leur juste valeur; Jou au contraire ils ne voudront pas acheter et spéculeront en vendant chèrement leurs assignats.

Je crois donc qu'il n'y a aucun inconvénient à admettre concurremment dans les ventes l'argent et les assignats. J'ajoute encore que les capitalistes habitant Paris ne peuvent n'avoir pas de vues pour les acquisitions; ils seraient alors obligés de faire passer leurs assignats en province : il me paraîtrait convenable de leur épargner cet embarras, en ouvrant un emprunt à quatre pour cent, auquel seraient admis les créanciers de l'Etat, qui ne voudraient pas être payés en assignats-monnaie: ce serait une épreuve de l'opération, car un grand nombre de créanciers dans cette position préféreraient les assignats. J'examine maintenant la question sous le rapport des manufactures : je serai bref, car j'avoue mon insuffisance, et je ne ferai qu'une réflexion qui appartient à tout esprit juste. Indépendamment des idées acquises, vous augmentez considérablement le numéraire; et il est de l'intérêt des manufactures que le numéraire soit abondant. Quand il abonde, on emprunte à un taux modéré, on paie moins cher quand on paie comptant. Sous ces deux points de vue les manufactures languissent.

Je viens au dernier rapport sous lequel je me suis proposé d'examiner l'émission de deux milliards d'assignats: l'intérêt des propriétés. Les propriétés ne se vendent pas; le profit attire continuellement les hommes; les possesseurs d'argent, attachés par cet attrait aux opérations du gouvernement, n'achètent pas les fonds territoriaux qui tombent en discrédit. La richesse fondamentale de l'Etat est dans les propriétés; il faut les favoriser: vous faites le contraire si vous n'admettez pas une émission d'assignats. Vous avez la sixième partie des biens libres, le rachat des droits féodaux, les biens nationaux et les moyens d'acquisition manquent quand vous augmentez les ventes. On craint une trop grande émission; on dit que l'excès serait dangereux; à présent le sixième des biens-fonds ne peut se vendre. En vendant les biens nationaux et en créant des assignats pour leur valeur, vous ne mettrez en circulation que l'équivalent de ces biens; il reste toujours le déficit actuel dont souffrent le commerce, l'agriculture et les propriétés. Je pense donc qu'il faut décréter la proposition de M. Riquetti l'aîné. J'adopte l'amendement de M. l'abbé Gouttes, et je demande qu'incontinent après l'ouverture des ventes il soit ouvert au trésor public un emprunt à 4 pour cent. (La suite à demain.)

LIVRES NOUVEAUX,

1

Abrégé de l'Histoire universelle, par M. A.-J. Roustan, ministre de l'Eglise helvétique à Londres; avec cette épigraphe: Rard locorum felicitate, quá sentire quæ velis, et que sentias dicere licet. 9 volumes in-12 d'environ 300 pag. chacun. A Paris, chez M. Defray, libraire, quai des Angustins, no 35.

Troisième Olynthienne, faisant suite à la nouvelle traduction des harangues de Démosthène, par M. Gin.

Dans cette harangue, l'orateur grec développe plus clairement le conseil hasardé dans la première Olynthienne de rendre à l'armée les fonds employés aux dépenses du théâtre. Il exhorte ensuite les Atheniens à se défièr de ceux qui, en les flattant, leur inspirent une dangereuse confiance dans leurs succès, les détournent des soins nécessaires au salut public, et leur font préférer de vains projets de vengeance contre Philippe, à l'intérêt plus pressant de secourir

leurs alliés.

A la suite de cette harangue, M. Gin donne un parallèle des Guépes d'Aristophane, et des Plaideurs de Racine. Voyez pour les conditions de la souscription le n° 222 de cette feuille, page 919.)

ARTS. GRAVURES.

Les Illus. s Français ou Tableaux historiques des grands hommes de la France; ouvrage dédié à M. d'Artois, frère du roi. Par M. Ponce; prix : 9 liv. le cahier compose de trois livraisons, de deux estampes lacune. A Paris, cher l'auteur, rue Saint-Hyacinthe, n° 19. Le sixième cahier paraft: il contient les 17, 18 et 19o livraisons, composées des tableaux historiques de Charlemagne, de Colbert, de saint Vincent de Paul, des maréchaux de Berwick, de Saxe, de Fénélon et de Girardon.

Cette entreprise jouit d'un succès mérité; la notice historique e instructive qu'on trouve au bas de chaque tableau, ajoute à l'intérêt que le tableau inspire lui-même. Parmi les citations des mots heureux proférés par ces personnages illustres, que l'auteur de cette collection a recueillis, nous avons remarqué ceux-ci attribués à Charlemagne, et qui servent d'épigraphe au tableau où il est représenté ; il s'adresse aux nobles: « Vos ancêtres ont reçu leur récompense; l'Etat ne doit qu'à ceux qui se rendent capables de le servir. »

SPECTACLES.

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE. - Aujourd. 29, Armide, THÉATRE DE LA NATION. Aujourd. 29, Alzire, tragédie. et le Préjugé vaincu, comédie.

THEATRE ITALIEN. Aujourd'hui 29, la Bonne Mère; et Richard Cour-de-Lion.

THEATRE DE MONSIEUR. Aujourd'hui 29, à la salle de la foire Saint-Germain, Azélie, opéra français; et la Famille patriote, comédie en 2 actes. Caroline, comédie en 5 actes; et Ricco, en 2 actes. THEATRE DU PALAIS ROYAL. - Aujourd'hui 29, Charles et THEATRE DE MADEMOISELLE MONTANSIER, au Palais Royal, - Aujourd'hui 29, l'Apothicaire; et la Vertu couronnée. COMÉDIENS DE BEAUJOLAIS. Aujourd'hui 29, a la salle des Elèves, l'Anti-Dramaturge; et la Revanche. CIRQUE DU PALAIS ROYAL. - Aujourd'hui 29, à sept heures, concert dans lequel on exécutera deux symph. de M. Haydn, un air de M. Paesiello, un concerto de flute de M. Devienne, un trio de M. Saliéry, une scène de M. Langlé, et l'Idylle sur la Liberté, dont on distribuera des exemplaires gratis : ensuite bal jusqu'à onze heures.

GRANDS DANSEURS DU ROI. - Aujourd'hui 29, A bon chat bon rat; le Ménage du Savetier; Pierre Bagnolet et son fils, pièces en I acte; et la Défaite des Arméniens.

AMBIGU-COMIQUE. Aujourd'hui 29, l'Epreuve raisonnable, pièce en I acte; le Nouveau Doyen de Killerine, en 3 actes; et Pierre de Provence, pantomime.

THEATRE FRANÇAIS COMIQUE ET LYRIQUE, rue de Bondy. Aujourd'hui 29, le Faux Roxas, comédie; et le Rendezvous, opéra-bouffon.

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N° 242.

mann

Lundi 30 Aout 1790. Deuxième année de la Liberté.

POLITIQUE.

RUSSIE

-

De Pétersbourg, le 1er août. — M. le comte d'Ostera fait remettre au nom de l'impératrice une seconde déclaration aux ministres étrangers. Cette pièce porte en substance que les anciens traités entre la Russie et la Porte seront renouvelés; que les limites entre les deux empires seront réglées par le cours du Niester; que la Porte cédera Akiermann à la Russie; la Moldavie, la Valachie et la Bessarabie seront que déclarées indépendantes : quant à la Suède, l'impératrice demande le renouvellement des traités de Nystadt et d'Abo. Mais on est loin de penser que ces articles passent, même avec contestation, au congrès de Reichembach.

SUÈDE.

De Stockholm, le 6 août. — Voici l'état des vaisseaux russes pris au combat de Swenksund, et que l'on a pu mettre en état de servir : 4 frégates, 1 chébec, 7 galères, 4 galiotes, 1 tschaïque, une batterie flottante, 3 chaloupes canonnières, 5 cutters; en tout, 26 navires. Les autres étaient en si mauvais état qu'il a fallu les détruire. Les canons que l'on a pris à l'ennemi sont au nombre de 527, dont 20 de métal. Le nombre des prisonniers russes est de 260 officiers et de 6,200 hommes, outre 189 blessés que l'on a renvoyés à Frédéricsham. 80 officiers prisonniers sont arrivés ici, nous attendons les autres. Il se trouve parmi eux beaucoup d'Allemands et d'Anglais.

Le roi est toujours à Swenksund, où l'on a établi plusieurs batteries. Il est probable que S. M. a reçu tenter de de la Prusse des avis qui l'engagent à ne pas nouveaux efforts contre les Russes, puisque si cette puissance se refuse à la paix, on est convenu des L'escadre du duc de moyens de l'y contraindre. Sudermanie est réparée, et les ordres sont donnés pour la construction de nouveaux vaisseaux de ligne.

POLOGNE.

De Varsovie, le 11 août. · On a achevé hier de lire à la diète le projet de la réforme de notre gouvernement; elle a résolu de donner 15 jours aux délibérations, avant de commencer les débats en forme sur cet ouvrage : prudence tout à fait digne d'éloges, et que la diète, en toute occasion importante, devrait observer religieusement. La connaissance des préliminaires signés à Reichembach, entre l'Autriche et la Frusse, a causé une grande effervescence; le parti prépondérant avait déterminé de conclure immédiatement un traité d'alliance avec les Turcs, tel qu'il aurait pu produire les effets les plus désastreux pour la Pologne, si le roi ne fût survenu, si S. M. n'eût bientôt, par sa sagacité, par son éloquence, ramené les esprits, et fait éviter un si dangereux écueil, en proposant une modification aussi sage qu'ingénieuse, laquelle a été unanimement adoptée. Ce n'est pas la première occasion où, dans le cours du mouvement actuel de l'Europe, notre monarque nous ait sauvés par sa prudence et ses lumières : cette vérité commence à ètre connue généralement.

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Deux députés de la principauté de la Transylvanie sont arrivés dans cette ville: leur demande a pour objet le rétablissement de leurs anciens priviléges. Les états du Tyrol ont prêté le 27 juillet foi et hommage au roi entre les mains de l'archiduchesse MarieElisabeth.

Des avis de la Valachie, du 21 juillet, portent que les Turcs se tiennent tranquilles, et qu'à cette époque le grand-visir n'avait encore fait aucun préparatif pour passer le Danube. Le maréchal prince de Cobourg s'est porté vers Bucharest; il a établi son camp

à Sintestie.

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- Le mercredi 18 de ce De Francfort, le 20 août. mois, l'ouverture de la diète pour l'élection d'un empereur s'est faite avec une grande solennité, et avec l'affluence d'un peuple immense, qui formait des vœux pour l'heureuse réussite de cette élection, et pour qu'elle pût tendre au plus grand bien de l'empire d'Allemagne.

Avant-hier est mort en cette ville M. le baron de Keller, quatrième ministre électoral de Mayence.

Le prince-évêque de Spire a nouvellement protesté, de la manière la plus solennelle, contre les élections de maires et membres des municipalités, qui, suivant les décrets de l'Assemblée nationale, ont été faites dans les villes et lieux de l'Alsace dépendants de son évêché; ainsi que contre les innovations au préjudice de ses droits. Le prince-évèque, dans cette protestation, s'exprime de la manière suivante :

« Qu'il avait fait au roi des représentations sérieuses et fondées contre les décrets de l'Assemblée nationale, qui renversaient tous ses droits, la paix et les traités avec la France; qu'il s'était adressé là-dessus par un mémoire à l'empereur et à l'Empire; mais que nonobstant, sur les décrets de l'Assemblée nationale, on avait introduit à présent dans les endroits de l'Alsace de nouvelles municipalités, et anéanti son droit de juridiction et de nomination aux principaux offices; que les nouveaux maires exerçaient un pouvoir injuste, excitant ses sujets à ne lui plus payer d'impôts, ainsi qu'à méconnaitre sa souveraineté; que son pouvoir ne lui laissant d'autre moyen que protester, il déclarait en conséquence nulles et de nulle valeur toutes les infractions faites à ses droits, les regardant comme des attentats, parce que le roi ne paraissait pas instruit à quelles conditions il est souverain de l'Alsace, etc. »

ITALIE.

de

De Milan, le 10 août. On est dans l'impatience d'apprendre ce que les députés du Milanais auront obtenu du roi de Hongrie. Le plat pays partage nos inquiétudes; il s'élève dans plusieurs cantons des prétentions nouvelles, A Côme une insurrection, ou plutôt une mutinerie, a jeté l'alarme; elle a été soudain réprimée. Elle n'avait point d'objet important: voici quelle en a été la cause.

les

La ville de Còme occupe par ses manufactures de soieries une grande quantité d'ouvriers. Cette branche d'industrie à beaucoup souffert par les recrutements, qui ont enlevé un grand nombre de bras au commerce. À cette perte réelle s'est jointe une autre calamité, vexations du systême fiscal. Le ministre des finances est Lorrain de naissance; cet étranger, pressé par Joseph II, pour les recouvrements et pour l'augmentation des revenus, avait imaginé ce qui se pratique partout, d'exciter l'activité des fermiers du fisc par l'appat du gain, en leur accordant jusqu'à 10 pour

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